Qu’est-ce qui a fait perdre à Alpha Condé le contrôle du pays ? Comment a-t-il été trahi par ses « hommes de confiance » ? Que préparait l’ancien Chef d’Etat pour faire la paix avec le foutah ? Deux mois après la chute de l’ancien président renversé par Mamadi Doumbouya, les langues se délient. Après les révélations d’un haut gradé de l’armée sur les derniers instants d’Alpha Condé, un ex ministre proche du président déchu a décidé de briser le silence. Nous l’appelons M. I, puisqu’il a souhaité témoigner sous le sceau de l’anonymat. Notre interlocuteur lève un coin du voile sur les derniers instants du pouvoir d’Alpha Condé. Il explique au détail-près le climat pourri qui caractérisait le régime déchu. Explications.
« A la veille du coup d’Etat, le président Alpha Condé s’apprêtait à nommer un nouveau gouvernement moins pléthorique. Des jeunes Secrétaires et Directeurs généraux compétents dotés d’un pouvoir allaient aussi faire leur entrée pour mieux contrôler les actions du gouvernement. Ces derniers ne devraient rendre compte qu’au Président. Pour matérialiser son slogan ‘’GOUVERNER AUTREMENT’’, Alpha Condé envisageait de mettre en place une équipe gouvernementale ouverte à l’opposition et à la diaspora. Il voulait finalement faire la paix avec tout le monde surtout avec le Foutah. Si vous vous rappelez, il a dépêché une grande délégation dans la région pour prendre contact avec les sages de la région. C’était pour baliser le chemin de la « réconciliation » avec le Foutah. La nomination Amadou Thierno Diallo à la tête du ministère de la coopération n’était pas fortuit. Il y avait un double objectif : Il comptait sur ce dernier pour ouvrir la Guinée au monde extérieur particulièrement au monde arabe et la réconciliation avec le Foutah.
Alpha Condé avait reçu un conseil de la part d’un de ses amis président qui lui a dit : « Tu as réussi tout ce que ton prédécesseur Lansana Conté a fait sauf une chose : conquérir le foutah djallon et ses fils. Pour ce faire, il faut rouvrir le commerce, il faut leur permettre d’exercer leur commerce et leur business. Une fois qu’ils auront ça, tu gouverneras sans aucun souci. Le pouvoir pour eux, est une seconde option. Quand leurs affaires marchent ils diront adieu au combat politique. Mais tu ne seras point tranquille tant qu’il y a un seul frustré dans leur camp. Conté a réussi à les sommeiller. Tu n’as que ça à faire pour avoir la paix ». Je pense bien qu’il était dans ce processus quand le Coup-d’Etat est survenu le 5 septembre.
D’ailleurs, si vous l’avez remarqué, certains membres du gouvernement reconduits après le 3ème mandat n’étaient là que pour la forme, la plupart était de simples figurants. Ces ministres ne coûtaient quasiment rien à l’Etat en termes de budget. La chaine de dépense était presqu’à l’arrêt dans les services, à part les salaires il n’y avait rien. Chacun de ses ministres en poste attendait la lettre de mission de son département, en vain. Alpha Condé s’était isolé, en étant moins accessible aux caciques du parti et des proches. Les défilés à Sekhoutoureya s’étaient amoindris. Les gros marchés et les affaires juteuses étaient gérés par des étrangers. Par exemple, le mazout consommé en Guinée s’est retrouvé dans les mains d’étrangers. Des béninois, togolais, des burkinabés et même des libanais s’occupaient des grandes affaires au détriment des guinéens.
L’homme s’est senti trahi par ses plus proches. L’argent sorti des caisses de l’Etat n’a eu aucun impact sur les populations et pour l’atteinte des objectifs qu’il s’était fixés. Les projets n’ont jamais été réalisés. C’est vers la fin qu’il s’est rendu compte de la situation. Souvent, nous avons tous entendu Alpha Condé faire des déclarations sur des projets dont on lui a fait croire qu’ils sont déjà réalisés, mais au fond rien n’en était. C’est dans ce cadre qu’il a voulu tourner le dos à certains de ses compagnons en fermant le palais aux mouvements de foule. Les grandes figures du parti qui occupaient des postes stratégiques se sont senties peu à peu isolées par le président. Ses amis et ses hommes de confiance sont restés les étrangers : des ivoiriens, des béninois, des togolais, des burkinabés. Les gros marchés étaient presque tous affectés à eux. Les cadres du parti n’étaient pas prêts à accepter cela.