Sokhna Fatoumata Mbacké, plus connue sous l’appellation de Sokhna Faty Dia Mbacké, en souvenir à sa mère Sokhna Dia Touré, fut l’aînée de l’honorable et illustre famille de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul. Elle a vu le jour vers 1878 à Mbacké Kajoor, berceau du Mouridisme. Elle est issue d’une famille pieuse aussi bien du côté paternel que maternel. Sa mère Sokhna Dia Touré est la fille de Mame Faty Balla Mbacké, elle-même, fille de Mame Balla Aïcha Mbacké. Elle partage donc avec Cheikh Ahmadou Bamba les mêmes aïeux.
Une éducation sous les auspices du Cheikh
C’est auprès de son vénéré père Cheikhoul Khadim que Sokhna Faty Dia Mbacké apprit le Saint Coran et les sciences religieuses. Parallèlement à la formation religieuse académique très solide qu’elle a reçue de son père, Sokhna Faty Dia Mbacké a vécu les durs moments de la formation des disciples de première heure. En témoin oculaire, elle avait l’habitude de rappeler qu’à l’aube du Mouridisme à Mbacké Kajoor, le Cheikh faisait subir aux disciples des exercices spirituels intenses et les engageait ainsi dans la voie de la maîtrise de l’âme charnelle, de la passion profane et de ce bas monde futile et périssable. Elle nous rapporte aussi que le Cheikh donnait une seule bouchée de mil et l’équivalent d’un verre d’eau aux disciples comme nourriture pour toute une journée. C’est dans cette ferveur spirituelle que Sokhna Faty Dia a grandi.
Un témoin oculaire des débuts du Mouridisme
Sokhna Faty Dia Mbacké était très proche de son vénéré père Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul car elle faisait partie des rares personnes qui avaient son autorisation de le trouver dans la forêt de Mbafar (actuelle Ville Sainte de Touba) durant ses périodes de retraite spirituelle. Elle raconte qu’elle a maintes fois quitté Darou Salam,fondée en 1305 de l’Hégire par le Cheikh, et a traversé les champs pour le trouver dans cette forêt luxuriante et hostile. Sokhna Faty Dia Mbacké avait une mémoire prestigieuse.De ses causeries, on trouve avec précision les noms des pieux disciples et compagnons de Cheikh Ahmadou Bamba lors du défrichage de cette forêt qui sera plus tard la Cité bénite de Touba. En témoin oculaire de l’aube du Louis, elle fait le récit de l’itinéraire de Mbacké Kajoor à Touba, une période très riche en enseignements car témoin du pacte d’allégeance des grands disciples du Mouridisme de la trempe de Cheikh Ibrahima Fall, Cheikh Ahmadou Ndoumbé Mbacké,Serigne Massamba Mbacké, Cheikh Ibrahima Sarr, Serigne Massamba Diop, etc.
Une éducatrice hors pair
Au-delà de son statut d’aînée de la famille, ses frères et sœurs en Cheikhoul Khadim reconnaissaient en elle le disciple sincère (Mourid Sadikh, fervent), la fille spirituelle ayant obtenu l’agrément de son Maître et père. La plupart de ses sœurs, après leur formation académique, lui ont été confiées par le Cheikh lui même pour qu’elle les initiât à la formation de disciple sincère. Eduqué dans l’environnement des disciples ayant bénéficié de la formation sous la direction du Cheikh, elle était pétrie d’une volonté et d’un amour au travail rarement égalée. Elle n’omettait aucun détail et s’adonnait à merveille à tous les travaux : des tâches domestiques les plus aisées aux activités les plus compliquées, dures. Toutes celles qui ont été éduqués sous son ombre sont réputées infatigables au travail.
