Le profit est dans les sillons d’une agriculture performante. À Thillé Boubacar et Thilamole (dans le département de Podor), l’eau est source de vie et de développement grâce à la réalisation, par le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (Pariis) et la Saed, de périmètres irrigués villageois en systèmes gravitaires et des canaux maçonniques d’une garantie de 15 ans. Avec une meilleure maîtrise de l’eau, la superficie exploitée est passée de 5 à 10 hectares sur un périmètre de 12 hectares disponibles. Ce qui implique l’augmentation des rendements et favorise la double culture avec le maraîchage en saison sèche froide.
Le vent chaud et sec souffle sur Thillé Boubacar. Au beau milieu de la brousse, de vastes périmètres agricoles se dégagent. À l’intérieur de ces champs, jeunes hommes et femmes semblent assez résilients à la canicule. Ce mardi 20 juin 2023, ils procèdent à la récolte manuelle du riz paddy. Tantôt debout, tantôt courbés, ils coupent la paille et le paddy. Ils parviennent à produire sur des superficies assez importantes. Le mérite revient à une nouvelle technique d’irrigation agricole. L’eau n’est plus un luxe ou une ressource rare. Le bras du fleuve Ngalenka est la principale source. L’eau jaunâtre en surface est calme. Une motopompe thermique distille le liquide vers des canaux. Le processus est prolongé par la conduite de refoulement qui, à son tour, propulse l’eau dans les bassins, les périmètres avec l’irrigation gravitaire. Ces ouvrages ont été réalisés dans le cadre du Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (Pariis) placé sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire. Il intervient dans la vallée du fleuve Sénégal (Saint-Louis, Podor, Matam, Bakel), en Casamance (Ziguinchor, Sédhiou, Kolda) et dans le bassin arachidier (Diourbel, Fatick, Kaffrine, Kaolack, Thiès).
Les bénéficiaires du projet sont les exploitations agricoles familiales et leurs organisations ainsi que les structures partenaires. Le Pariis s’articule autour de la modernisation du cadre institutionnel, du financement de solutions dans l’irrigation et la gestion des connaissances. En partenariat avec la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal (Saed), le Pariis a démarré, en 2020, la réalisation des travaux de réhabilitation de 1200 hectares dans la vallée du fleuve Sénégal, plus précisément dans les délégations de Podor, Matam et Bakel. Ces périmètres villageois irrigués sont des aménagements hydro-agricoles qui correspondent aux aménagements de petites et moyennes tailles gérés par les communautés villageoises pour les besoins alimentaires des ménages et les marchés locaux. Ces périmètres réduisent les pertes d’eau puisqu’elles ne dépassent pas, en moyenne, 30 litres par mètre carré arrosé par jour.
De 5 à 10 hectares d’exploitation
Après les semis et les travaux champêtres, l’heure est aux récoltes à Thillé Boubacar. Les aménagements rizicoles ont bien poussé avec de la paille et des épis jaunâtres. Dans ce périmètre agricole de 12 hectares, 13 familles y travaillent et y trouvent leur compte, notamment avec la mise en place d’infrastructures d’irrigation. Avant le projet, la surface cultivée était moins de 5 hectares. Aujourd’hui, les producteurs ont la latitude d’exploiter 10 des 12 hectares avec la couverture hydraulique optimale.
Le visage serein, châle de couleur orange au-dessus de la robe, Kadiatou Diallo balaie du regard les producteurs rizicoles. La dame cultive 1/2 hectare. Sa technique agricole, dit-elle, a progressé avec les périmètres irrigués villageois. « L’eau n’est plus un problème. Je peux maintenant utiliser l’eau du fleuve pour cultiver le riz et avoir deux campagnes l’année », affirme Kadiatou qui dit être en mesure de cultiver plus. Cependant, la politique à mener par les gouvernants reste la disponibilité du gasoil à un coût subventionné. « Actuellement, la grande difficulté est la cherté du gasoil qui permet d’utiliser la motopompe thermique », indique la productrice.
Ousmane Sow est le président du Gie « Dioker Endam ». Lui et ses camarades producteurs ressentent les impacts des réalisations du Pariis. L’un des effets immédiats a été, selon lui, l’augmentation des aménagements agricoles. « Actuellement, nous pouvons exploiter 10 hectares en hivernage et en saison sèche chaude grâce au système d’irrigation. Avant, nous ne pouvions exploiter que 5 hectares », confie-t-il. Le bonnet pour se protéger du soleil piquant, Sidy Ndao déborde de dynamisme dans son périmètre agricole. Sa plus grande fierté est l’augmentation des productions. « Quand les périmètres exploitables augmentent, les productions augmentent. Ainsi, on passe de 5 à 10 hectares cultivés de riz paddy, soit le double du potentiel d’il y a trois ans », informe Sidy Ndao. Pour le représentant de la Saed, Samba Wagnanga, la production a évolué, en moyenne, de 5,5 à 7, voire 8 tonnes pour le riz en saison sèche chaude.
Demba DIENG
La double culture, une réalité
En hivernage, la culture du riz domine dans le périmètre agricole. En saison sèche chaude, les périmètres irrigués sont mis en valeur pour permettre la culture du riz paddy. « En hivernage, nous avons les cultures rizicoles. En période de chaleur également, nous poursuivons cette culture avec une technique hydraulique variée. Pour la saison sèche froide qui ne garantit pas le développement de la riziculture, nous privilégions l’horticulture. Les rendements sont importants d’année en année. Et les femmes gagnent bien leur vie », confie Sidy Ndao. Le président du Gie « Dioker Endam » va dans le même sens. Pour Ousmane Sow, l’augmentation des surfaces exploitées et la double culture ont des retombées économiques avec des revenus plus conséquents pour les producteurs ; ce qui leur permet d’investir dans d’autres créneaux, tels que l’élevage. « Les acteurs qui réalisent des bénéfices réinvestissent dans certains secteurs. Ils achètent des moutons et des bœufs et accroissent leurs activités génératrices de revenus », affirme-t-il. D. DIENG
Les producteurs veulent la réalisation de pistes de production
Malgré les améliorations notées dans leurs activités agricoles, les producteurs de Thillé Boubacar en redemandent. Ils veulent la réalisation de pistes pour faciliter l’évacuation des productions, selon le président du Gie « Bamtaré », Alassane Sow. « Des réalisations importantes sont faites par la Saed et le projet Pariis. Nous cultivons 10 hectares alors que nous étions à moins de 5 hectares. Maintenant, nous voulons la construction de pistes de production pour faciliter le transport des produits, notamment en période d’hivernage », a-t-il déclaré. Une politique à jumeler avec la mise en place de grillages pour éviter que les animaux en divagation ne détruisent les récoltes.