Très structurée et très organisée dans l’exécution des tâches communautaires, la confrérie mouride tire sa force financière à travers le ‘’adya’’. Tous ses grands chantiers partent de ces donations, de la Grande mosquée de Touba à Massalikoul Jinaan, en passant par l’assainissement, l’éducation coranique et la santé, entre autres. Dans la cité religieuse, c’est en effet le khalife général qui supplée l’Etat et s’occupe du bien-être des populations. Tous les grands chantiers de la ville sont placés sous son autorité et sont autofinancés à travers le ’’adya’’
Les talibés mourides accordent une place de choix au ‘’adya’’ (contribution). Le respect de cette pratique recommandée par le fondateur du mouridisme est senti dans le développement de la cité religieuse de Touba, avec la construction des édifices d’utilité publique comme la Grande mosquée de Touba, des cimetières, de la résidence Khadim Rassoul…
Gouye Mbinde, quartier situé à l’est de la Grande mosquée de Touba, accueille des centaines de fidèles, en cette matinée du grand Magal de Touba. La maison de Serigne Bassirou Thioro Mbacké (petit-fils de Serigne Bara Mbacké) n’a pas échappé à la règle. Le domicile du marabout situé en face du mausolée de Serigne Sidy Moctar Mbacké (7e khalife général des mourides) est très tôt envahi par ses disciples. Ces derniers, galvanisés par les ‘’xassaide’’ diffusés par des haut-parleurs, défient les rayons du soleil. Ils ont bravé la chaleur ardente pendent une demi-heure, pour accéder à la maison de leur guide religieux. Ces milliers de pèlerins, venus d’horizon divers, prennent part au ‘’ziar’’ annuel qu’ils dédient à leur marabout le jour de la commémoration du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Vêtus majoritairement de tenues traditionnelles de couleur blanche le plus souvent, ils sont reçus collectivement sous une bâche bleue installée à l’entrée de la véranda. Cette audience solennelle constitue une aubaine pour les ‘’dahira’’ (regroupements religieux). Ils en profitent pour renouveler leur allégeance auprès de Serigne Bassirou Thioro et lui remettre leurs ‘’adya’’ (cadeaux).
Cheikh Mbacké Diop, habitant de la ville de Khombole (département de Thiès), est venu à titre individuel. Le menuisier métallique, habillé en boubou blanc portant l’effigie de Cheikh Ibra Fall, s’agenouille devant son guide, puis lui remet son ‘’adya’’ dissimulé dans une enveloppe blanche. Le marabout, confortablement assis sur un matelas, formule des prières à Cheikh Mbacké Diop et d’autres fidèles assis autour de lui. Le jeune mouride se dit soulagé après son ‘’ziar’’, malgré les difficultés rencontrées. ‘’Je suis satisfait, parce que je constate une évolution dans mes affaires chaque année. Je viens de remettre à titre individuel 50 000 F Cfa à mon marabout. Ce montant équivaut au double de la somme que je lui avais donnée l’année dernière. Je perpétue une tradition que j’ai héritée de mes ancêtres’’, se réjouit-il.
140 F Cfa, la première somme demandée par Serigne Touba
Ces centaines de disciples de Serigne Bassirou Thioro Mbacké ont certes versé leur ‘’adya’’ devant leur guide, mais les mourides peuvent le faire par divers moyens. C’est le cas des collectes effectuées par l’association Touba ça Kanam (Touba en avant). Cette association religieuse a installé ses bases à l’ouest de la Grande mosquée de Touba pendant toute la période du Magal. La collecte de fonds est dirigée par deux filles. Elles sont chargées d’assurer la vente de tickets mensuels de 1 000 F Cfa ou annuels de 12 000 F Cfa. Sur place, on constate la présence d’une dizaine de fidèles venus apporter leur contribution. Touba ça Kanam est une organisation créée sur initiative de Fallou Ndiaye. D’après Fallou Guèye, membre du mouvement, l’objectif de départ était de collecter 24 milliards chaque année avec une contribution de 12 000 F Cfa versée par 2 millions de talibés. Fallou Ndiaye avait d’abord créé un groupe Whatsapp de discussion sur le développement de Touba. Mais l’adhésion massive des disciples a poussé l’initiateur à transformer le groupe de réflexion en ‘’dahira’’, avec la bénédiction du khalife général des mourides de l’époque, Serigne Sidy Moctar. Touba ça Kanam a effectué un travail important dans la réalisation des projets entrepris à Touba par le l’actuel khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Fallou Ndiaye et ses camarades ont contribué à hauteur de 150 000 000 F Cfa dans l’organisation du grand Magal de 2019, notamment 50 000 000 F Cfa dans la distribution de l’eau, 50 000 000 F Cfa dans l’éclairage public et 50 000 000 F Cfa dans l’assainissement pour sortir certains quartiers des inondations. L’association a aussi investi dans le volet social, avec la construction de quatre postes de santé, l’achat de deux ambulances, la distribution de denrées et de vêtements aux populations démunies pendant les fêtes religieuses (Korité, Tabaski, Magal, Gamou, Tamkharite, etc.).
