Froid et vent s’emparent de Dakar. Au grand bonheur des commerçants de la capitale sénégalaise qui sortent pulls, bonnets et chaussettes pour se faire de bonnes affaires.
Par Habiba Brahim SEID (Stagiaire) et Arame NDIAYE « Le Soleil »
L’air est doux en ce début de soirée où l’horloge affiche 17 heures au marché hebdomadaire de samedi, établi sur le terre-plein allant du Front de terre au rond-point Liberté 6. Le ciel est gris et nuageux. Le froid fait déjà son entrée. Les jackets, vestes et blousons sont de sortie. Tous les moyens sont bons pour se protéger du froid. Le climat est doux et favorable aux affaires. Un vent frais soulève sable et poussière, obligeant à se couvrir les yeux. Mais il en faut plus pour refroidir les ardeurs des vendeurs de vêtements pour l’hiver. La météo semble être du côté de ces derniers qui exhibent leurs marchandises aux potentiels acheteurs. Ils sont déjà parés pour accueillir la fraîcheur. Un temps qui se faisait attendre d’après les commerçants. « Il n’y a plus de saison », affirme Matar Seck. Le trentenaire veut profiter pleinement de cette période où l’hiver semble enfin pointer le bout de son nez. Le sieur a même dû casser les prix de ses marchandises pour faire des bénéfices. « Je vendais ces pulls à 1.500 FCfa, mais j’ai dû revoir les tarifs pour les liquider au plus vite », affirme le commerçant en montrant un tas de pulls. « Les prix sont abordables. Venez vous parer pour l’hiver », répète inlassablement Cheikh Ndiaye. Debout devant son étal, il chante et tape des mains afin d’attirer les acheteurs. Il n’hésite pas à montrer les articles aux clients. Emmitouflé dans un gros pull, le bonhomme au corps svelte, sourire aux lèvres, redouble d’ardeur pour convaincre les riverains de venir jeter un coup d’œil. Collants, gants, chaussettes, bonnets, écharpes… ; brefs, toute une artillerie pour réchauffer les « soldats de l’hiver ». Les prix varient entre 300 FCfa et 1.000 FCfa. « Les collants sont à 500 FCfa, les gants sont entre 500 FCfa et 1.000 FCfa, les écharpes et bonnets à 500 FCfa et les chaussettes à 300 FCfa », détaille le vendeur très enthousiaste qui espère faire de bonnes affaires pour cette saison.
Juste à côté, Mamadou Samba est, lui aussi, en pleine négociation avec une cliente. Le jeune homme ne se plaint pas en ce début de soirée. « Le climat est propice pour faire des recettes, car les clients viennent en masse pour acheter des habits d’hiver », affirme-t-il, avant de se concentrer de nouveau vers la cliente.
Assise sur une chaise, un tas d’habits sur les jambes, Rama Kane essaie de négocier les prix. Elle a acheté des pulls, des bonnets et des chaussettes pour ses deux enfants âgés de six et huit ans. La mère de famille propose 5.000 FCfa au vendeur, « très peu » aux yeux du vendeur qui veut plus. La trentenaire veut équiper ses bambins en vêtements chauds à moindre coût. Elle a donc décidé de profiter du marché pour faire de bonnes affaires et ainsi faire le bonheur des siens. « Le temps est capricieux. J’ai préféré venir acheter des habits au plus vite pour préparer l’hiver », affirme cette dernière qui, après une demi-heure de négociations, arrive à convaincre le vendeur.
La fraîcheur, un mal pour un bien…
« Les tarifs sont à la portée de tous », affirme Coura Guèye. La trentenaire fait le tour du marché les yeux jetés un peu partout, espérant trouver son bonheur. La ménagère est venue faire quelques emplettes pour se préparer à cette fraîcheur qui s’annonce depuis quelques temps. « Il fait frais ces derniers jours », affirme-t-elle en rajustant son voile et voulant acheter des vestes et pulls à petits prix. Plus loin, mais toujours sur le même axe, Fatou Mbaye a aussi choisi de venir au marché samedi connu pour ses prix « rafraîchissants et abordables ». Debout devant un tas d’habits, elle cherche des vêtements chauds. La jeune femme prend son temps pour trouver son bonheur. Après tout, il y en a pour toutes les bourses. Les affaires n’attendent pas. Qu’il pleuve ou qu’il neige, les marchands sont là, fidèles au poste et l’arrivée de l’hiver n’est pas une exception.
En face de la Clinique Raby de Liberté 5, habillées en boubou et pour ne pas attraper froid, Oumy Bodian et sa sœur se couvrent avec leurs foulards et se réchauffent près du feu dans l’encensoir. Cette quinquagénaire affirme que le temps n’est pas clément. Du vent et de la poussière. Elle fait savoir qu’elle commence à vendre à partir de 13h pour finir aux abords de 21h, mais avec le temps qu’il fait, elle plie ses bagages à 19h. « Cela n’est pas à notre avantage vu nos conditions de travail. C’est un autre défi pour nous. Je préfère rentrer au plus vite, car c’est difficilement vivable », déplore cette vendeuse de salades, concombres et tomates. En face, Aïssatou Faty propose de la bouillie de mil. Il est 18h et elle est déjà dans les préparatifs. Habillée en robe de prière de couleur violette, cette commerçante explique que ce n’est pas évident de mener ses activités dans ces conditions. « Je n’ai pas le choix et les clients se font rares en cette période. Nos activités marchent moins la nuit. J’ai même changé mes horaires de travail. Je descends plus tôt que d’habitude », explique-t-elle peinée.
Assise sur sa chaise, devant sa table, Ndèye Soukeyna Seck, la cinquantaine, se plaint, elle aussi, de cette fraîcheur brusque. Le visage serein, elle s’active, imperturbable. Mais derrière cette quiétude, se cache une femme préoccupée. Cette vendeuse de « fatayas » quitte Hlm grand Yoff tous les jours pour venir à Dieuppeul, obligée de braver le froid et le vent. Mais, malgré ce temps peu clément, Ndèye Soukeyna n’a pas changé ses horaires de travail. Elle se doit de tout faire afin de gagner plus d’argent pour le bien de ses enfants. À l’image du vendeur de café Touba, Salif Berthé affronte quotidiennement le vent et la poussière. « On s’adapte, car on n’a pas d’autres alternatives. La fraîcheur est un mal pour un bien, car nous arrivons à gagner beaucoup d’argent. Les gens ne se privent pas de boire une boisson chaude », dit-il avec le sourire.
La sensation de fraîcheur se maintiendra jusqu’au 5 mars
L’ingénieur-prévisionniste à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim), Abdoulaye Diakhaté, fait savoir que c’est une « descente d’air frais » provenant de l’Europe qui a occasionné le « subit climat doux » constaté ces derniers jours sur la quasi-totalité du Sénégal. « L’intrusion de cette fraîcheur extratropicale a contribué à la baisse des températures minimales et, par conséquent, la sensation de fraîcheur nocturne et matinale qui a été notée sur l’ensemble du pays et particulièrement sur les localités nord-ouest, Podor, Saint-Louis, Dakar et environs », explique M. Diakhaté, relevant que cette sensation de fraîcheur nocturne et matinale se maintiendra jusqu’au samedi 05 mars 2022. « Toutefois, dit l’ingénieur-prévisionniste, cette alternance de temps relativement chaud et froid pourrait être observée dans les prochaines échéances particulièrement sur les régions proches du littoral ».