« La conservation du patrimoine ne vit pas ses plus beaux jours, admet le responsable municipal. Et ces questions ne sont pas toujours observées d’un œil bienveillant. La perception de ce patrimoine est ambiguë : certains Saint-Louisiens « de souche » le voient comme leur héritage, d’autres sont embarrassés devant ce que Léopold Sédar Senghor appelait les « décombres du colonialisme ». »
Désintérêt pour l’héritage historique
« La plus grande partie du patrimoine n’est pas coloniale mais d’époque coloniale, précise néanmoins l’architecte Xavier Ricou. Certes, des bâtiments ont été construits par les colons : la gouvernance, le palais de justice et les édifices administratifs. Mais la plupart l’ont été par des Sénégalais et des métis. » Il décrit un rejet du patrimoine « plus idéologique que réel ». « D’ailleurs, le patrimoine, les archives sont des sujets qui n’intéressent pas au Sénégal. Le passé n’est qu’une chose à laquelle on fait référence. Il faudrait arriver à persuader les gens qu’on peut faire de l’argent avec cet héritage historique, mais une maison d’hôtes à Saint-Louis ne sera jamais aussi rentable qu’un immeuble de dix étages. »
« On ne préserve pas quelque chose uniquement pour sa beauté, son intérêt artistique, souligne également Suzanne Hirschi. Il faut qu’il y ait une plus value affective qui nous attache à ce patrimoine. Ce qui manque à Saint-Louis, c’est ce recul patrimonial identitaire qui permet de donner de la valeur réelle à l’objet hérité, comme cela a été fait à Gorée, qui s’inscrit pourtant dans une même histoire coloniale. Dans le patrimoine, il y a aussi la liberté pour l’héritier d’en faire quelque chose. Un héritage grevé de dettes, on peut le refuser. »