La particularité de la situation douloureuse des jeunes reporters qui vivotent au sein des rédactions n’est pas passée inaperçue aux yeux des acteurs lors d’une table-ronde organisée, vendredi, par la Coordination des associations de presse, à la Maison de la presse Babacar Touré. Lors de ce conclave tenu à l’occasion de la journée internationale de la liberté de presse, sous le thème « Crise dans les médias : les entreprises de presse et les professionnels de l’information face aux défis de la précarité », les professionnels et techniciens des médias ont pointé du doigt la responsabilité de l’Etat, pour son absence dans le secteur des entreprises de presse mais également aux patrons de presse qui ne respectent pas les dispositions règlementaires de l’OHADA.
La crise que traversent les médias au Sénégal est une lourde menace à la liberté de la presse. En effet, la situation particulière que vivent les jeunes reporters au Sénégal est douloureuse et n’encourage pas les professionnels et techniciens des médias à mener de façon libre et indépendante leur profession. Ce qui fera dire à Diatou Cissé, ancienne secrétaire générale du SYNPICS, qu’ « Il n’y a pas de liberté de presse quand les journalistes vivent dans des conditions de précarité et de peur. »
Pour sa part, Mamadou Ibra Kane, président du CDEPS trouve que « pour qu’une presse puisse être libre et indépendante, il faut qu’elle soit viable économiquement. » « Quand une presse n’est pas viable économiquement, au bout du compte, on succombe à la tentation des lobbies pour venir couvrir des manifestations parce que c’est eux qui donnent de l’argent », a dit le le président du CDEPS qui déplore même le fait qu’ « au Sénégal, on a même institutionnalisé le perdiem».
Mais cette intervention du président du CDEPS n’est pas partagée par Seydina Aba Gueye, journaliste membre du bureau exécutif national de la Convention des jeunes reporters (CJRS), qui précisant que l’enquête ne se limite pas aux journalistes, souligne que « contrairement à ce que disent les patrons de presse. Les premières violations commencent dans les rédactions, avec les conditions précaires dans lesquelles sont maintenus les jeunes reporters». Il faut noter que dans cette étude menée par la Convention des jeunes reporters du Sénégal, il est indiqué que à peine « 11% des jeunes reporters et professionnels des médias ont des CDD, environ 21% ont des CDI, environ 23% sont des prestataires, 17% sont des stagiaires et le reste, c’est-à-dire presque 27% n’ont aucune base légale sur laquelle ils travaillent. Ces faits feront dire au journaliste, membre du bureau exécutif du CJRS, que « les patrons de presse, depuis plusieurs années, profitent d’une législation et de l’aide de l’Etat sans pour autant réguler le secteur du travail».
« Et pour que cela cesse, il faut que l’Etat applique les dispositions réglementaires de l’OHADA. Comme les patrons de presse nous servent depuis plusieurs années, avec plus d’insistance depuis quelques semaines, que la presse est en quasi-faillite depuis plus de cinq ans, on a qu’a appliquer avec ces entreprises de presse en faillite là le dispositif réglementaire et on verra qui est en faillite et qui ne l’est pas et on verra qui a besoin de soutien et qui ne l’est pas et surtout il faudrait que l’Etat impose aux patrons de presse le respect de la législation », a-t-il proposé.
Abondant dans le même sens, Bamba Kassé, SG SYNPICS, a pour sa part trouvé une explication à cette précarité des jeunes reporters et des jeunes techniciens. D’après le SG du Synpics, « L’explication, c’est que l’Etat est absent dans le contrôle effectif des entreprises de presse. C’est ça la vérité». Il rappelle par ailleurs, qu’ « en 2019 nous plaidions pour qu’il n’y ait une haute autorité de régulation avec les pouvoirs élargis. Eh bien, parmi ces pouvoirs, nous avions voulu qu’il y ait un pouvoir de contrôle du respect des engagements sociaux des entreprises vis-à-vis de leurs travailleurs ».
A son avis, l’Etat a la clé de régler cette situation en tant que détenteur de la puissance dans une République. « L’Etat peut mettre en place cet organe de régulation avec des pouvoirs élargis mais peut aussi mettre en branle son administration sociale, c’est-à-dire les inspecteurs du travail pour qu’ils fassent le point et sur la base de leurs conclusions, l’Etat prendra les décisions qu’il faut », a indiqué le secrétaire général du Synpics.