La défense de Nicolas Sarkozy a profité jeudi d’une audience préparatoire pour demander de nouveaux actes d’enquête dans l’affaire des soupçons de financement libyen, une requête balayée par le tribunal.
Un tour de chauffe à quatre mois du procès : la défense de Nicolas Sarkozy a profité jeudi d’une audience préparatoire pour demander de nouveaux actes d’enquête dans l’affaire des soupçons de financement libyen, une requête balayée par le tribunal. L’ « audience de fixation » est habituellement morne et consacrée à des modalités pratiques d’organisation du procès. D’ailleurs, les 13 prévenus, dont l’ex-chef de l’État et trois anciens ministres, ne se sont pas déplacés et sont représentés par leurs avocats.
Sauf que cet après-midi, les conseils du plus célèbre d’entre eux viennent partager une découverte, faite « par chance »: une note de la DGSI d’une « importance capitale » qui n’a, de manière « extraordinaire », pas été transmise au dossier. L’un des avocats de Nicolas Sarkozy, Me Christophe Ingrain, remonte le fil à la barre: « à la genèse » de ce dossier de « prétendu financement » libyen, il y a une lettre, écrite en arabe et révélée par Mediapart en 2012. Elle fait état d’un « accord de principe » de la Libye de Kadhafi pour « appuyer » la campagne électorale du candidat Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros.
L’ex-président et sa défense contestent depuis des années ce « faux grossier ». Et ils ont désormais la certitude qu’ils ne sont « pas les seuls », assure Me Ingrain, qui lit des extraits de la fameuse note des renseignements français: cette lettre, « dont l’authenticité n’a à ce jour été ni établie, ni démentie (…) comporte plusieurs éléments troublants ». Me Ingrain s’insurge encore que cette pièce ne soit pas dans le dossier. Alors que les services de la DGSI « ont travaillé », ils ont fait une « analyse » et « critiquent l’authenticité » de la lettre libyenne, affirme-t-il.
Une demande « surréaliste »
Si cette note de la DGSI existe, il doit y en avoir d’autres, estime l’avocat: il demande donc au tribunal de solliciter, auprès des ministères concernés, la déclassification d’éventuels documents similaires de la DGSI et de la DGSE (renseignements extérieurs). « Il y a urgence en ce qui nous concerne », conclut Me Ingrain, alors que le procès doit se tenir du 6 janvier au 10 avril 2025.
« Il y a des défenses inventives, et des défenses contre-productives », répond le conseil de l’association anticorruption Sherpa (partie civile au procès) Vincent Brengarth, stupéfait de cette demande « surréaliste » et d’un « stratagème à la limite de la manipulation intellectuelle ». La note de la DGSI, consultée par l’AFP, est issue d’une enquête connexe: celle relative à la rétractation de Ziad Takieddine en 2020. Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir avalisé des manœuvres pour obtenir le volte-face de l’intermédiaire, principal témoin à charge dans l’affaire libyenne.
Mais comme le démontre ensuite le représentant du parquet national financier (PNF), la fameuse note de la DGSI est loin du « travail d’analyse » décrit par la défense de l’ex-chef de l’État. « Moi j’imagine des spécialistes, derrière leur ordinateur… », se moque Quentin Dandoy, avant de décrire ce qu’est réellement cette note: la simple retranscription d’un échange entre « un agent traitant et une de ses sources » au sujet des tentatives de Mimi Marchand, la « papesse des paparazzis », d’aider Nicolas Sarkozy à prouver que la lettre libyenne est un faux – ce que Me Ingrain s’est bien gardé de préciser à la barre.
Des « éléments troublants »
Le magistrat énumère les « éléments troublants » qui y sont cités : date inexacte dans le calendrier libyen, couleur de la signature, nombre d’exemplaires… « tous ces éléments ont déjà été étudiés » par la justice, rappelle-t-il. Une information judiciaire pour « faux », ouverte après une plainte de Nicolas Sarkozy, s’est en effet conclue par un non-lieu définitif en 2019, souligne le procureur, s’interrogeant aussi sur la « manipulation » voire « l’instrumentalisation » qui est faite de cette note.
Avant de conclure, moqueur, il cite un extrait d’un interrogatoire récent de Nicolas Sarkozy. Ce dernier y disait tout le mal qu’il pensait des « notes » de la DGSI, qui « ramassent des ragots et ne se basent sur rien de précis ». Après une courte suspension, le tribunal annonce qu’il « joint » la question « au fond », c’est à dire qu’il tranchera avec le reste du dossier, soit un refus implicite.