Mener de front les carrières d’actrice et d’aide-soignante ? Un an après avoir remporté un César, Aïssatou Diallo Sagna persiste et signe avec un nouveau rôle dans « Le retour » et des projets plein la tête.
Dans ce film en salles mercredi, l’actrice de 40 ans retrouve la réalisatrice Catherine Corsini, qui l’avait révélée dans « La Fracture ».
En 2021, aux côtés de Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs et Pio Marmaï, le monde du cinéma découvrait ce nouveau visage, dans un rôle criant de vérité de soignante dans un hôpital au bord de l’implosion.
Et pour cause, Aïssatou Diallo Sagna, aide-soignante dans le civil, ne s’est retrouvée là que « par hasard », grâce à une petite annonce. Le début du conte de fées: montée des marches à Cannes, César de la meilleure actrice dans un second rôle, qu’elle dédie à « nous, les soignants »…
« C’était très beau, mais je n’arrivais toujours pas à me dire que j’étais comédienne », rembobine-t-elle aujourd’hui pour l’AFP. « Je voulais me lancer le défi de pouvoir interpréter autre chose ».
De son côté, Catherine Corsini s’était fait le serment de ne pas abandonner l’actrice novice au monde « dur et cruel du cinéma »: « je savais que c’était une actrice en devenir », a confié la réalisatrice à Cannes cette année.
C’est chose faite avec « Le Retour », son premier rôle de composition: celui d’une mère de famille au service d’une famille bourgeoise, confrontée à son passé lors d’un séjour avec ses filles sur l’Île de Beauté.
Pour passer en division supérieure, Aïssatou Diallo Sagna qui n’avait, avant « La Fracture », aucune expérience du jeu, a travaillé avec des coachs. « Le plus compliqué, c’était quand il a fallu exprimer des choses sans parler, travailler le non-verbal, les regards ».
– Emerveillement –
La quadragénaire a pu puiser dans sa propre expérience d’enfants d’immigrés guinéens ayant grandi en Seine-et-Marne, mère de trois garçons, épouse d’un Sénégalais. « Je suis une maman, donc les questions d’identité, les histoires de silence, font un peu écho… Chaque famille a son petit fardeau, forcément », explique-t-elle.
A l’entendre, peu de choses ont changé dans sa vie depuis qu’elle fréquente les plateaux. Aïssatou Diallo Sagna a changé d’hôpital, mais exerce toujours. Une assurance aussi de garder les pieds sur terre : « Mon métier me rappelle à la réalité ».
Pour tourner « Le Retour », puis pour le présenter à Cannes, elle a de nouveau posé des jours de congés. Et déménagé pour quelques semaines son foyer en Corse, où elle mettait les pieds pour la première fois.
« Le tournage a été une petite leçon de vie pour mes enfants », qui ont brièvement été scolarisés sur place, confie-t-elle.
Celle qui se définit comme « cérébrale » est fière d’avoir tourné avec une réalisatrice comme Catherine Corsini, connue pour ses engagements féministes: « on a mis en lumière toutes les minorités, les personnes issues de l’immigration, les personnes homosexuelles… ».
Pour la suite, Aïssatou Diallo Sagna se dit « ouverte à toute proposition », avec une envie: « raconter des histoires qui me parlent, qui se rapprochent de mes codes, de mes valeurs ».
Elle vient de boucler le tournage de « La fiancée du Poète », un film de Yolande Moreau qui doit sortir à l’automne, où elle tient un rôle secondaire. « Je n’ai pas une très grande expérience cinématographique donc je ne suis pas encore dans la lassitude, mais encore dans l’émerveillement », confie-t-elle.
Elle s’investit aussi, dans une association, Cinénomade, qui organise des projections dans des régions reculées de Guinée. Elle « n’a pas peur de donner, elle a trouvé sa voie, elle a vraiment un truc pour le cinéma », confie la réalisatrice Aïssa Diaby, fondatrice de l’association.
Avec elle, Aïssatou Diallo Sagna fera prochainement le déplacement en Guinée. Avec l’envie de donner à leur tour à des jeunes, sur place, le goût du jeu.