Si les Etats du Sahel continuent de faire face à certains défis, notamment sécuritaires, c’est en grande partie à cause de la balkanisation héritée de la colonisation. Le diagnostic est de l’ancien médiateur de la République, Pr. Serigne Diop.
« L’Etat : de la théorie à la réalité au Sahel ». C’est le thème du cours inaugural de la session 2021-2022 du master défense, sécurité et paix du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds). Introduit par le Professeur Serigne Diop, ce cours a été l’occasion pour l’ancien médiateur de la République de dénoncer les effets néfastes de la balkanisation issue de la période coloniale. D’après l’ancien ministre de la Justice, c’est ce qui a rendu les pays du Sahel fragiles. A partir de 1960, ils ont hérité de l’évolution d’Etats parfois monarques ; les puissances déterminantes se réunissaient et partageaient ce qui était devenu leur « bien ». « Ils ont commencé, avec je ne sais quels instruments, par délimiter ce qu’ils ont appelé Etat, sans aucune cohérence territoriale. Ce qui va poser le problème de la fragilité des populations en Afrique. Souvent, une même famille est divisée d’une part et d’autre du fleuve. On a créé des frontières et la Cour internationale de justice pour trancher quand il y a problème avec les frontières », a-t-il déploré.
D’après le Professeur en droit, cela n’a pas manqué de conséquences qui impactent encore la région du Sahel. Par exemple, soutient-il, au Mali, il y a des zones où l’Etat n’était pas présent. Ce sont les djihadistes qui jouent presque le rôle de l’Etat. « Est-ce que ces gens vont considérer l’Etat comme légitime ? », s’interroge-t-il. C’est pourquoi, dit-il, « nous avons des Etats fragiles ». Pr. Serigne Diop estime toutefois qu’il est temps que les pays parlent d’une seule voix et transcendent les frontières issues de la balkanisation. Aujourd’hui, souligne-t-il, aucun Etat n’a les moyens de se développer seul. « Nos pays ne sont pas des marchés. En Europe, par exemple, depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale, tout ce qui est fait converge vers l’unité. Alors qu’en Afrique, chacun prêche pour sa chapelle. On ne raisonne pas en Union. C’est pourquoi les pères fondateurs ont refusé la balkanisation à l’indépendance. Même nos partis politiques étaient africains avant les indépendances », a-t-il déploré. Selon lui, il n’y a pas mille chemins : « il faut qu’on rêve ensemble en Afrique. C’est le début de la réalité ».
DEFENSE ET SECURITE
De l’importance des ressources humaines
Avec ce cours inaugural, le Cheds lance le début des cours pour la cinquième promotion de son master en défense, sécurité et paix. Une façon efficace de répondre aux enjeux sécuritaires de plus en plus complexes. C’est la conviction du ministre des Forces armées. D’après Me Sidiki Kaba, la formation des hauts cadres aux défis sécuritaires face aux menaces sécuritaires est une surpriorité pour le Président de la République. « Le terrorisme et la criminalité transnationale organisée constituent des menaces à la paix et à la sécurité au Sahel. Les dynamiques de résilience, qui doivent aller au-delà du cadre des actions militaires, requièrent des ressources humaines de qualité, préparées aux nouveaux défis protéiformes de la sécurité nationale et sous régionale », a-t-il déclaré. En Afrique, plus que partout ailleurs dans le monde, la paix et la stabilité dépendent, souligne-t-il, en grande partie de la capacité des Etats à garantir un environnement apaisé, sécurisé et libre de toute menace.
Le Cheds compte ainsi apporter des réponses pratiques. Selon le Général de brigade Mbaye Cissé, directeur général du Cheds, avec ce Master, ce sont de nouvelles opportunités qui s’offrent aux diplômés. Des universitaires d’ici et d’ailleurs et issus de la défense et de la sécurité délivrent des enseignements de qualité, assure-t-il. Le Général rappelle, dans la même veine, que cette formation vise à « mettre progressivement à la disposition de nos Etats des cadres civils, militaires et paramilitaires ayant les compétences nécessaires pour identifier les enjeux et les défis du temps présent et du futur, concevoir et construire, au niveau national, une vision intégrée de la sécurité, pour le développement et la paix ».