Depuis plus de deux ans, chaque vendredi, Sokhna Aïda offre des mets aux nécessiteux à travers tout le pays. Un grand cérémonial accompagne ces «Toggou adiouma». C’est une manière de venir en aide aux nécessiteux qui se trouvent dans plusieurs localités du pays. Le Quotidien a fait un tour à Madinatoul Salam, où bat le cœur des Thiantacounes, pour mettre en lumière ce travail singulier inspiré de Mme Sokhna Aïda Diallo.
Par Alioune Badara CISS – A Madinatoul Salam, l’odeur se mêle à la fumée qui sort des cuisines. L’ambiance est toujours aussi religieuse avec les notes de khassaïdes qui emplissent l’air. A «Keur Sokhna Bambi», somptueuse et grande villa de Sokhna Aïda, chaque vendredi, des Thiantacounes, venus de plusieurs localités, viennent participer aux «Toggou adiouma» (mets du vendredi) ou «Berndé» de Sokhna Aïda. Dans cette vaste cour, qui est très vaste, tout le monde s’active dans la préparation du repas. A la fin, il doit être acheminé dans certains daaras, mosquées, hôpitaux, prisons et certains services situés à Mbour, Dakar, Diourbel, Kaolack et Touba.
Devant la maison de Sokhna Aïda Diallo, une foule vient chaque vendredi attendre la distribution des assiettes remplies de victuailles pour le déjeuner du vendredi. C’est un cérémonial renouvelé chaque vendredi depuis deux ans. Un véritable travail à la chaîne est fait dans cette maison, notamment dans la distribution. Si le repas est distribué le vendredi, la machine est mise en branle le mercredi dans la soirée, avec l’arrivée des condiments. Il y a une commission chargée de débarquer les légumes. Une fois les condiments sur place, la commission entame le travail en épluchant les légumes. Parallèlement à ces activités, un autre comité s’échine à trouver du bois de chauffe pour la cuisson. Mais après cette étape, c’est le jeudi, dans l’après-midi, que les bœufs, chameaux, poulets et pigeons arrivent.
C’est là que la commission «Boucherie» entre en action. «Le bétail est abattu dans la soirée par les bouchers, nous allons les dépecer et les couper en plusieurs morceaux. Chaque «mbana» (marmite) va recevoir la quantité de viande qui lui est attribuée en fonction du plat qui sera cuisiné : du riz à la viande ou du «touffé» principalement», déclare un responsable de la commission «Boucherie».
Après cette étape, la «Cuisine» prend d’assaut les fourneaux. «C’est durant la nuit du jeudi au vendredi que la cuisson commence, pour ne pas que la nourriture arrive en retard dans les autres villes le matin du vendredi. Il faut savoir que Sokhna Aïda est aussi très soucieuse des règles élémentaires de l’hygiène, les Thiantacounes préparent des centaines de mbana destinées à la distribution. Les membres de cette commission sont bien équipés avec des coiffes et des gants pour veiller à la propreté dans la cuisson», relate Ibrahima, responsable de cette tâche.
En cette journée ensoleillée du vendredi, il est midi. C’est l’heure choisie par la veuve de Cheikh Béthio Thioune pour rallier les lieux à bord d’une 4X4 blanche conduite par elle-même. Accueillie par les chants de khassaïdes entonnés par les Thiantacounes en chœur, Sokhna Aïda met pied à terre pour superviser les activités. Elle fait le tour des commissions pour vérifier que tout est à la bonne place, mais aussi pour voir si tout ce qui doit être fait l’a bien été. La tournée accomplie, elle revient dans la tente apprêtée pour la circonstance. Après évaluation, les camions chargent la nourriture pour assurer la distribution vers les lieux indiqués à travers Mbour, Dakar, Diourbel, Touba, entre autres. Maman, une «dieuwrigne», est au cœur de la distribution des repas. Un véritable travail à la chaîne informatisée est effectué d’une façon coordonnée pour remplir les véhicules qui assurent le transport. Dans les camions, de grands bols remplis de riz à la viande ou de «touffé» sont embarqués avec de la boisson, des fruits, biscuits et jus locaux, et même des boîtes de pharmacie bourrées de médicaments pour les daaras.
En outre, des tonnes de riz sont également offertes aux nécessiteux. «Les daaras qui sont ciblés font d’abord l’objet d’une étude de la commission chargée de vérifier s’ils existent réellement. Une fois sur la liste, chaque vendredi, ces daaras reçoivent de la nourriture. Pour élargir la palette, chaque vendredi, un nouveau daara est ajouté à la liste, et tout daara qui est ajouté ne sera plus retiré de la liste. Il va bénéficier chaque vendredi de ces repas», renseigne-t-elle. Avec «dieuwrigne Maman», l’accueil au daara de Modou Ndiaye, situé au quartier Médine de Mbour, est convivial. L’ambiance est joyeuse, les talibés affichent un sourire. Comme chaque vendredi, ils ne vont pas mendier car Sokhna Aïda assure le repas. C’est la même atmosphère qui est notée chez l’imam du quartier, où le repas du jour est très attendu avec beaucoup d’enthousiasme. C’est le même rituel chaque vendredi, même si Sokhna Aïda est hors du Sénégal, les «Toggou adiouma» continuent de se faire. Elle les organise aussi dans le pays où elle est accueillie.
Ces activités sont accompagnées aussi par un cérémonial religieux. Dans la tente aménagée, les Thiantacounes se sont mis en rangées bien distinctes, séparant les femmes des hommes. Dans cet espace, des khassaïdes sont psalmodiés à longueur de journées, après avoir récité à de nombreuses reprises le Coran durant la matinée. Une autre facette de la journée du vendredi chez la guide spirituelle des Thiantacounes. Ces «Toggou adiouma» sont bien appréciés par les habitants de Madinatoul Salam et des environs, qui viennent eux aussi par centaine prendre leur part de la nourriture. Malgré toute cette organisation bien huilée, personne ne vous dira jamais le montant qui a été investi dans la préparation de ces repas.