Ne disposant d’aucune ouverture sur la mer, Linguère s’approvisionne en poissons à partir de Dakar, de la Petite ou Grande côte, entre autres points de pêche. Une dépendance qui rend la denrée rare et chère pour les petites bourses.
LINGUÈRE – Loin des côtes, Linguère est ravitaillée en poisson par des mareyeurs qui se relaient pour éviter à la ville une rupture. Le produit provient des quais de pêche de Dakar, de la Petite ou de la Grande côte. Par le passé, Linguère était ravitaillée par le train. Mais, avec la fin de la desserte de la zone par voie ferrée, l’approvisionnement se fait exclusivement par la route. Selon le Service départemental de la pêche, six mareyeurs en provenance de Mbour, Joal et Saint-Louis ravitaillent la ville. «Nous savons que le poisson se raréfie à Linguère et le prix n’est pas du tout homologué. Le Service de pêche de la localité veille à ce que le ravitaillement soit pérenne», explique Abdoulaye Thiam, chef du Service départemental de la pêche de Linguère, qui contrôle, chaque matin, les caisses de poissons avant leur vente. «Nous envoyons nos agents sur le terrain pour faire le contrôle», informe M. Thiam, assurant que le poisson consommé à Linguère est de bonne qualité.
Mais, la panne du complexe frigorifique accentue la rareté du produit qui est très périssable. La conséquence est que le prix fluctue selon l’offre et la demande. «Nous rencontrons d’énormes difficultés pour satisfaire les commandes de nos clients. J’achète la caisse de maquereaux ou de sardinelles à 40.000 FCfa à Mbour, Joal ou Saint-Louis et je la revends aux petits mareyeurs à 80.000 FCfa. Malgré cela, je n’arrive pas à faire des bénéfices. Le poisson ne nourrit plus son homme comme avant», déplore Cheikh Tidiane Fall, jeune mareyeur résidant à Linguère.
L’éloignement des principaux quais de pêche a aussi un impact sur les prix. «Nous demandons à l’État de réhabiliter la chambre froide du complexe frigorifique de Linguère qui est tombée en panne. Avec ce complexe, on arrivait à approvisionner le marché sans entrave», souligne M. Fall. Certains petits mareyeurs disent être obligés de vendre à perte. «Nos bénéfices ne sont pas du tout consistants. Nous vivons dans une zone sylvo-pastorale où la viande ne coûte pas cher. Mais, les gens ne peuvent pas consommer de la viande tout le temps; ils ont besoin de manger du poisson aussi», dit-il, invitant l’État à faciliter l’approvisionnement de la localité en poissons frais.
Aussi, les caisses de poissons n’étant pas à la portée de toutes les femmes revendeuses, certaines trouvent la parade en se cotisant pour en acheter. Awa Cheikh Ndiaye, vendeuse de poissons au marché central de Linguère, et deux autres dames procèdent ainsi. «Nous achetons les caisses à des prix très élevés. C’est difficile pour nous, revendeurs, de nous en sortir», se plaint-elle.
Le poisson hors de portée de la plupart des bourses
Les petits poissons comme le «yabooy tass» coûtent 1.000 FCfa l’unité et les gros 2.000 FCfa. Les poissons dits «nobles», comme le «thiof», sont non seulement rares sur le marché, mais hors de portée, le plus souvent, de la plupart des revendeurs et des consommateurs. «Je suis venue acheter du poisson pour préparer du riz au poisson, mais on me dit que le kg de sardinelle coûte 2.000 FCfa. Si je l’achète, le reste de l’argent ne va pas couvrir toutes mes emplettes», se lamente Ndèye Fatou Lecor, rencontrée au marché de Linguère. À l’image de cette dame, beaucoup de femmes considèrent le poisson comme un produit de luxe à Linguère. Mme Lecor renseigne que certaines espèces, telles que le merluchon, le tacaud, le lieu noir, la carpe, le tilapia ou encore le mulet, ne sont pas bien connues à Linguère. Et dire que plusieurs chefs de famille préfèrent de loin le poisson à la viande. C’est le cas de Waly Ndiaye, commerçant au marché central. «À Linguère, même les familles non nanties consomment presque quotidiennement de la viande, alors que pour avoir du bon poisson, il faut dépenser une fortune», dit-il, espérant qu’avec le départ des bateaux de pêche de l’Union européenne, le produit sera plus accessible pour les ménages sénégalais.