La percée de l’inter coalition Yeewi/Askan Wi lors des législatives du 31 juillet 2022 a entraîné la défaite de plusieurs cadres de la majorité présidentielle. D’autres se sont illustrés. Cette situation va indubitablement rebattre les cartes au sein de la majorité et dans la composition du prochain gouvernement, dans la perspective de la présidentielle de 2024.
Si les dernières élections législatives ont été synonyme de débâcle pour beaucoup ténors de la majorité comme Mansour Faye (Saint Louis), Amadou Ba (Parcelles Assainies), Alioune Ndoye (Dakar Plateau), Aymérou Gningue (Tivaouane), tombés sous les coups de l’intercoalition, d’autres caciques du régime ont tiré leur épingle du jeu. Ainsi des ministres comme Abdoulaye Sow (Kaffrine), le ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo (Podor), et Aly Ngouille Ndiaye (Linguère), El hadj Oumar Youm (Mbour) ont pu résister à la déferlante de l’intercoalition Yeewi Askan Wi.
Une dynamique de l’opposition YAW/WALLU qui, au terme de ce scrutin, aura raflé 80 députés contre 82 pour le camp présidentiel. Si la tête de liste Aminata Touré peut se targuer d’une victoire « nette et sans bavure » de Benno Bokk Yaakar, la perte d’une quarantaine de députés par rapport à la législature précédente fait beaucoup jaser dans les rangs de la majorité concernant la stratégie électorale adoptée par l’ancienne Premier ministre. En outre, l’incapacité des leaders de Dakar, comme Amadou Bâ, par ailleurs coordonnateur national de l’APR, à renverser la tendance dans la capitale pose de sérieuses interrogations sur leur capacité de mobilisation et leur leadership face à une opposition revigorée par ses performances électorales.
Entre-temps, certains leaders de la majorité semblent avoir posé des actes ouvrant la voie à une recomposition de l’espace politique de la mouvance présidentielle, en prélude à l’élection au suffrage universel de 2024.
Abdoulaye Sow, le nouveau Lion du Ndoucoumane
Le département de Kaffrine reste solidement ancré dans le camp de la majorité. Après sa victoire, lors des locales du 23 janvier 2022 dans la ville de Kaffrine, BBY a également remporté le scrutin dans le département de Kaffrine, avec 33 007 voix, contre 17 461 voix pour Yewwi Askan Wi, selon la commission nationale de recensement des votes. De ce fait, les deux sièges de poste de député dudit département vont revenir à l’ancien directeur du COUD qui s’impose, de plus en plus, comme le nouveau « Lion de Ndoucoumane ».
Le ministre de l’urbanisme qui a réussi à supplanter l’ancien maire de Kaffrine et porte-parole du PS Abdoulaye Wilane de la direction de la majorité, n’a pas froid aux yeux, quand il s’agit de régler le problème de la majorité absolue (83 députés) à l’Assemblée nationale. Pour l’ex conseiller à la présidence, il est nécessaire pour le régime à qui il manque une voix pour avoir la majorité absolue doit « démarcher » quelques élus de l’opposition considérés comme des amis du camp présidentiel.
De ce fait, le vice-président de la Fédération sénégalaise de Football a révélé en substance qu’il faut « aller pêcher dans les eaux de l’opposition, puisque le pouvoir a des amis dans l’opposition. Cette victoire le propulse comme l’un des acteurs incontournables de la majorité dans cette partie du Saloum, surtout avec le départ de Moustapha Niasse, ancien président de l’Assemblée nationale. Très en verve, il sonne le clairon de la mobilisation. « Nous devons tous nous remettre en cause et resserrer les rangs pour faire Cap sur 2024 », a-t-il déclaré, lors d’un point de presse à la suite de l’élection.