D’après Serigne Saliou Fall, chef religieux, le ‘’adya’’ est une pratique instituée par le fondateur du mouridisme pendant sa résidence surveillée à Diourbel, dans le but de financer ses activités et d’acquérir une autonomie financière. Pendant que l’autorité coloniale peinait à recouvrer les 15 F d’impôt imposés au contribuable, les disciples mourides faisaient la queue pour verser leur ‘’adya’’ de 140 F à Cheikh Ahmadou Bamba. Ce qui avait d’ailleurs amené le colon à saisir le fondateur du mouridisme de cette question : ‘’Comment faites-vous pour amener les gens à vous verser 140 F, alors qu’ils peinent à nous verser 15 F d’impôt ?’’ La réponse du Cheikh fut sans appel : ‘’J’investis ce qu’ils me donnent dans la voie de Dieu et pour l’intérêt collectif, alors que vous, vous en faites un usage personnel.’’
Le ‘’adya’’ ouvre au donateur les portes du paradis
‘’Serigne Touba avait demandé à chaque fidèle de donner une contribution de 140 F Cfa pour la construction de la Grande mosquée de Touba. Son premier khalife, Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, a fait autant pour la construction de la Grande mosquée de Touba’’, informe-t-il. L’étudiant au Département arabe de l’université cheikh Anta Diop de Dakar rappelle également que le rituel est perpétué par les autres khalifes (Serigne Fallou, Serigne Abdoul Ahat, Serigne Saliou, Serigne Bara Mbacké Fallou, Serigne Sidy Moctar et Serigne Mountakha).
Mais c’est le cinquième successeur de Cheikh Ahmadou Bamba qui a apporté une innovation dans la gestion du ‘’adya’’, en ouvrant un compte bancaire destiné à collecter massivement de l’argent au Sénégal et dans la diaspora. L’arabisant renseigne, par ailleurs, que ce mécanisme est aujourd’hui perpétué par les petits-fils de Khadim Rassoul et les dignitaires de la confrérie mouride. Fallou Guèye soutient que l’objectif du ‘’adya’’ est atteint aujourd’hui. ‘’Nous avons bien saisi le message du Cheikh, en nous demandant de verser le ‘’adya’. Touba n’a jamais compté sur le gouvernement. L’argent collecté a permis de réaliser les travaux d’extension de la Grande mosquée de Touba avec ses deux nouveaux minarets, la mosquée Massalikoul Djinaan, les anciens et les nouveaux cimetières, la résidence Khadim Rassoul, etc. Les tapis de prière de la Grande mosquée de Touba sont renouvelés chaque année grâce au ‘adya’ par la famille de Cheikh Anta Mbacké, petit frère de Serigne Touba. Le khalife de ladite famille, Serigne Mame Mor Mbacké, a remis, en 2019, la somme de 172 000 000 F Cfa à Serigne Mountakha.
