Elle a failli arrêter ses études, il y a de cela plus de 20 ans, à cause de règles douloureuses, sans oublier, son abus des médicaments calmants qui lui a valu un kyste et des infections. Comment Aminata, cadre dans une boite de la place, s’est battue pour terminer ses études ; ses stratagèmes, dans le monde professionnel, pour tenir tête à son mal mensuel… : elle se confie à EnQuête.
Elles sont combien dans ce pays à avoir arrêté leurs études, à cause de règles douloureuses ? Combien ont pu suivre convenablement leurs cours pendant ces périodes ? Même s’il n’y a, à notre connaissance de statistiques sur le phénomène, il n’est pas rare de croiser des filles et des femmes victimes de ce mal. Aminata est l’une de ces nombreuses femmes qui ont failli arrêter leurs études, à causes des règles douloureuses.
Cadre dans une société de la place, la mine bien soignée, du haut de ses 1m 85, la démarche féline, des yeux de biche, Aminata a décidé de confier son histoire à EnQuête. Celle-là qui a failli gâcher ses études, il y a de cela plusieurs années. Après hésitations, elle a décidé de la partager, pour se soulager, mais surtout dire aux filles qui sont en train de vivre la même chose que c’est certes difficile, mais, il est possible de s’en sortir.
Prenant une profonde inspiration, elle regarde le fond de son spacieux bureau, grimace un peu, avant de se lâcher. ‘’J’ai eu mes premières règles, quand je faisais le CM2. Je ne savais rien de ce qui se passait, car, c’était précoce. C’est par la suite qu’on m’a expliqué ce que c’était. Elles étaient abondantes et j’avais des douleurs très atroces. En ce moment, ou me disait que c’était surement dû au fait que c’était mes débuts, mais avec le temps, une fois mariée, elles vont arrêter. Mais, elles ont toujours été abondantes et douloureuses aussi. C’était très difficile pour moi de me concentrer, quand je faisais cours. Donc à chaque fois que j’avais vu mes règles, je ne partais pas à l’école. Alors qu’en sus qu’elles étaient abondantes et atroces, elles duraient aussi. Elles me prenaient 5 jours sans répit. Je ne supportais pas cette douleur. Mon ventre faisait terriblement mal. Elles avaient aussi des effets sur mes reins. Ce qui faisait que je ne pouvais même pas m’assoir’’, confie cette dame du haut de la trentaine.
‘’Je n’étais pas bien psychologiquement’’
Ressassant sûrement ses durs souvenirs, cette titulaire d’un bac + 6 continue son récit : ‘’Il m’arrivait de rester une heure debout, car si je prenais la décision de m’assoir ne serait-ce qu’une
demi-heure, à ma levée, j’allais avoir une tache de sang. Psychologiquement, je n’étais pas bien. Partout où je m’asseyais, je regardais s’il y avait des taches ou non. A l’époque, nous n’avions pas les serviettes hygiéniques qui existent actuellement. Ce qui faisait que, tout temps, j’avais peur’’.
Le manque de moyens aussi a été dur à vivre. Elle explique : ‘’On n’avait pas les moyens économiques de changer tout le temps, puisque nous ne dépendions que ce que nos parents nous donnaient. Autant c’était gênant de vivre avec toute cette quantité de sang, mais, c’était aussi gênant de supporter toutes ses douleurs. On n’avait même pas la tête à autre chose, encore moins à aller à l’école, vu que je n’étais pas à l’aise’’.
Le plus dur est qu’elle prenait, à l’époque, des calmants qui n’avaient aucun effet sur elle. De ce fait, elle s’accrochait qui veut que les douleurs allaient s’estomper, une fois mature ou mariée. ‘’Ceci, nous donnait de l’espoir. Du coup, on priait Dieu pour grandir le plus rapidement possible pour ne plus vivre cette douleur. Mais, en toute sincérité, à chaque fois qu’elles venaient, je n’avais plus envie d’aller à l’école’’.
‘’Moi en un moment donné, j’ai dit à ma mère que j’ais arrêter mes études’’
Ce sentiment a grandi en elle, jusqu’à ce qu’elle décide de tout arrêter. ‘’En un moment donné, j’ai dit à ma mère que j’allais arrêter mes études, parce que ce que j’étais en train de vivre était stressant. A chaque fois que je partais à l’école, je passais tout mon temps à regarder si j’avais une tache ou non. Sans oublier mon manque d’appétit et le fait que je vomissais trop. Ce qui faisait que tout le monde était au courant que je voyais mes menstrues. Je vomissais tout ce qui parvenait à entrer dans ma bouche. C’était gênant aussi par le fait qu’une fois au lycée, même nos professeurs étaient au courant. Moi, il m’est arrivait que je m’évanouisse, à cause de la douleur’’, confie la dame.
