Le kaki ! Il ne s’agit pas cette fois du raffiné pantalon si célèbre. Il est plutôt question du fruit ressemblant à la tomate ou à l’orange. Sa particularité est qu’il est peu connu des Sénégalais. C’est l’un des produits les plus chers, vendus entre 5000 et 6000 FCfa le kg. Nous sommes allés à la rencontre des distributeurs et des clients à Dakar.
Un vent frais teinté de poussière balaie Dakar ce mercredi. Les objets légers s’envolent, impactant les étals de jeunes commerçants au centre-ville. Une scène cocasse : Abdoulaye, un adolescent, court derrière un ballon gonflable. De petits instants d’exercices sportifs forcés, le visage gai. Ainsi, il réussit à récupérer cette marchandise. À un mètre de lui, l’activité est intense sur la Rue Sandiniéry. Ce nom renvoie automatiquement à la vente de fruits dans la capitale sénégalaise. Hommes et dames défilent, caisses et plateaux sur la tête. Pleins d’énergie, ils côtoient les camionnettes qui déchargent les marchandises. Il y a des bananes, des pommes, des oranges. Mais aussi des fruits moins connus. Il s’agit notamment du kiwi et du kaki. C’est ce dernier produit qui nous intéresse ce matin. Attention à ne pas le confondre à une orange ou de la tomate. C’est la même couleur. Cependant, il est tendre et de forme ovale. Des détails qui peuvent aider à faciliter l’identification. Ce fruit est visible sur toutes les tables. Et des commerçants tentent de retracer son origine au point de provoquer des malentendus.
« Les produits que nous avons proviennent de plusieurs pays. Ceux que je vends moi viennent d’Espagne. J’ai eu la confirmation de mon fournisseur. Il n’y a pas de doute là-dessus », assure Ibrahima. Moussa Baldé tient un carton sur sa main droite. Il en brandit un. « C’est frais et joli et délicieux avec une conservation de qualité », s’enorgueillit-il, le sourire aux lèvres. Les fruits dont il dispose, souligne-t-il, proviennent du Maroc ou du continent européen. « Ils ne sont pas cultivés sur place. Les miens viennent du Maroc, de l’Espagne, du Portugal et de la France parfois », explique-t-il. Moustapha, devant son magasin, aide un camionneur à décharger des caisses contenant divers fruits. Le jeune homme vend principalement des kakis. Et c’est depuis plusieurs années. « J’en reçois de l’Espagne et de la Chine. Et ils se vendent bien à mon niveau car ce sont des fruits frais et délicieux, très courus à l’occasion des fêtes notamment », indique-t-il, le cure-dent à la bouche.
Un fruit qui coûte cher
Sur l’Avenue Ponty, votre serviteur qui n’a jamais goûté au kaki s’approche d’un vendeur de fruits pour avoir une idée du prix du produit. « Le fruit est vendu à 1 200 FCfa, mais je peux vous le céder à 1000 FCfa », indique le commerçant. Je crus qu’il exagérait avant de me rendre compte que c’est le prix du marché. À Sandiniery, la plupart des commerçants en vendent par kilogramme. Et c’est toujours plus cher que les autres fruits. Debout devant son étal, Mamadou tente de fournir des explications. « Personnellement, je vends le kilogramme à 5000 FCfa. Le fruit est cher, parce que nous l’importons du Maroc ou d’Espagne. Donc, pour avoir un bénéfice de 1000 FCfa ou un peu moins, je suis obligé de vendre le kilogramme à 5000 FCfa », dit-il. À quelques minutes de lui, Ousmane Bâ tient une boutique. À côté des marchandises telles que le riz, l’oignon et l’huile, il dispose d’un étal de fruits. Parmi ses produits, il y a le kaki. Lui, vend le kilogramme à 6000 FCfa et l’unité à 1 500 FCfa. Il s’approvisionne à partir du Maroc, de l’Espagne ou de la Chine. « Le fruit est assez cher, reconnaît Ousmane, mais nous sommes obligés de prendre en compte le transport et les frais liés à la conservation ». Son camarade, Ousseynou, embouche la même trompette. Ce fruit, à ses yeux, fait partie des produits les plus chers sur le marché. « C’est normal qu’on vende le kilogramme constitué de 4 fruits à 6000 FCfa, parce que le produit n’est pas cultivé sur place », souffle-t-il.
Demba DIENG
RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
Bilan mitigé chez les ambulants
À Sandiniery, des dames quittent les magasins, les paniers remplis de fruits. À côté des raisins, melons et autres fruits, Aïda Ndiaye s’est approvisionnée en kaki. C’est pour revendre le fruit à côté de la gare du Ter à 1200 FCfa l’unité. « Le kaki est un fruit cher. Nous le vendons certes à côté des bananes, pommes, etc. Le bénéfice n’est pas assez important, variant entre 100 et 200 FCfa. Ceux qui s’en sortent sont ceux qui ont des commandes », explique la dame vêtue d’une robe bleue. Non loin du Musée des civilisations noires, Ibrahima Sèye traîne un panier. De loin, on voit les kakis. Il vend ce produit depuis 2 ans. Il s’en sort puisqu’il a une clientèle fixe. « Quand le produit est frais, le kaki est vendu entre 1000 et 1500 FCfa. Je m’en sors avec 250 FCfa de bénéfice car j’ai plusieurs clients fixes à qui je livre des fruits chaque week-end », dit-il, chaussé de sandales bleues. Abdou Maal vend certes du kaki, mais il mise plus sur la banane, la pomme et les raisins. « Mes revenus les plus importants proviennent de la banane, de la pomme, etc. Pour le kaki, j’en vends rarement car les clients ne sont pas nombreux », déplore-t-il. Ce qui l’expose à des invendus qu’il finit par brader. « Pour éviter que les produits pourrissent entre nos mains, nous sommes obligés de les vendre à 300 ou 400 FCfa pour ne pas subir des pertes économiques », s’inquiète le marchand ambulant.
Un « fruit de riches »
Kaki ? Abdourahmane Mbaye entend ce nom pour la première fois, au point de le confondre à un pantalon. De grande taille, il s’apprête à rejoindre la gare du Ter. « Je ne connais pas ce fruit, franchement. Je connais la banane, la pomme, le melon, entre autres », estime-t-il. Informé du prix du kilogramme, il dit préférer utiliser le montant pour deux jours de dépense quotidienne. « 5000 FCfa, c’est la dépense de deux jours. C’est un fruit de riches, alors que moi je suis pauvre », rigole-t-il. À quelques pas de lui, Absa connaît et sait identifier le fruit nommé, même si elle ne l’a jamais dégusté. « Je le connais grâce aux explications d’un client vendeur de fruits mais je ne l’ai jamais goûté. Je sais également que l’unité coûte au minimum 1000 FCfa. Donc, c’est pour les riches », souligne-t-elle. Madou Gaye est dans la même situation. Il ne connaît le fruit que de nom. Cependant, il compte l’acheter dans les prochains jours « pour avoir une idée ». « Par curiosité, je vais l’acheter et savourer le goût », promet-il. En revanche, Moustapha Bâ, vendeur de café à côté de l’hôtel de ville de Dakar, connaît bien le kaki. « J’en mange de temps en temps. Et c’est grâce à un vendeur de fruits. C’est un fruit sucré et plein de vitamines », dit-il, le conseillant vivement aux Sénégalais.