Les violences commises par des membres des forces de l’ordre en France pour réprimer les manifestants opposés à la réforme des retraites ont alarmé la commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, qui a critiqué vendredi un « usage excessif de la force ».
La commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’est alarmée, vendredi 24 mars, d’un « usage excessif de la force » envers les manifestants contre la réforme des retraites, appelant la France à respecter le droit de manifester.
« Des incidents violents ont eu lieu, parmi lesquels certains ont visé les forces de l’ordre », a déclaré la commissaire dans un communiqué.
« Mais les actes de violence sporadiques de certains manifestants ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres personnes au cours d’une manifestation ne sauraient justifier l’usage excessif de la force par les agents de l’État. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion », a-t-elle poursuivi.
« Il appartient aux autorités de permettre l’exercice effectif de ces libertés, en protégeant les manifestants pacifiques et les journalistes couvrant ces manifestations contre les violences policières et contre les individus violents agissant dans ou en marge des cortèges », a-t-elle insisté.
Ces derniers jours, des syndicats d’avocats, de magistrats et des politiques de gauche ont dénoncé des violences policières lors des manifestations contre la réforme des retraites.
L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a appelé vendredi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à « mettre fin aux violences policières contre les journalistes ».
Gérald Darmanin rappelé à l’ordre
Dunja Mijatovic s’est par ailleurs inquiétée de l’interpellation et du placement en garde à vue de certains manifestants et de personnes se trouvant aux abords des manifestations, s’interrogeant sur « la nécessité et la proportionnalité des mesures dont elles ont fait l’objet ».
« Le défaut de déclaration d’une manifestation n’est pas suffisant en soi pour justifier une atteinte au droit à la liberté de réunion pacifique des manifestants, ni une sanction pénale infligée aux participants à une telle manifestation », a-t-elle relevé, en référence aux propos de Gérald Darmanin.
Le ministre avait déclaré mardi que la participation à une « manifestation non déclarée » constitue un « délit » qui « mérite » une « interpellation ».
Gérald Darmanin a par ailleurs annoncé vendredi l’ouverture de onze enquêtes judiciaires sur des violences policières présumées depuis une semaine dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites.
Une enquête confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) après des menaces et intimidations proférées par des policiers contre de jeunes manifestants à Paris, révélées dans un enregistrement sonore obtenu par Le Monde et le site Loopsider, fait particulièrement parler d’elle.
Le préfet de police, Laurent Nuñez, « a décidé de saisir l’IGPN » après l’ »enregistrement sonore d’une intervention de police lors d’une manifestation à Paris le 20 mars », a tweeté la préfecture de police. Il s’agit d’une enquête administrative.
« Tu as de la chance, on va se venger sur d’autres personnes »
Lundi 20 mars, « à peu près 2 000 » personnes, en « petits groupes éclatés » selon le préfet de police, avaient manifesté dans le centre de la capitale, dressant des barricades et brûlant des poubelles.
C’est dans ce cadre que, selon Le Monde et Loopsider, des policiers de la Brav-M, une unité décriée pour ses méthodes d’intervention musclées, interpellent sept jeunes, soupçonnés d’avoir pris part aux dégradations.
L’un des interpellés enregistre alors discrètement les échanges avec les policiers. On y entend les fonctionnaires enchaîner les propos humiliants, menaçants et intimidants, notamment envers l’un des sept jeunes.
« La prochaine fois qu’on vient, tu monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu’on appelle ambulance pour aller à l’hôpital », peut-on notamment entendre dans l’enregistrement.
Deux bruits de gifles sont également audibles, avant que l’un des policiers ne lance : « Tu commences à bégayer ! T’en re-veux peut-être une, que je te remette la mâchoire droite ? » « J’espère que demain t’es déferré, tu vas prendre quoi, six mois ? Six mois, c’est bien, et une OQTF [obligation de quitter le territoire, NDLR] », dit un autre policier au jeune homme, de nationalité tchadienne.
Alors qu’un de leurs responsables les informe qu’ils doivent se déplacer dans un autre quartier de Paris, l’un des policiers conclut : « Tu as de la chance, on va se venger sur d’autres personnes. »