J. Kamara, l’une des quatre mineures sierra-léonaises victimes de traite de personnes et de proxénétisme à Ziguinchor, témoigne. Jeudi, à l’occasion de la célébration du 32ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, elle a révélé comment le couple de proxénètes nigérians a réussi à l’appâter avec d’autres filles pour les faire voyager de la Sierra-Leone à Ziguinchor.
Le 13 novembre dernier, la presse faisait état d’une affaire de proxénétisme, de traite de personnes et de faux documents ayant concerné quatre filles d’origine sierra-léonaise âgées de moins de 18 ans. L’une d’elles, J. Kamara, a fait, hier, un récit poignant sur leur aventure en marge de la cérémonie de célébration du 32ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant organisé par la Direction de l’éducation surveillée et de la protection des enfants. Cette année, le thème retenu est : « Protection transfrontalière des droits des enfants victimes de trafic à des fins d’exploitation économique et social ».
Un récit ne pouvait mieux coller à ce sujet que celui tenu par la jeune fille sierra-léonaise hier. Devant l’assistance, J. Kamara a raconté que tout a commencé dans son pays la Sierra-Leone où une femme d’origine nigériane lui a proposé d’aller au Sénégal pour travailler comme ménagère avec une rémunération à hauteur de 1,7 million de FCfa. La jeune fille s’en est ouverte directement à sa maman. La proxénète du nom de Moussu a répété la même chose devant la maman de J. Kamara. Convaincues par les promesses de la Nigériane, les quatre filles mineures dont J. Kamara ont préparé leurs valises : direction le Sénégal. Un couple nigérian, Kingoley Ugochurvu et Okrie Jenifor, devait les accueillir sur place. Selon elle, Kingoley Ugochurvu s’est toujours présenté comme le représentant du Président nigérian au Sénégal. Pour faciliter le voyage, ils leur ont envoyé, chacune, une somme de 700 000 FCfa. Avec cette enveloppe, les quatre mineures ont fait le trajet Sierra-Leone jusqu’à Ziguinchor. « À chaque check-point, nous donnions de l’argent pour passer car nous n’avions aucun papier », a révélé J. Kamara. Vêtue d’un tee-shirt blanc et d’un jean bleu, la Sierra-léonaise a indiqué que tout leur rêve s’est brisé quand elles sont arrivées à Ziguinchor. Elles ont été surprises quand leurs tuteurs nigérians leur ont fait comprendre que ce qu’elles doivent exercer comme travail est différent de ce qu’on leur a fait croire depuis le Sierra-Leone. Les quatre jeunes mineures devaient s’adonner à la prostitution pour rembourser d’abord leurs frais de transport et ensuite avoir quelque chose à envoyer à leurs familles restées au pays. « Si je savais que nous devions faire de la prostitution, je n’allais pas venir au Sénégal », a expliqué J. Kamara, qui a tenu tête à ses tuteurs en refusant de s’adonner à la prostitution.
Recherche du carnet sanitaire
Pour exercer légalement le plus vieux métier du monde, les quatre filles devaient avoir un carnet de vaccination. Le proxénète Kingoley Ugochurvu a recommandé aux mineures de mentir sur leur âge et de se présenter comme majeures. Malgré les menaces de représailles, J. Kamara a réussi à s’évader. « Je suis allée directement à la police où j’ai tout expliqué », dit-elle. Ainsi, le commissaire et ses hommes sont descendus sur les lieux où ils ont trouvé 7 filles et 2 garçons et des paquets de préservatifs. Les mineures ont été acheminées au Centre de premier accueil de Ziguinchor avant d’être transférées à la Direction de l’éducation surveillée et de la protection sociale à Dakar. *
RÉVÉLATION DE MME SIBY, DIRECTRICE DE L’ÉDUCATION SURVEILLÉE
L’une des victimes est en état de grossesse et infectée au Vih Sida
Ndèye Abibatou Siby, Directrice de l’éducation surveillée et de la protection sociale au ministère de la Justice, était presque en larmes hier quand elle racontait l’aventure des quatre mineures sierra-léonaises. En effet, a-t-elle révélé, la benjamine du groupe, à peine âgée de 15 ans, est porteuse d’une grossesse de 3 mois et du virus du Sida. C’est pourquoi elle souhaite que les auteurs soient punis. Par ailleurs, Mme Siby a déploré la situation des enfants victimes de trafic à des fins d’exploitation économique et sexuelle à Kédougou. Sur ce point, M. Mamadou Saliou Sow, Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Justice, a assuré que les dispositions nécessaires seront toujours prises.