Aly Ngouille Ndiaye, le Bourba Djolof
Le maire de Linguère paraît incontournable pour le dispositif de la majorité dans le Djolof. Ainsi, à l’issue du scrutin départemental, sa liste de Bokk Yakaar (BBY) a remporté les deux sièges du département de Linguère à l’Assemblée nationale. Sur 60 759 votants, BBY a obtenu 41 072 contre 15 840 voix pour Yeewi Askan Wi. Ce succès dans le Djolof vient conforter un peu plus l’emprise du camp majoritaire dans le département de Linguère. Après sa réélection à la tête de la ville en janvier dernier, l’ancien ministre de l’Industrie, à qui on prête des ambitions présidentielles en 2024, entend consolider sa base et ses réseaux, afin de s’imposer en champion de la majorité, au cas où le chef de l’Etat viendrait à ne pas briguer un troisième mandat.
Dans ce cas, le président Macky Sall devra forcément se choisir un dauphin. L’homme fort de Linguère n’hésite pas à sortir des passages balisés, en laissant sous-entendre que « Macky Sall ne peut plus briguer un troisième mandat », en 2024. Une sortie qui a le mérite de le présenter comme un potentiel candidat à la succession de Macky Sall au sein de l’Alliance pour la République (APR) et plus largement au sein de la mouvance présidentielle.
Maguette Sène, l’homme fort de Malicounda
Maguette Sène a réussi à sauver les meubles dans le département de Mbour, en permettant de remporter de justesse le département de Mbour. Son gros score à Malicounda a lourdement pesé sur la balance et la faire pencher du côté de BBY. D’autant que la coalition Yeewi Askan Wi est largement majoritaire dans la commune de Mbour. En effet, le département tombe dans l’escarcelle de Benno Bokk Yaakaar qui obtient 68 413 voix contre 63 796 pour Yewwi Askan Wi. Ce succès permet à la coalition BBY de remporter les quatre sièges du département permettant ainsi à la majorité de mieux asseoir sa suprématie sur la Petite Côte, notamment dans les bastions que sont Malicounda, Nguéniène et Sandiara, entre autres.
De ce fait, Maguette Sène, directeur du COUD, assoit sa légitimité politique qu’il doit à ses réalisations dans la zone. Ainsi, il bénéficie, comme lors des Locales, avec son score de 70%, de la reconnaissance de la population de Malicounda. En effet, dès son premier mandat, il avait assuré les infrastructures de base pour l’ensemble des 22 villages de sa commune. Le dernier village à bénéficier de ces adductions d’eau et d’électricité fut Rof, où l’eau a commencé à couler depuis le mois de septembre dernier.
Toutefois, à Mbour, il faut aussi noter l’apport décisif d’autres responsables dont Me Oumar Youm, responsable départemental de l’APR. Ce retour au premier plan doit lui permettre de reconstituer son ancrage politique dans la zone et le conduire à retrouver un portefeuille ministériel. Un moyen pour le maire de la ville de Thiadiaye de peser sur la nouvelle reconfiguration de la mouvance présidentielle qui ne manquerait de se mettre en place au sortir de ce scrutin.
Abdoulaye Daouda Diallo, le gardien du Temple
Ce Chancelier de l’échiquier et un proche indéfectible du président aura réussi à verrouiller à double tour le titre foncier incontesté du président Macky Sall dans cette partie du Fouta. Benno Bokk Yaakar a raflé l’ensemble des bureaux de vote, soit 522 au total dans les 22 communes du département, soit 91 653 voix, plaçant le département de Podor en tête des 46 départements du Sénégal. Un fait rarissime qui démontre encore une fois la suprématie de la coalition Benno sur ses adversaires de l’opposition inexistante dans le département.
Cette prouesse fait apparaître l’ex ministre de l’Intérieur comme un des favoris au poste de Premier ministre pour composer avec la majorité relative de BBY et qui, dans certains dossiers, devra nouer des alliances peut-être avec ses ex camarades libéraux (Wallu Sénégal) ou avec Pape Diop de Bokk Gis Gis. Si un temps, son leadership semble être contesté par Cheikh Oumar Hanne, le ministre du budget et des Finances apparaît comme incontournable au sein du premier cercle de Macky Sall et qui ne manquera pas d’avoir son mot à dire dans la composition du prochain gouvernement et dans une possible succession de Macky Sall.
Toutefois, cette liste est loin d’être exhaustive. De nombreux autres responsables de la mouvance présidentielle se sont illustrés, lors des Législatives. Il en est des responsables de la région nord, de Kaolack et dans le Sine, entre autres.