L’une des conclusions du dernier sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO tenue à Accra le 4 juin 2022 qui aura retenu l’attention des Burkinabè est sans doute la désignation de l’ancien président de la République du Niger « en qualité de Médiateur de l’institution sous-régionale pour le Burkina Faso afin de faciliter le dialogue entre l’ensemble des parties prenantes. ».
Sans conteste, Mahamadou Issoufou a l’étoffe et l’expérience pour jouer ce rôle. Homme politique d’envergure et ancien chef d’Etat démocratiquement élu pour deux mandats successifs de cinq ans à la tête du Niger, il a, dans sa longue carrière politique, géré des dossiers très complexes. Nul doute donc qu’il a le profil de l’emploi. Seulement voilà : le Président Issoufou est mal perçu par certains acteurs de la scène politique burkinabè qui estiment qu’il est partie prenante de la crise burkinabè.
En effet, il est de notoriété publique que c’est l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, qui a facilité son accession au pouvoir en 2011 grâce à un accord avec l’opposant Hama Amadou. Mais une fois aux affaires, il a tourné dos à l’ex-locataire de Kosyam pour s’allier avec Alpha Condé et Ibrahim Boubacar Keita, tous membres de l’Internationale Socialiste.
Par la suite, il accueille Salif Diallo à Niamey et soutient l’opposition burkinabè dans l’organisation de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
Et lorsqu’il s’est agi de la dévolution du pouvoir selon la loi fondamentale afin que Soungalo Ouattara alors chef du parlement burkinabè puisse succéder au président démissionnaire Blaise Compaoré, le Nigérien n’en était pas un fervent défenseur préférant une transition qui va faciliter l’arrivée au pouvoir de feu Salif Diallo et ses camarades
En 2015, Mahamadou Issoufou a soutenu financièrement le MPP et n’aurait pas donné un seul kopeck à certains adversaires du candidat Roch Marc Christian Kaboré.
Il ressort également de certains milieux bien introduits que l’ex-Chef d’Etat du Niger et feu le Maréchal Idriss Deby du Tchad disaient à qui voulait l’entendre qu’au Burkina Faso, il n’y avait pas de militaires capables de renverser leur ami Roch Marc Christian Kaboré. Et voilà que de jeunes officiers avec en tête le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ont prouvé le contraire.
De ce qui précède, Mahamadou Issoufou pourra-t-il être un médiateur impartial, objectif et accepté face à des militaires qu’il considérait comme des incapables ? En outre, pourra-t-il être un médiateur neutre eu égard à l’étroitesse de sa proximité avec celui qui était encore le locataire de Kosyam jusqu’à la date du 24 janvier 2022 ? Ne va-t-il pas aborder des questions qui pourraient fâcher les autorités de la Transition ?
On peut légitimement se poser de nombreuses questions quant à la pertinence du choix de l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, pour réussir le dialogue entre la CEDEAO et les acteurs politiques burkinabè.
Par conséquent, il appartient aux responsables de la CEDEAO de revoir leur copie afin d’éviter de perdre le temps avec un médiateur désigné qui manifestement pourrait être difficilement accepté du coté de Ouagadougou.