Géographe et spécialiste de l’aménagement urbain, Serigne Mansour Tall estime que le déguerpissement de la Cité Imbécile est tout sauf une surprise. Des études, menées il y a quelques années, avaient déjà montré que la cité n’était pas un lieu d’habitation.
Le déguerpissement de la Cité Imbécile n’est pas vraiment une surprise. Selon l’expert de l’Onu Habitat, Serigne Mansour Tall, la cité est installée dans une zone à vocation logistique.
«On ne peut pas faire des opérations d’urbanisme à la Cité Imbécile, parce que dans le plan directeur, c’est une zone logistique, et on ne doit pas y habiter», informe-t-il au téléphone.
Autres éléments à prendre en compte, la présence des lignes haute tension. «La zone est traversée par des fils haute tension et il y a une servitude égale à la distance entre deux poteaux divisés par deux.» Spécifiquement dévolue à des activités logistiques, la cité s’est portant développée durant toutes ces années sous le regard des autorités. Selon l’expert, l’ancien ministre de l’Urbanisme, Abdou Karim Fofana, avait lancé des études sur différentes zones de Dakar susceptibles d’accueillir un projet similaire à celui de Liberté 6 Baraka.
«On avait mené une étude dans le cadre du programme «Sénégal Zéro Bidonville».
Il fallait mettre en place une stratégie pour résorber les bidonvilles. Et on avait recensé Terme nord, Terme sud et Taïba Grand Dakar, où on pouvait initier des projets de relogement. Mais c’est impossible sur Cité Imbécile, parce qu’il n’y a pas de zone de recasement, c’est une zone de servitude électrique et qui est inscrite dans le plan directeur de logistique.»
Dans l’histoire de la ville de Dakar, les déguerpissements de quartiers flottants ont longtemps été inscrits dans les agendas. Mais ces dernières années, ces zones précaires avaient quelque peu rétréci. Et Cite Imbécile, la Zone de captage et quelques autres lieux étaient devenus des enclaves dans l’océan urbain de Dakar. Fass paillote, Champ de course sont aussi des quartiers dont les premiers habitants avaient été déguerpis pour laisser la place à l’avancée du front urbain. L’on murmure même que les autorités n’hésitaient pas à sponsoriser des incendies qui réduisaient ces quartiers en cendres.
L’occasion était alors belle pour déguerpir le quartier et mettre des immeubles à la place. C’est sans doute de cela que le réalisateur sénégalais, Moussa Sène Absa, s’est inspiré dans son film Madame Brouette où un vaste incendie commandité démolit le quartier de Niayes Thioker.