
L’enseignement supérieur public au Sénégal est un pilier essentiel du développement socio-
économique et culturel du pays. Il joue un rôle central dans la formation des cadres,des chercheurs et des professionnels qui contribuent à la croissance et à l’innovation nationales. Cependant,ce secteur est confronté à des défis majeurs qui entravent son efficacité et sa capacité à répondre aux besoins actuels.
Parmi ces défis, on note des infrastructures insuffisantes, un encadrement pédagogique limité, des financements inadaptés et des disparités dans l’accès aux ressources éducatives. Ces problématiques compromettent la qualité de l’enseignement et la compétitivité des diplômés sur le marché du travail. Il est donc impératif d’identifier et de quantifier ces faiblesses pour orienter les réformes nécessaires. Le tableau suivant présente une synthèse des principaux manquements de l’enseignement supérieur public sénégalais, accompagnés de données chiffrées pour illustrer l’ampleur de chaque problématique.Des infrastructures vieillissantes et un investissement insuffisant
Les campus universitaires, en particulier dans le secteur public, peinent à disposer d’équipements modernes. Selon le rapport du Ministère de l’Enseignement Supérieur (2022), seuls environ 10 % du budget global du secteur sont consacrés à la modernisation. De ce fait, moins de 40 % des universités disposent de laboratoires et centres d’expérimentation répondant aux normes internationales. Ce manque d’investissement limite non seulement la capacité d’innovation des institutions, mais également la compétitivité de leurs étudiants sur le marché du travail. Un corps enseignant sous tension et un ratio alarmantL’un des enjeux majeurs est le déficit en enseignants-chercheurs.
Dans le secteur public, le ratio officiel est d’1 enseignant-chercheur pour 120 étudiants, bien loin des 1 pour 25 préconisés par l’UNESCO. Cette situation engendre plusieurs problèmes : Encadrement insuffisant : Les enseignants, déjà surchargés, peinent à assurer un suivi personnalisé, ce qui affecte la qualité des cours et de la recherche. Dépendance aux vacataires : Près de 70 % des cours sont assurés par des enseignants vacataires, souvent recrutés dans des conditions précaires et sans perspectives de carrière, accentuant ainsi la fragilité du système.
Ces éléments témoignent d’un déséquilibre structurel qui impacte directement la réussite académique des étudiants. Perturbations du calendrier universitaire et inégalités de parcours. Les étudiants, surtout dans les établissements publics, sont confrontés à des retards récurrents dans le calendrier universitaire. Les lenteurs administratives et le manque de ressources humaines provoquent :
Des décalages dans le déroulement des cours et des examens : ce qui conduit à une désorganisation générale du parcours académique. Un taux de réussite inférieur : Par exemple, dans certaines universités publiques, le taux global de réussite avoisine les 52,6 %, tandis que le taux d’échec et d’abandon peut atteindre près de 47 %. Une absence d’encadrement pour les mémoires et stages : Le manque de suivi personnalisé empêche de valoriser les projets de fin d’études et limite l’insertion professionnelle des diplômés.Ces perturbations accentuent les inégalités entre étudiants issus de milieux différents et creusent le fossé entre ceux qui bénéficient d’un suivi de qualité dans les établissements privés et ceux qui en pâtissent dans le public.
Comparaison entre universités publiques et privéesLes universités privées, grâce à des effectifs souvent mieux encadrés et à des infrastructures plus modernes, affichent généralement des taux de réussite plus élevés.
On observe ainsi : Dans le secteur privé : Les taux de réussite se situent entre 70 % et 75 %, impliquant des taux d’échec plus faibles (autour de 25 à 30 %).• Dans le secteur public : En raison des surcharges, des retards et d’un encadrement insuffisant, les taux de réussite sont bien inférieurs, avec près de 52,6 % de réussite et un taux d’échec pouvant atteindre près de 47 %.Ces disparités soulignent l’importance d’un encadrement de qualité et d’infrastructures adaptées pour améliorer les résultats académiques et garantir l’égalité des chances entre tous les étudiants.
Enjeux d’équité et d’égalité des chancesL’accès à une éducation de qualité est un levier essentiel pour le développement du pays. Or, plusieurs défis entravent l’égalité des chances dans l’enseignement supérieur sénégalais :• Perturbations régulières du calendrier universitaire : Les retards dans la tenue des cours et la publication des résultats génèrent une instabilité qui affecte la planification des études et la préparation des examens.• Inégalités de suivi pédagogique : Alors que les étudiants dans les établissements privés bénéficient d’un encadrement rapproché, ceux des établissements publics subissent les conséquences d’un ratio enseignant/étudiant très élevé et d’un recours massif aux vacataires. Manque d’encadrement des mémoires et des stages : L’absence de supervision adéquate limite l’acquisition de compétences pratiques essentielles, freinant ainsi l’insertion professionnelle et l’innovation.Ces facteurs combinés font de l’égalité des chances un objectif encore loin d’être atteint dans le secteur, mettant en lumière la nécessité de réformes structurelles.
Pistes de réforme pour un avenir prometteurFace à ces constats, plusieurs axes de réforme se dessinent pour moderniser l’enseignement supérieur sénégalais et améliorer l’équité entre les étudiants :• Modernisation des infrastructures : Accroître significativement les investissements pour moderniser les campus et intégrer des technologies de pointe, afin de favoriser un environnement propice à l’innovation et à la recherche.• Renforcement du corps enseignant : Recruter et fidéliser des enseignants-chercheurs permanents en instaurant des plans de carrière attractifs, afin de réduire la dépendance aux vacataires et d’améliorer le suivi pédagogique.
L’objectif est de rapprocher le ratio enseignant/étudiant des normes internationales.• Encadrement renforcé des mémoires et des stages : Développer des dispositifs d’accompagnement pour la rédaction des mémoires et la réalisation des stages, essentiels pour préparer les étudiants à intégrer le marché du travail. Implication accrue des établissements privés : Encourager une coopération plus étroite entre le secteur public et le secteur privé, qui affiche déjà de meilleurs résultats, afin de partager les bonnes pratiques et d’harmoniser l’offre de formation.Conclusion.
L’enseignement supérieur au Sénégal se trouve à la croisée des chemins. Si les défis – infrastructures vieillissantes, déficit en enseignants, perturbations du calendrier universitaire et inégalités d’encadrement – sont nombreux, ils offrent également l’opportunité de repenser et de réformer le système pour mieux répondre aux enjeux du développement économique et social. Une mobilisation collective, intégrant modernisation, recrutement et partenariats public-privé, est indispensable pour garantir à chaque étudiant des chances égales de réussite et pour préparer le Sénégal aux défis de demain.
*Dr Serigne Moussa DIA, Enseignant chercheur en politique macro-
économique