Sokhna Faty Dia Mbacké était à la tête de l’opération de concassage des pierres destinées aux travaux de la mosquée. Elle supervisait personnellement le travail au point que les visiteurs avaient de la peine pour la reconnaître. Toutes ses sœurs ont gardé d’elle l’image d’une grande éducatrice. Elles lui ont témoigné une grand reconnaissance toute leur vie durant et lui ont donné toute sorte de cadeaux. Cependant, elle les leur rendait et avait l’habitude de leur dire «Vous êtes les enfants de mon Maître Spirituel». Elle leur accordait beaucoup de considération et prêtait beaucoup d’attention aux leurs soins.
Sokhna Faty Dia Mbacké, la pieuse
Ses qualités de disciple accomplie et de femme pieuse avait fait d’elle une éducatrice remarquable à qui tous les dignitaires du Mouridisme confiaient leurs filles. Sa demeure était une des ‘’Universités’’ où les autorités et des membres de la famille du Cheikh faisaient passer leurs filles. Avec l’âge et vers la fin de sa vie, elle disait « Ne me confiez plus les filles car je n’ai plus la vigueur que j’avais et je ne voudrais pas que l’éducation d’une personne qui est passée par ici soit remise en cause ». Sa maison était fréquentée par tous : allant des plus grandes autorités du Mouridisme aux disciples les plus humbles en quête de grâce.
Tous ceux qui la connaissaient peuvent témoigner de son attachement aux pratiques cultuelles. En dehors de cinq prières canoniques, elle s’adonnait à beaucoup de prières surérogatoires. Tous les habitués de la résidence de Sokhna Faty Dia avaient fini par connaître son calendrier horaire qui s’est imposé. Il était fréquent que le dîner soit servi à 2 heures du matin car, elle ne s’en occupait qu’après avoir fini ses litanies et pratiques d’adoration après la prière du soir. Malgré son âge avancé, elle continuait d’observer le jeûne du mois béni de Ramadan.
Elle avait fait du Coran son véritable compagnon et excellait dans sa lecture. Chaque semaine, elle lisait le 7ème du Livre conformément à la recommandation de son père. Ce faisant, chaque semaine elle achevait une lecture complète de la Vulgate.
Sa maison était un lieu privilégié pour tous les démunis, ceux qui avaient faim comme ceux qui étaient frappés par les difficultés. Elle avait donné des instructions à tous le monde de ne jamais fermer ses portes devant un nécessiteux ou quelqu’un qui sollicitait une quelconque assistance.
Durant toute sa vie , elle était connue comme une adoratrice détournée des biens du Bas Monde acceptant de vivre dans des conditions modestes malgré les sollicitations multiples pour reconstruire sa maison en dur.
Un attachement indéfectible à son vénéré maître et père
Son amour ardent pour Cheikhoul Khadim, son vénéré père et Maître Spirituel se mesure à l’importance de la considération qu’elle accordait à tout ce qui touche de près ou de loin à son maître. On peut noter cela à travers la reconstruction de mausolées dans le village de Khourou Mbacké, la réhabilitation du mausolée de Dékheulé, le forage d’un puits à Porokhane, la construction de la grande Mosquée de Touba.
Sokhna Faty Dia Mbacké était très attachée au village de Khourou Mbacké car, c’est dans cette ancienne habitation de MBacké que le Cheikh passa l’essentiel de son enfance. C’est ainsi que Soxna Fatou Dia MBacké a été l’initiatrice de la reconstruction des mausolées de Serigne Habiboulahi Mbacké frère Cheikh, de Serigne Abdou Salam ainsi qu’une dizaine de fils et de filles de Cheikh Ahmadou Bamba. C’est également dans cette même optique qu’elle réhabilita le mausolée de Dekhneulé où repose Serigne Mbacké Mor Anta Saly, père de Cheikh Ahmadou Bamba.
