Des corps humains qui flottent sur les plages de Ouakam, une mer déchaînée qui semble leur dire que le chemin vers l’Espagne où ailleurs est périlleux par ici. Une image insoutenable et une manifestation de la faillite morale de toute une société.
Ramener les causes de ce phénomène à la problématique du sous emploi semble réduire la perspective d’analyse et de compréhension du phénomène. Nous sommes en face d’une crise de sens. A ce titre, il convient de noter que pour prendre les pirogues, il faut payer. La question n’est pas simplement économique.
En 2000, juste après l’alternance, nous étions envahis par ce sentiment. Et un ami, artiste dans l’âme, avait résumé cette sensation à un seul verbe emprunté à Victor Hugo : Partir !
Devant l’impératif de quitter sans point de départ, encore moins d’arriver, la jeunesse est devant une équation insoluble. Malheureusement, la société dénaturée par le phénomène «modou modou» renforce cette idée qu’à un certain âge, il faut partir, pour exister et faire exister les autres . «so bobo yontii daananki, bernde youmoum daaro», le célèbre chanteur Baba Maal l’avait résumé dans ce refrain d’une froideur terrible. Il disait , «si l’heure de partir a sonné et que le jeune est toujours à la maison, la maman ne trouverait pas la paix du cœur».
Il est donc clair que c’est un phénomène qui dépasse le candidat à l’émigration et embrasse une réalité socio-culturelle. Il faut partir pour se bonifier, il faut partir pour que ceux qui sont restés puissent vivre. Mourir pour faire vivre les autres.
Le risque est énorme. Face à ce terrible choix, l’Etat ne fait plus rêver.
Pour faire rêver et renverser cette tendance, il faut, nécessairement, une capacité de séduction, il faut une attractivité, non pas uniquement pour les Investissements directs étrangers, mais pour les petits entrepreneurs locaux.
En 2012 déjà, j’avais alerté, en faisant un plaidoyer pour les PME/PMI. Un pays ne peut pas retenir sa jeunesse, si les solutions proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux. Tout le monde sait, que pour offrir aux jeunes des opportunités d’emplois, il faut actionner trois leviers fondamentalement : l’agriculture (avec des agro villes), l’industrie (une zone d’investissements productifs par département) et les services (l’économie de la connaissance).
Nous savons, ce qu’il faut faire, faisons le en mettant les valeurs du »New Management » public au centre de la politique de gouvernance. Au total, si on ne règle pas cette question de façon approfondie à travers des assises de la jeunesse, on court le risque d’une explosion de colère, qui ne ménagera personne.
Dr Bassirou NIANG Président RASSEMBLEMENT NATIONAL SENEGALAIS
Dakar, 10 Mouharam 1445