Selon l’islamologue Mohamed Diallo de la radio Baol Fm de Diourbel, le ‘’adya’’ est évoqué dans le Coran, mais de manière implicite. ‘’Il n’existe pas un verset coranique qui cite le mot, mais on peut faire une interprétation et le ranger dans la catégorie des bienfaits que le bon Dieu a demandés aux musulmans de faire en faveur de leur prochain ou à l’endroit des héritiers du Prophète Mohamed (Psl)’’. Il précise que le ‘’adya’’ ne peut pas être assimilé à la charité ou à l’offrande. Si l’on en croit M. Diallo, c’est une pratique que tout disciple doit exécuter selon ses capacités.
Serigne Modou Mamoune Mbacké et sa boite d’allumettes
Dans la confrérie mouride, la collecte du ‘’adya’’ est bien structurée. Ce sont les fils, petits-fils et les cheikhs qui sont chargés de le faire. A Darou Salam, par exemple, des millions de francs Cfa sont annuellement reversés au khalife général des mourides. Rien que cette année, la famille de Mame Cheikh Anta Mbacké a remis au khalife 171 millions de nos francs. Elle l’accompagne toujours d’une boite d’allumettes posée au-dessus de la valise. Ceci dans le but de dire au khalife : ‘’Faites-en l’usage que vous voulez, et si ça vous chante, brûlez-le !’’
Chez le disciple mouride, il est formellement interdit de se poser des questions sur la destination des fonds issus de la collecte des ‘’adya’’. Il appartient au marabout d’en faire l’usage qu’il veut, de manière discrétionnaire.
Les bienfaits du ‘’adya’’
‘’Ne sois jamais avare des biens éphémères de ce bas monde, car tu t’exposeras de la sorte des déshonneurs dans l’au-delà’’. Cheikh Ahmadou Bamba. A travers ce passage de son célèbre poème panégyrique ‘’Nahju-Qadaa îl Hadj’’ (La voie de la satisfaction des besoins), le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, incite d’abord le fidèle mouride à se départager du bien matériel. Mais aussi à se consacrer à l’édification des biens communs à travers la participation de tout un chacun.
Dans cette forme d’organisation, le ‘’adya’’ joue un grand rôle. Il fait, depuis la création du mouridisme, la force financière des mourides. Il est à la communauté mouride ce que sont les partenaires financiers de l’Etat. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’un emprunt qu’il faut rembourser, mais d’une donation pour la satisfaction du bien collectif.
Dans une étude réalisée par l’économiste Ousseynou Cissé, le ‘’adya’’ est défini comme un don qui revêt un caractère bien singulier. Contrairement aux sociétés modernes et aux sociétés primitives, il ne peut pas être assimilé à de la charité ou à une offrande. C’est une pratique que tout disciple doit exécuter et peu importe sa condition sociale. Le ‘’adya’’ est une pratique instituée par le fondateur, dans le dessein de ‘’servir Dieu’’ et entretenir de bonnes relations avec ses coreligionnaires, que ce soit en Mauritanie avec son ami Cheikh Sidiya Baba ou au Sénégal avec El Hadj Malick Sy, mais également avec ses disciples.
Cette pratique est devenue, au fil des années, la marque identitaire des mourides assimilée à un acte de dévotion. Le disciple s’en acquitte à la hauteur de son pouvoir financier et de son intention de servir son cheikh. Le ‘’adya’’ ne peut pas s’offrir à n’importe qui, car il ne doit pas être utilisé à des fins personnelles.
D’ailleurs, Cheikh Ahmadou Bamba avait énuméré, selon Ousseynou Cissé (2001), les bienfaits du ‘’adya’’ de cet ordre : il ouvre au postulant les portes de la félicité ; il élève son rang, fructifie son avenir, procure la longévité et attire l’estime des hommes ; il permet de devancer ses pairs en toute chose ; il épargne de la vue insoutenable de mounkir et nakir (les anges bourreaux) dans la tombe ; il facilite la traversée du pont de sirâte pour se voir ouvrir les portes du paradis sans règlement de comptes ; le ‘’adya’’ éloigne, entre autres, des affres de la tombe et préserve de la putréfaction.
Cette promesse du ‘’adya’’ d’une vie apaisée et réussie aux disciples montre que ceux-ci, pour la plupart d’entre eux, l’exécutent en espérant une rétribution, surtout à l’au-delà.