Elle accordait une grande considération au village de Porokhane où repose Sokhna Mame Diara Bousso, la vertueuse mère de Cheikh Ahmadou Bamba. Au-delà de ses séjours répétés et prolongés à Porokhane, elle a fini par y creuser un puits .Ceci constitue bien l’expression de son attachement à sa sainte grand- mère. On se rappelle également des quantités impressionnantes de couscous qu’elle préparait et distribuait gratuitement aux fidèles qui venaient faire leur ziarra au mausolée de Mame Diarra Bousso. Tout ce qui provenait également de cette localité avait auprès d’elle une grande importance. Elle collectait les feuilles, les écorces et arbustes aux vertus pharmacologiques qu’elle utilisait en décoction pour en faire des cadeaux aux visiteurs pour qui elle avait de la considération.
Soxna Fatou Dia MBacké s’est particulièrement illustrée dans tous les chantiers du Mouridisme, particulièrement, lors de la construction de la Grande Mosquée de Touba. Elle a rendu un vibrant hommage à Cheikh Mouhamadou Moustapha, le 1er Khalife Général des Mourides pour son rôle primordial dans l’édification de la Grande Mosquée. Durant le Khalifat de Serigne Falilou Mbacké, elle s’était assignée des repas très copieux qu’elle envoyait aux travailleurs de la Grande Mosquée de Touba chaque vendredi. En 1969, lorsque Cheikh Abdou Ahad Mbacké, 3ème Khalife, entama la clôture de la Grande Mosquée, elle avait commandé des charges de gravillons et dirigeait le travail de concassage à l’intérieur de son propre domicile. Elle travaillait de ses propres mains, donnant l’exemple à tous et n’exemptant personne.
Elle gardait jalousement les reliques appartenant au Grand Cheikh : ouvrages, manuscrits, boubous, parfums etc. Elle les rangeait dans des malles et leur accordait un grand soin.
Plusieurs autorités religieuses se rendaient auprès d’elle pour voir ces reliques et faire des prières pour avoir plus de bénédiction.
Sokhna Faty Dia Mbacké accordait une importance capitale aux grains de sable prélevés à Porokhane ou au train ou à la charrette qui venait de Touba et qu’elle apercevait alors qu’elle était hors de la cité bénite. Rien ce qui venait de Touba ou touchait Serigne Touba de près ou de loin ne lui était indifférent.
Une Générosité et une bonté sans commune mesure
Son abnégation à offrir à manger et à boire l’avait poussé à créer de petites exploitations (potager) à l’intérieur de sa concession. L’oseille rouge, le manioc, les jujubiers récoltés servaient à préparer des repas ou des breuvages qu’elle distribuait aux lecteurs du Saint Coran à Diourbel ou à Darou Salam. Elle faisait parvenir également du café, du thé et du sucre à des mourides de Kaolack, Saint Louis ou autres localités du pays pour les exhorter au service de Borom Touba.
Son rappel à Dieu en 1969
L’aînée de la famille de Borom Touba fut rappelée à DIEU en 1969 en son domicile de Touba. Son mausolée se trouve dans les cimetières situés en face de la Grande Mosquée avec à ses côtés plusieurs de ses sœurs, les vertueuses filles de Cheikh Ahmadou Bamba.Toute la Communauté mouride reconnaît en elle le témoin de toute l’Histoire du Mouridisme, une mouride accomplie, une pieuse adoratrice et une éducatrice d’une trempe jamais égalée. Sokhna Faty Dia Mbacké n’a pas laissé n’a pas eu d’enfants mais sa maison était toujours pleine de ses homonymes. Son œuvre est perpétuée par la famille de substitution que lui avait choisie Cheikhoul Khadim ,à savoir, les fils de sa sœur de même mère Soxna Bousso Dia. Serigne Mame Bassirou MBacké qui est le premier Khalif de famille dont l’aîné est actuellement Serigne Mame Mor Mbacké Pakala. Les Mourides en donnant le nom de Sokhna Faty Dia à leurs enfants, entendent perpétuer la mémoire de cette grande figure, aînée de la famille de Cheikhoul Khadim. Elle n’a pas d’enfants mais le charisme de son nom irradie le cœur de ses homonymes charriant sur leurs familles bénédictions et grâce de Dieu.
Ibrahima NGOM Damel