La grande affiche Modou Lo–Ama Baldé qui a tenu en haleine tout le monde est un tournant dans l’évolution de discipline de la lutte au Sénégal. Si on a fini d’épiloguer sur l’issue du combat, la belle sportivité et le fair-play entre lutteurs ou encore le recours au VAR ont apporté une nouvelle touche à ce sport traditionnel de combat, l’intégrité physique des lutteurs dans le combat au sol ou encore l’irruption d’intrus dans l’enceinte, qui n’est pas une première, sont autant de points qui interpellent au plus haut point, les tenants de cette discipline. Puisqu’elle pose une réelle menace sur la sécurité mais aussi l’intégrité physique des lutteurs.
On n’a pas encore d’épiloguer sur le combat qui a opposé ce dimanche, Modou Lô-Ama Baldé. Les commentaires les plus enflammés qui ont suivi cette grande affiche ont fini de donner une idée sur le succès et l’engouement qu’il a suscité auprès du monde de la lutte. Après une saison marquée par la rareté des combats, cette grosse affiche organisée par Luc Nicolaï, aura sans conteste été un modèle organisationnel avec l’ambiance, la beauté des chorégraphies des lutteurs, les défis, le rituel mystique et tous les artifices qui font le charme de ce sport de combat, l’introduction du VAR pour régler les éternelles contestations d’après combats, restera comme l’innovation de taille pour cette saison de la lutte avec frappe. La sportivité et le fair-play qui ont prévalu entre Ama Baldé et son tombeur Modou Lô ont participé à donner une image reluisante à la lutte sénégalaise.
Mais au-delà de cette donne, la tâche noire a été l’irruption de cet intrus qui a échappé la vigilance des éléments de sécurité et tenter d’interrompre le combat au moment où Modou Lô ruait de coups son adversaire.
L’intégrité physique du lutteur, un combat pas encore gagné
A-t-il voulu «sauver» son lutteur Ama Baldé, mis dans une situation des plus inconfortables ou aurait-il simplement voulu signifier aux arbitres que la chute était déjà réelle ? Quoiqu’il en soit, il pose encore un réel problème de sécurité dans ces petits périmètres qui servent d’enceinte. Une surface qui n’a rien à voir avec les terrains de football où il n’est pas rare de voir quelques inconditionnels se frayer un chemin pour aller faire une étreinte à leur idole. Ce cas n’est, en effet pas, inédit dans l’évolution de la lutte au Sénégal. On peut relever dans une époque récente des cas patents d’intrusion de supporters. Qui ne se souvient pas de l’immixtion au cours du championnat de lutte avec frappe de 2008 où le lutteur Nar Touré, alors dans une posture difficile a été tiré des mains du lutteur Gambien, par son propre frère. On peut aussi rappeler la surprenante introduction de ce supporter de Moustapha Guèye lors de son combat contre Yakhya Diop Yékini. Au début des années 2000, lors du combat de lutte ayant opposé le Fassois Ouza Sow et Jules Baldé, frère de Ama Baldé.
Cette fois c’est Gris Bordeaux qui surgit pour décharger son partenariat d’écurie, alors que le Pikinois, par derrière et au sol, ceinturait son adversaire tout en lui rouant des coups de poings ravageurs qui avait ému à son temps de nombreux amateurs.
Autant de défaillances que l’on croyait révolues, interpellent plus que jamais tous les tenants de la discipline. Surtout qu’un drame n’est jamais à écarter dans cet environnement où la circulation, les cornes, objets pointus circulent allégrement autour de l’enceinte. Le geste surréel de ce batteur qui a écrasé son tambour sur la pauvre tête de Pape Sow lors de son combat face au lutteur Siteu, est aujourd’hui un cas patent de cette insécurité qui plane sur les lutteurs et qui exige plus de mesures. Le combat Ama Baldé remet également en cause la question de l’intégrité physique des lutteurs. Si certains ont cru savoir que si l’intrus a agi pour éviter que l’irréparable ne se produise, suite aux 22 coups de poings envoyés sur la figure de Ama Baldé, ces actes pourraient occasionner de graves dommages. Dans la même veine, les observateurs ne manquent pas de récuser et préconisent une révision du règlement sur les quatre appuis et privilégier la lutte au sol aux détriments des coups de poings.
Car, si la lutte traditionnelle avec frappe est un sport de combat comme la boxe, au karaté, les combattants se protègent les dents. Pourquoi pas dans la lutte ?
D’autant plus que dans un passé récent, le CNG avait saisi l’occasion pour exiger aux lutteurs de porter les protège-dents. Même si des voix se sont faites entendre pour soutenir qu’il ne fera que dénaturer la lutte traditionnelle avec frappe. En tout état de cas, à l’instar de l’interdiction faite aux lutteurs d’introduire dans l’arène des effigies confessionnelles ou politiques, de porter des tenues militaires ou paramilitaires, de mettre des cuissards ou encore les quatre appuis pour valider les chutes, la protection de l’intégrité physique et la sécurité restent encore un chantier pour les tenants de cette discipline très prisée.