Depuis maintenant plusieurs années mourrir dans une manifestation est devenu banal.
Hier, le Ministre de l’intérieur a annoncé être informé de « la découverte de deux corps sans vie, … lors des manifestations à Ziguinchor ». Il a appelé « la population au calme et à la sérénité ». Il s’est enfin engagé à prendre les dispositions « pour préserver la paix et la tranquillité dans le pays ».
Il est surprenant de ne trouver dans le communiqué du Ministre de l’intérieur aucune trace d’un engagement à faire la lumière sur les causes du décès de ces deux manifestants et de trouver leurs éventuels assassins.
La mort non naturelle est devenue un fait banal dans notre société.
Les Sénégalaises et les Sénégalais meurent en nombre dans les accidents de la circulation et les pirogues, en direction de l’Europe, qui se renversent en mer, sans que cela ne suscite dans la durée une ferme volonté de mettre fin à cette hécatombe inadmissible.
Mourir dans une manifestation est maintenant un fait ordinaire.
Après l’émotion suscitée au moment des faits, la vie ordinaire reprend son cours comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé.
La mort, surtout la mort d’un jeune, est la pire des pertes pour une société.
Depuis plus de deux ans, malgré les dizaines de morts enregistrés lors des manifestations, à notre connaissance, aucun coupable n’a été identifié.
Des vidéos circulent dans les réseaux sociaux, repris dans les reportages de journalistes nationaux et internationaux, dans des articles dans la presse internationale qui mettent le doigt sur de possibles coupables de ces assassinats.
La police, elle-même, a exhibé lors d’une conférence de presse des vidéos qui mettent en évidence des individus en position de tir.
Depuis cette conférence de presse, dont les arguments ont été largement contestés par la presse internationale, il n’y a aucune information indiquant l’arrestation de ces individus facilement identifiables à travers ces vidéos.
Une société qui banalise les assassinats est une société qui se dirige tout droit vers le règne de la dictature sanglante et la fin, imposée par des milices privées, de la liberté d’opinion et de manifester.
C’est pourquoi, élu Président de la République, je m’engage à mettre en place une commission d’enquête indépendante, inclusive et compétente, qui sera chargée, dans un délai précis, à établir la liste exacte des morts dans les manifestations, leurs causes, leurs circonstances, leurs auteurs, les coupables et les commanditaires.
Je me ferai un point d’honneur de faire la lumière sur ces morts inacceptables.
Je veillerai à ce que les coupables et les commanditaires soient punis pour que ces assassinats ciblés disparaissent à jamais de l’espace public de notre pays.
Dakar, mardi 1er août 2024
Prof Mary Teuw Niane