‘’Quand j’étais au collège, je sentais une douleur intense, insupportable. J’ai décidé de tout laisser. Je suis resté près de deux mois sans mettre les pieds à l’école. Cela avait eu des répercussions sur mes études. Un jour, ce que je craignais s’est produit. J’ai eu des taches de sang. Ce fut la honte de ma vie. Je me suis dit que je ne repartirais plus à l’école, sinon mes condisciples allaient se moquer de moi. Après deux mois sans cours, il a fallu qu’on me convainc de reprendre mes études. J’ai repris difficilement le chemin de l’école. J’avoue que c’était pénible pour moi. Si je n’avais pas le soutien de ma fille, de mes amis, qui ne cessaient de me dire que ce dont je souffre est normal, j’allais mettre un terme à mes études et définitivement’’.
Devenue adulte, son calvaire ne s’est pas arrêté. Aujourd’hui qu’elle travaille et gagne bien sa vie, elle continue de souffrir le martyre. Il lui arrive même de rater des déplacements professionnels, à cause de ses règles douloureuses. Elle est obligée de ne pas porter des habits de couleurs claires qui laisseraient visibles des traces de sang. Pour s’en sortir, elle s’habille toujours en noir pour masquer toute soupçon.
Quand, elle part dans un séminaire et qu’elle voit ses règles, elle ne s’assoit pas. Elle marche pour éviter de se faire remarquer. La douleur ne lui laisse du répit que lorsqu’elle est debout. ‘’Actuellement, j’ai parfois envie de tout arrêter. Je rate beaucoup de rendez-vous à cause de mes règles. La façon dont elles se manifestent est autre chose. On n’a pas envie de manger, de bouger, d’aller au travail. Sans oublier les nausées, les vomissements. C’est la raison pour laquelle, je préfère rester chez moi à côté de mes toilettes’’, dit-elle d’une voix lasse.
‘’Le nombre élevé des calmants que je prenais m’ont amené le kyste’’
Pour tenir toutes ses années, Aminata a usé et abusé de calmants. Même si, elle était consciente qu’elle se dopait, elle ne pouvait pas s’en passer. Il lui arrivait de multiplier par 5, la dose journalière qu’elle devait prendre, juste tenir, vu l’abondance du sang. ‘’Je vis toujours cette situation. Cela m’a donné d’autres maladies, car les médicaments que je prenais, j’avais l’intuition que j’en abusais. Du coup, quand je les prenais en nombre, je ne voyais plus mes règles. Ce qui m’a amené un kyste. Je l’ai opéré une première fois ; je risque de le refaire une deuxième fois. Tout ceci, parce que juste je ne voulais plus vivre les règles douloureuses. J’en abusais, car, psychologiquement, j’étais bien dans ma peau et qu’à la fin du mois je n’allais pas voir mes règles qui poussaient, dés fois, à me coucher sur les carreaux et à pleurer. L’abus de ce calmant a été fatal pour moi. A cause de mon autonomisation financière, j’utilise des cotons qui sont chers. J’ai les moyens. Je les ai toujours dans mon sac, car, je me dis qu’elles peuvent arriver à n’importe quel moment. Malgré que les médicaments calmants m’ont amené le kyste, je continue de les prendre. Je n’ai pas le choix, vu que je suis très active et que je ne vais pas rester sans travailler. Psychologiquement, c’est ce qui m’arrange. Le fait d’avoir aussi tout temps des tampons peut amener des infections, comme ce fut mon cas’’, renseigne-elle.
Ses conseils aux autorités et auxparents
A l’endroit des femmes qui ont des règles douloureuses, elle leur conseille de prendre les attaches de gynécologues qui pourront les aider. Qu’elles respectent les conseils que les spécialistes leur donnent. Sinon, cela peut leur amener d’autres conséquents qu’elles ne pourront pas supporter. ‘’A l’endroit des autorités, je leur demande d’avoir des toilettes séparées garçons et filles dans les écoles. Qu’on facilite les cours à celles qui vivent cette situation. Je veux dire par là, qu’on leur allège les cours. Dans le milieu professionnel, qu’on les laisse faire du télétravail, quand elles voient des règles douloureuses. Ceci leur permettra de faire des résultats à l’école ou dans le milieu professionnel. Ce genre de situation peut constituer des obstacles aux filles pour avoir de bons résultats à l’école ou dans les entreprises. Il faudra aussi qu’il y ait une accessibilité des serviettes hygiéniques, comme c’est le cas dans les pays développés’’.
Aux parents, elle demande de faire preuve de compréhension, quand les enfants ont leurs règles. ‘’Qu’on cesse de les indexer ou de les regarder, quand cela leur arrive en pleine circulation, car les règles arrivent avec abondance et, dès fois, de façon inopinée. Qu’on dise aussi la vérité aux enfants quand elles voient leurs menstrues. La légende dit que c’est fini une fois mariée. Ce qui n’est pas le cas pour tout le monde, car il y a des femmes mariées qui ont des règles douloureuses’’, conseille-t-elle, avec un sourire aimable.
*Nom d’emprunt