Un mois et demi après l’explosion qui a coûté la vie à 193 personnes et fait plus de 6 500 blessés, quelques bars rouvrent leurs portes. Mais les nuits blanches de la capitale semblent lointaines.
La boîte de nuit Ahm a été complètement soufflée par l’explosion. Photo Karl Sfeir
Il y a encore un an, Beyrouth côtoyait Bangkok, Las Vegas, Miami, Rio de Janeiro, Séoul, Barcelone, New York, Berlin et Le Cap parmi les 10 meilleures villes au monde pour faire la fête, sur le site internet de la chaîne CNN. Une crise économique, la pandémie de Covid-19 et une explosion plus tard, les acteurs du secteur se demandent si la nuit reprendra un jour ses droits.
À Mar Mikhaël, dévasté par la terrible explosion du port de Beyrouth, une petite dizaine de bars ont rouvert leurs portes, mais le cœur n’y est pas. Internazionale, un bar au croisement de la rue d’Arménie et de la rue Alexander Fleming, a rouvert le 12 septembre, après avoir réparé les dégâts pour un montant de plus de 7 000 dollars.
Une collecte en ligne lui a permis de rassembler près de 3 700 dollars de promesses de don. « Mais depuis la réouverture, nous avons très peu de clients. La rue est morte. Je pense que cela prendra du temps avant que ce quartier ne se remette, car on souffrait déjà avant l’explosion », regrette la directrice de l’établissement, Hoda Nehme.
Avant le drame du 4 août, le secteur subissait déjà de plein fouet l’effet combiné de la crise économique et de la crise sanitaire.
Même constat à Gemmayzé, où sur les 46 établissements recensés par la société Mapmar, seuls 11 ont été réhabilités, tandis que 9 sont en travaux et 26 sont toujours fermés. En face des escaliers Saint-Nicolas, l’hôtel Lost, dont les trois étages ont été lourdement endommagés avec une facture estimée à plus de 130 000 dollars, a rouvert le bar du rez-de-chaussée. Mais l’affluence n’est pas au rendez-vous. « Les barrages de police au début de la rue Gouraud ont permis de limiter les vols, mais ils n’ont pas facilité les allées et venues des clients », constate le copropriétaire Michel Abshee.
Mais même dans les quartiers épargnés, l’ambiance n’est pas à la fête, malgré l’allègement des mesures de confinement. À Badaro, les rues sont un peu plus animées qu’ailleurs, mais les attentes sont limitées. « En général, l’activité tourne au ralenti en été à Beyrouth. Il faut voir si cela va redémarrer à partir d’octobre, mais je doute qu’il y ait une véritable reprise car l’envie de sortir n’est pas là pour le moment », affirme Georges Salti, propriétaire du bistro-bar à cocktail Kudeta et du restaurant Il Gusto.
Les boîtes de nuit, elles, restent fermées après des mois de confinement. Depuis le début de la crise sanitaire, le B018, célèbre club souterrain de la Quarantaine, n’a ouvert qu’une fois pour une soirée en juillet. Après l’explosion au port de Beyrouth, son toit ouvrant conçu par l’architecte Bernard Khoury a été fortement endommagé, tout comme les systèmes de sonorisation et électrique. Les travaux de réparation sont estimés autour de 700 000 dollars. Depuis plus d’un mois, le club s’est transformé en plateforme d’accueil pour une douzaine d’ONG et une soirée caritative était organisée vendredi. « Le couvre-feu à partir d’une heure du matin empêche pour l’instant d’envisager une réouverture. Mais même s’il devait s’assouplir, nous aurions du mal à assurer le même niveau de service qu’auparavant. Malgré tout, on finira un jour par rouvrir », veut croire Jad Nassar, manager général du B018.
La double explosion au port de Beyrouth a provoqué des dégâts à hauteur de 200 000 dollars dans le club The Grand Factory.
Photo Karl SfeirChez son voisin The Grand Factory, l’explosion a provoqué des dégâts à hauteur de 200 000 dollars. « On reste confiant malgré tout. L’objectif est de rouvrir avant la fin de l’année », espère Samer Makarem, le directeur financier. La deuxième boîte du groupe, Ahm, située au BIEL, en revanche, a été complètement soufflée par l’explosion. « Environ 1 200 000 dollars ont été investis dans ce club. Les réparations coûteront au minimum 800 000 dollars. Il faut repartir de zéro. » Mais avec quelles perspectives ?