Les journalistes de la presse publique sont des femmes et des hommes à la compétence avérée. Des plumes alertes, pointues, documentées et des voix intelligentes, tempérées, sans éclats inutiles.
Ils ont toutes les qualités pour modérer les débats débridés de l’espace public dans des organes sensés assurer le service public. Donc dans des organes qui devraient plus facilement rassembler l’assentiment d‘une plus grande partie de l’opinion publique du fait de la position d’impartialité qu’ils doivent adopter.
Car les organes publics s’ils ont le devoir d’informer sur les politiques menées par les pouvoirs publics, ils ont aussi l’obligation d’un traitement équilibré de l’information partisane, d’assurer l’expression de la pluralité des opinions.
La prese, particulièrement la presse publique, a un devoir de formation civique de la population.
En fait la presse publique du fait qu’elle est financée en grande partie par l’argent public appartient à chaque Sénégalaise et à chaque Sénégalais. Elle doit par conséquent refléter la diversité des opinions.
Elle devrait être la source incontournable des informations les plus fiables, le miroir de notre société, de notre espace politique, le reflet de l’état de la santé de notre démocratie.
Dans la presse publique écrite il y a une diversité d’opinion qui s’exprime même si l’espace réservé aux opinions contestataires est limité. Par contre dans les télévisions publiques les opinions contestataires sont persona non grata.
Les télévisions publiques sont devenues les tribunes du parti au pouvoir et de sa coalition politique.
Le Soleil n’est-il pas l’organe qui donne le plus d’informations économiques, sociales, culturelles, etc?
Équilibrer l’information politique, ouvrir de larges tribunes d’opinions, donner de l’espace à l’information scientifique et technique contribueront largement à faire de ce magnifique organe, un des organes les plus populaires du pays.
Le Soleil ne devrait pas seulement être l’organe des directions de l’administration publique mais ce journal doit conquérir le cœur des Sénégalaises et des Sénégalais.
Pour cela, sans verser dans le sensationnel détestable, la délation nuisible, le Soleil devrait répondre à ce besoin pressant et irrépressible d’informations diversifiées et contradictoires correspondant à l’état de maturité de l’opinion publique sénégalaise.
L’Agence de presse sénégalaise (APS) arrive tant bien que mal à assurer une diversité d’opinions dans ses dépêches.
La télévision publique sénégalaise par contre doit être libérée de ses gendarmes des opinions et ainsi dans la responsabilité et la compétence laisser s’exprimer le talent certain de ses journalistes, des femmes et des hommes dont l’amour du pays n’est plus à démontrer.
La télévision publique sénégalaise ne devrait plus être seulement le lieu de passage des journalistes pour se faire la main, acquérir de l’expertise pour enfin de compte éclore dans la presse privée ou internationale.
Il faut briser les barrières autoritaires qui empêchent la télévision nationale de refléter la diversité et la pluralité d’opinions dans notre pays.
Notre télévision publique, telle qu’elle est, donne l’image néfaste d’un pays de pensée unique, d’un État qui impose son diktat pour tenter de façonner les opinions en sa faveur, en somme l’image d’un pays autoritaire.
D’ailleurs il suffirait de faire une petite enquête au sein du gouvernement pour se rendre compte d’une évidence catastrophique : la majorité des ministres regardent les télévisions privées qui d’ailleurs pour leur publicité ne manquent pas de citer tel ou tel autre ministre parmi leurs téléspectateurs les plus assidus.
Quel gâchis ! Notre télévision publique est un trésor de ressources humaines de qualité, journalistes comme techniciens, d’hommes et de femmes imbus de nos meilleures valeurs.
Ils ont juste besoin d’être libérés des brides qui les entravent pour que le service public qu’ils servent contribue activement à la renaissance de la démocratie sénégalaise.
En effet notre démocratie est profondément malade.
Il faut une thérapie de choc pour la soigner.
La libération de la presse publique est un maillon essentiel de la renaissance de la démocratie sénégalaise.
Elle est en premier une affaire du Président de la République qui doit couper les chaînes qui l’entravent.
La libération de la presse publique pose aussi la question de sa survie économique et de sa pérennité.
Il ne peut pas y avoir de pays libre sans une presse dans sa totalité libre.
Dakar, mercredi 7 juin 2023
Prof Mary Teuw Niane