Dans son édition du 29 août 2022, le journal Enquête rapporte qu’il « n’y a aucun risque à consommer des aliments issus des organismes génétiquement modifiés (OGM)”, citant une étude de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal effectuée sur le sujet. Y a -t-il réellement un risque à consommer les OGM? Lesoleil.sn a tenté d’y voir plus clair.
A quoi renvoie un OGM?
L’Académie des Sciences et Techniques du Sénégal (ANTS) définit la transgénèse comme étant la production de plantes, d’animaux ou de microorganismes génétiquement modifiés (GM), à partir de l’insertion, la modification ou la suppression d’un ou de plusieurs gènes. Elle permet d’obtenir des êtres vivants animaux ou végétaux présentant des caractères nouveaux qui n’auraient pas pu exister naturellement. Ceux-ci sont les OGM.
La transgénèse a vu le jour en 1985 et c’est en 1995 qu’ont été fournies les premières autorisations d’essais en champ, aussitôt suivies des premières autorisations de mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés.
Le site d’information scientifique Futura sciences admet qu’un organisme génétiquement modifié, ou OGM, est une désignation qui s’emploie pour un être vivant dont le génome a été délibérément modifié de main humaine, selon les techniques du génie génétique ou de la sélection artificielle. Le terme est entré dans le vocabulaire courant, dans lequel il désigne principalement des plantes cultivées destinées à l’alimentation animale dont le patrimoine génétique a été modifié dans le but de produire ou de tolérer des pesticides, ou pour améliorer la qualité nutritive d’un aliment.
La définition évoque la biotechnologie, la génétique mais aussi la sécurité alimentaire.
Pourquoi le rapport de l’ANTS est insuffisant
Ainsi, le rapport cité par l’article du journal Enquête a été publié lors de la 8e séance académique solennelle de l’ANTS en 2017. Il est intitulé: “Les organismes génétiquement modifiés: état des lieux, enjeux et perspectives au Sénégal”.
Sur instruction du président Macky Sall qui voulait disposer d’une base de données scientifiques permettant de prendre une décision concernant l’introduction des OGM au Sénégal, l’étude menée dans les 14 régions du Sénégal révèle que, globalement, 68% des populations enquêtées, tous secteurs confondus (chercheurs; agents de l’Administration publique, acteurs de la société civile, secteur privé, acteurs du monde rural) sont “pro OGM” et par conséquent, ils sont favorables à l’introduction, à la production et à la commercialisation des OGM au Sénégal.
Le rapport est disponible sur le site de l’ANTS et il confirme les propos du journaliste dans son article. En effet, à la page 6, l’ANTS note “qu’il n’y a aucun risque à consommer des aliments issus d’OGM”.
Affirmer sans réserve que les OGM sont sans conséquence sur la santé ne répond pas forcément aux normes des conclusions scientifiques.
“Il est donc infondé et trompeur d’affirmer que consommer les OGM est sans danger même si les Américains en consomment depuis plus d’une dizaine d’années”, avance Abdou Khadre Sané, doctorant en Biotechnologies végétales et en même temps enseignant vacataire au département de Biologie Végétale de la faculté des Sciences et Techniques de l’UCAD, interrogé par le Soleil.
Il est d’avis que “cette conclusion répondait à un contexte bien défini. En science, nous ne pouvons affirmer avec exactitude le risque zéro. Nous pouvons dans un contexte d’étude bien déterminé et dans une période très claire tirer les conclusions. Les paramètres à prendre en compte sont entre autres la durée des études sur les effets indésirables, l’âge et le sexe moyen de personnes affectées bref faire une étude épidémiologique sur un échantillon, représentatif de la population et ceci sur une longue durée”.
Ainsi Abdou Khadre Sané estime qu’il n’y a pas assez d’études démontrant l’innocuité des OGM sur la santé humaine ou animale. Les études évoquent rarement l’effet des OGM sur le long terme. “La plupart des études qui concluent qu’il est sans danger de consommer les OGM sont faites sur un faible échantillon et une durée moyenne”, dit-il.
Il estime quand même “qu’il n’est pas interdit de manger des aliments génétiquement modifiés de peur de dégrader sa santé mais rien ne prouve que d’ici 20 ans des effets néfastes ne seront découverts”.
