Alors que de la moitié des sols au sud du Sahara sont fortement dégradés, la généralisation des pratiques agricoles régénératrices pourrait augmenter les rendements à des taux allant jusqu’à 65% d’ici 2040 par rapport aux rendements issus de l’agriculture conventionnelle.
L’adoption généralisée de l’agriculture régénératrice en Afrique subsaharienne pourrait générer une valeur ajoutée brute de 70 milliards de dollars en moyenne par an d’ici 2040, selon un rapport publié en novembre dernier par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Le rapport rappelle que l’agriculture régénératrice est une méthode de production agricole qui réunit un ensemble de pratiques, dont l’objectif premier est de renforcer naturellement la qualité des sols ou de restaurer la fertilité des sols malades ou épuisés.
Les pratiques associées à l’agriculture régénératrice sont, entre autres, l’apport d’engrais naturels, le paillage, la rotation des cultures, l’utilisation de cultures de couverture et d’engrais verts, la suppression des applications de produits phytosanitaires, le non-labour, la polyculture et les aménagements anti-érosion comme les haies vives, les digues filtrantes et les micro-barrages pour la gestion des eaux pluviales ou encore l’entretien des nappes phréatiques.
La valeur ajoutée brute qui pourrait être apportée par les pratiques agricoles régénératrices au sud du Sahara proviendrait à hauteur de 30 milliards de dollars de la production agricole proprement dite ou de l’industrie agroalimentaire et d’autres secteurs connexes à concurrence d’environ 40 milliards de dollars.
En se basant sur des modélisations prudentes, le rapport révèle d’autre part que les pratiques agricoles régénératrices pourraient augmenter les rendements agricoles des pays d’Afrique subsaharienne à des taux allant de 4 à 17% d’ici 2030 et jusqu’à 65% d’ici 2040 par rapport aux rendements issus de l’agriculture conventionnelle.
5 millions d’emplois supplémentaires
D’autre part, l’adoption de l’agriculture régénératrice pourrait créer un million d’emplois à temps plein dans la région d’ici 2030 et près de 5 millions d’emplois d’ici à 2040.
Ces opportunités d’emploi pourraient être plus nombreuses dans les sous-régions de l’Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, avec 1,8 et 2,2 millions d’emplois à temps plein supplémentaires respectivement d’ici 2040.
Cela s’explique notamment par l’important poids économique du secteur agricole (environ 25% du PIB en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Ouest contre 17% en Afrique centrale et 4% seulement en Afrique australe) et la taille des populations de ces deux sous-régions par rapport aux autres.
Notant que près de 50% des terres cultivées en Afrique subsaharienne sont fortement dégradées ou totalement épuisées, le rapport souligne par ailleurs que l’adoption généralisée de l’agriculture régénératrice est susceptible d’améliorer la sécurité alimentaire dans la région, en faisant baisser les prix des denrées alimentaires de 16 à 24% d’ici 2040 par rapport aux prix qui seraient pratiqués au cas où les agriculteurs africains maintiendraient les méthodes de production conventionnelles.
D’ici 2040, l’agriculture régénératrice pourrait également augmenter la consommation alimentaire par habitant de 13%, réduire les dépenses alimentaires des ménages africains de 5 à 15% et accroître l’apport calorique par habitant de 16%.
Sur un autre plan, cette agriculture basée sur la conservation de l’activité biologique du sol et la préservation de sa structure, pourrait séquestrer de grandes quantités de dioxyde de carbone (CO2), ce qui en fait une solution peu coûteuse et efficace pour lutter contre le changement climatique. D’ici 2040, son « bénéfice carbone » en Afrique subsaharienne pourrait correspondre à une augmentation de 4,4 gigatonnes d’équivalent CO2 (GtCO2e) stockées dans les sols. En outre, 106 mégatonnes d’équivalent CO2 (MtCO2e) pourraient être séquestrées chaque année grâce à la restauration des terres dégradées par des systèmes agroforestiers.
Les experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques révèlent dans ce cadre que plusieurs entreprises multinationales et africaines, dont Anheuser-Busch InBev (AB InBev), Nespresso, Olam, Touton et Twiga Foods, récoltent déjà les fruits de l’agriculture régénératrice en Afrique subsaharienne, grâce à des programmes touchant plus de 100 000 agriculteurs, et qui ont déjà abouti à des augmentations de rendements allant de 68% à 300%.