Une telle entreprise mérite d’avoir des gens habilités à la recevoir et y veiller. C’est ainsi qu’Ahmadou Bamba formait ses propres cheikhs à l’image de son demi-frère Mame Thierno Birahim Mbacké.
Economie solidaire pour s’affranchir du colon
Dans son étude, Ousseynou Cissé souligne d’ailleurs que cette façon d’inciter les disciples à s’acquitter du ‘’adya’’ comme d’un devoir moral envers leur guide, est une façon de contourner les sanctions que les administrateurs coloniaux appliquaient aux mourides rebelles. Selon lui, cette forme d’’’économie solidaire’’ était bien appréciée par les chefs religieux, surtout maures, qui commençaient peu à peu à perdre leur privilège. Certains cheikhs aussi qui ne bénéficiaient plus du même prestige auprès de l’autorité coloniale, se retournaient vers les grands chefs religieux, à l’instar d’Ahmadou Bamba, pour récupérer les ‘’adya’’.
Le cheikh ou guide religieux à qui le ‘’adya’’ est destiné, est un titre et un privilège ‘’discrétionnaire’’ (Babou, 2010) réservé au fondateur d’une tarîqa (confrérie) et enraciné dans sa baraka. Ce titre peut être délégué à certains disciples ayant acquis des connaissances scientifiques avérées. Il faut préciser que le ‘’adya’’ n’est pas une réinterprétation de l’aumône ou de la zakat, même si, dans une certaine mesure, on peut les confondre.
Ce qui différencie le ‘’adya’’ de la zakat ou de l’aumône
L’aumône ou la zakat est, bien sûr, l’un des cinq piliers de l’islam. C’est une obligation annuelle pour tout musulman qui a les moyens de la verser afin de penser, tant soit peu, aux nécessiteux. Ceci dans le souci d’un rééquilibrage de la société musulmane. En effet, la collecte répond à des critères très stricts qui sont rarement respectés dans nos sociétés actuelles.
Ceci dans le souci d’un rééquilibrage de la société musulmane. En effet, la collecte répond à des critères très stricts qui sont rarement respectés dans nos sociétés actuelles. La cause principale émane d’une méconnaissance notoire des finances islamiques de la part de certains chefs religieux.
Donc, le ‘’adya’’ et l’aumône sont différents. Le premier a le statut de don, alors que la seconde a celui d’un impôt obligatoire pour ceux qui disposent les moyens de s’en acquitter. À l’heure actuelle, le taux s’évalue à 2,5 % de la fortune annuelle.
Le ‘’adya’’ peut être considéré comme une forme de don pieux consenti de façon volontaire entre le talibé et son cheikh. Cette relation verticale du don n’est pas réciproque, elle s’effectue en un seul sens. Le don part du talibé vers son cheikh. La plupart du temps, il se fait en des occasions bien définies, comme lors des fêtes religieuses ou la commémoration du grand Magal. Mieux, le don envers la communauté, lors du Magal, peut aller plus loin et peut prendre aussi des allures inattendues. ‘’… Tout ce que j’ai aujourd’hui ou possèderai demain, sera incontestablement pour Serigne Touba. Je ne laisserai donc rien en héritage à mes enfants. Et, à ce sujet, croyez-moi, je ne suis pas le seul. Parmi nous, beaucoup pensent la même chose’’, a déclaré le guide des Hiztbou Tarkhiya, Serigne Atou Diagne en 1993.