Par contre, les pays et organisations mettent en place des mécanismes pour les encadrer. La consommation des aliments issus des OGM est bien contrôlée par les pays ayant autorisé la vente de ces aliments. Le Sénégal a autorisé en juin 2022 l’usage des OGM.
Aliments génétiquement modifiés, sans conséquence pour la santé
L’Organisation mondiale de la santé dans son étude compilée intitulée “Biotechnologie alimentaire moderne, santé et développement: étude à partir d’exemples concrets”, relève que “les aliments génétiquement modifiés actuellement présents sur les marchés internationaux ont été soumis à des évaluations du risque et ils ne semblent pas présenter pour la santé humaine de risques autres que ceux normalement imputables à leurs homologues traditionnels. Les risques que peuvent présenter les OGM et les aliments génétiquement modifiés (AGM) doivent être évalués au cas par cas en prenant en compte les caractéristiques de ces organismes ou aliments génétiquement modifiés, ainsi que les différences susceptibles d’exister entre les divers milieux récepteurs l’évaluation du risque présenté par les aliments génétiquement modifiés doit comporter la recherche de la tendance éventuelle de ces produits à provoquer des réactions d’hypersensibilité”.
Un OGM est un organisme d’origine végétale, comme une graine, qui a subi une modification de ses gènes (ADN) pour être doté de propriétés qu’il ne possédait pas naturellement ; contient des gènes provenant d’un autre organisme d’origine végétale. Les OGM sont utilisés pour produire des aliments génétiquement modifiés (AGM).
En définitive, l’OMS précise que les OGM présentement commercialisés ont subi toutes les évaluations de risques nécessaires avant leur commercialisation et qu’ils sont examinés plus soigneusement que les aliments traditionnels pour la recherche d’effets potentiels sur la santé et l’environnement. À ce jour, la consommation d’OGM n’a pas provoqué d’effets indésirables connus sur la santé à moins que les études se perpétuent et se renouvellent.
La consommation des OGM par l’homme est venue après
“En général, les produits OGM les plus produits dont le maïs sert à l’alimentation animale (formule alimentaire de volaille ou des aliments de ruminants). Et quand il s’agit du coton, c’est surtout pour la confection d’habits divers”, informe l’ingénieur agronome Saliou Ndiaye.
Mais toujours selon lui, “la démarche a consisté jusqu’à récemment à ce que les produits végétaux OGM (le maïs surtout ou le soja) ne soient pas consommés directement par l’homme. Mais compte tenu de notre niveau de pauvreté et des dons réalisés par exemple par certaines ONG ou associations, il n’est pas exclu que cela puisse servir de diffusion de certains OGM. Bien qu’a priori, si c’est le cas, cela ne devra concerner qu’un très faible volume. Aussi il n’est pas encore prouvé que les produits OGM végétaux par exemple puissent présenter une toxicité ou autre nuisance sur l’homme. Mais que c’est le principe de précaution qui est appliqué ici, comme pour tout ce qui concerne les OGM. En principe, le Sénégal n’est pas concerné jusque-là, par la mise en place de cultures de type OGM, par exemple le maïs ou le soja OGM. Même à titre expérimental, nous n’en avons pas connaissance”, détaille l’ingénieur en agronome, par ailleurs Professeur à l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA). Il préconise que le Sénégal mette en place un cadre législatif consensuel et que ce dispositif législatif soit évolutif en fonctions des avancées dans les connaissances, les progrès des technologies relatives à questions des OGM. Il insiste aussi sur le fait que le Sénégal gagnerait aussi à surveiller toutes les entrées concernant les produits les plus à même d’être des OGM ou en provenance de pays particulièrement concernés par des productions intensives des OGM.
Enfin, Pr Saliou Ndiaye est d’avis que le Sénégal doit veiller à ce que pour des prétextes de dons alimentaires ou d’autres produits fournit, que des OGM ne soient par apportés ou dissimulés.
Conclusion : l’affirmation selon laquelle consommer des aliments issus des OGM est sans danger peut induire en erreur.
Les OGM sont encore très complexes et il n’y a pas de consensus autour du sujet. Les experts se sont au moins accordés sur un point: l’encadrement et la sensibilisation. La toxicité ou pas des OGM doit être déterminé dans le cadre d’une étude assez définie aussi bien dans l’espace que dans le temps. En outre, il faut que l’Etat mette en place un cadre législatif consensuel.