Qu’il ait renoncé, à contre-cœur, à se représenter, pour une deuxième fois, à une élection présidentielle alors qu’aucun texte ne le lui permet, lui a valu, malgré tout, une forme de reconnaissance pudique d’avoir évité à notre pays un chaos dont les signes avant-coureurs avaient montré combien il pouvait être funeste pour le Sénégal.
C’était mal le connaître. Pourquoi préparait-il les conditions d’une dévolution démocratique du pouvoir s’il n’est pas certain de l’absolue et incorruptible loyauté de son successeur. Mais il n’ignore pas qu’aucune disposition constitutionnelle ne lui confère le pouvoir de reporter la date de l’élection présidentielle. Le temps lui est compté. Ses « tailleurs de haute couture » sont sommés de faire des miracles. Mais l’étoffe est trop grossière. On fait avec ce qu’on a et comme on peut.
Mais il était, difficilement, concevable de voir l’Assemblée Nationale prendre part à ce qui s’apparente à un coup de force institutionnelle qu’elle tente d’habiller des oripeaux de la légalité. Le dessaisissement du peuple de son droit de déterminer les conditions de désignation de ses dirigeants violent et sans vergogne. A l’image de ses derniers mois de règne. Nos députés, répondant à une commande du pouvoir exécutif se sont affranchis de toute limite morale dans leur funeste projet de conservation du pouvoir. Nous sommes au-delà du droit. Il s’agit d’une violation, à ciel ouvert, de tous les consensus autour desquels notre démocratie à été construite. Ne peut être choqué par l’accaparement de la souveraineté nationale par des hordes d’incompétents immoraux et irrationnels a de quoi inquiéter.
Que ce pays soit en feu et en sang, ils n’en ont cure. Les multiples passeports dont ils disposent leur donne, à leur progéniture aussi, la possibilité d’être préservés des ressacs de leur attitude dont ils n’ignorent pas qu’elle est lourde de calamités pour notre pays. Mais peu leur importe à partir du moment où ils ont espoir de ne pas rendre gorge ici. Pour l’au-delà…ils n’y pensent pas. Comme ils ne pensent à ce pays pour lequel ils n’ont ni amour, ni affection, ni considération.
Ce qui se joue sous nos yeux est au-delà du droit. Il y avait des signes prémonitoires. Comment ne pas penser que les déductions qu’ils nous imposaient étaient le fruit d’une paranoïa alimentée par des années de gestion qui ont vu l’embastillement ou la mise à l’index de tous ceux qui avaient l’outrecuidance de contester les choix de princes autoproclamés qui ont, à présent et en partage, la conviction que le droit ne vaut que quand il sert leurs intérêts.
Quand ce n’est pas le cas, ils deviennent des putschistes. Dommage que la CDEAO ne considère comme tels que ceux qui portent des treillis. Mais ce sont les mêmes bruits de botte qui résonnent à l’extrême ouest du Continent. Ils vont résonner partout. Est-ce la fin de l’exception sénégalaise ?
Dakar, dimanche 4 février 2024
Prof Mary Teuw Niane