Selon Serigne Ousseynou Cissé, ce phénomène, revêtant un caractère religieux et un engagement total des adeptes, est différent de celui qu’explique Marcel Mauss (2007) dans son essai sur le don. Ce qui démontre que la théorie de Mauss n’est pas généralisable à toutes les sociétés. Il y a une diversité dans la manière d’instituer l’acte de don. Dans la symbolique du ‘’adya’’, on fait abstraction des trois notions développées par Mauss, à savoir donner, recevoir et rendre. L’ambivalence et la polysémie du don permettent de dresser des situations analogues bien que les sociétés et les contextes soient différents. En se référant au Potlatch que Mauss définit comme une immense fête qui rassemble toute une tribu, voire plusieurs, pour des échanges de cadeaux qui vont jusqu’à la destruction somptuaire des richesses (certains indigènes parlent de ‘’tuer’’ la richesse) et dont le principe est la rivalité et la lutte entre les chefs (pas chez les mourides). Cette pratique ou concurrence effrénée se retrouve bien chez les disciples mourides avec la rivalité des dons lors des cérémonies religieuses. Il n’est pas rare de voir, lors des grandes fêtes, les ‘’adya’’ de certains dignitaires mourides exhibés au vu et au su de tous les talibés, à l’honneur d’un guide. Dans la plupart des cas, l’influence et le pouvoir d’un chef religieux dépendent beaucoup du portefeuille ou du pouvoir financier de ses talibés qui se montrent généreux lors des cérémonies religieuses ou bien des échéances électorales.
Dans l’univers du ‘’adya’’, le donataire est, contrairement au don de Mauss, placé dans une position de dominateur symbolique (accepté par le talibé). Le donateur, bien qu’il offre son ‘’adya-don’’, se trouve dans une position d’assujetti. Cela se manifeste par les interactions qui se jouent entre les deux locuteurs. Le talibé qui offre son ‘’adya-don’’ ne regarde jamais droit dans les yeux son guide, il s’assoit toujours par terre, si celui-ci est dans un fauteuil. Quand il parle avec lui, par pudeur, il ne doit pas lever la voix. Le comportement de l’aspirant (le disciple) à l’égard de son maître (en termes de savoir) est très fréquent dans les écrits de Cheikh Ahmadou Bamba. Ici, le comportement du talibé à l’égard de son guide est conforme aux recommandations de Cheikh Ahmadou Bamba (1982) dans son traité de politesse légale ‘’Nahju-Qadaa îl Hadj’’. Il dit : ‘’Prends l’exemple de la conduite des autorités religieuses – que l’agrément de Dieu le Très Haut soit sur elles, toutes ensemble – ainsi tu seras guidé dans la bonne voie (vers 57). Si toutefois tu t’assoies avec lui, fais-le avec tranquillité, respect et retenue. Ne t’assois jamais devant lui, ne te jouxte pas, n’allonge pas ta jambe vers lui, baisse ton regard sur lui, puis ne tourne pas beaucoup la tête si ce n’est pas nécessaire (vers 62).’’
La symbolique et la sacralité de ce ‘’adya-don’’ associées à ces actes obligent le guide à accepter ce que lui offre son talibé. Ici, le talibé mouride a les mêmes représentations que les brahmanes d’Inde que Mauss étudie. Pour eux, dans ce monde et dans l’au-delà, tout ce qui est donné est acquis à nouveau. C’est la rétribution sous une autre forme qui peut se manifester à travers la baraka que le talibé tire de son guide en accomplissant l’acte. Cet acte est une œuvre pieuse, mais contribue également à un rééquilibrage social qui est aussi le credo du guide.
C’est ainsi qu’Abdallah Fahmi évoque ces propos de Cheikh Ahmadou Bamba : Selon le fondateur du mouridisme, l’individu qui vit dans la société doit pouvoir se prendre en charge, mais doit pouvoir aussi prendre en charge ses compatriotes. Il met en place ce qu’on appelle le ‘’adya’’ ou dépense pour la cause de Dieu et qui est un principe très important dans le mouridisme, puisque Allah nous dit que l’importance de cet acte est de pouvoir permettre aux musulmans de pouvoir rendre compte le jour du jugement.
Toutefois, dans la culture et la pratique mouride, un guide religieux ne doit pas réclamer un service à sa faveur par respect du talibé. Le guide a le devoir moral d’œuvrer à l’élévation du disciple. C’est également valable pour le ‘’adya’’ qui doit être un service pour une œuvre sociale comme le faisait le Cheikh. Cet acte doit émaner du talibé qui en est conscient et qu’il accomplit en toute liberté.
Il faut noter que les enfants sont associés à tous les niveaux de ce processus d’échange entre le disciple adulte et son guide spirituel, sans doute pour mieux assurer la transmission et bien intégrer les pratiques