C’est à travers le nouveau découpage opéré dans la région de Dakar que Diamniadio, une ancienne localité flottante, est désormais érigée en arrondissement. Vingt ans auparavant, la localité était le chef-lieu de l’arrondissement portant son nom. Aujourd’hui, ce nouveau démembrement de l’État a tout pour se développer, avec notamment un riche tissu industriel, deux pôles urbains et des infrastructures de tout genre. Seulement, la question des limites des trois communes qui le composent (Yène, Sébikotane et Diamniadio) reste un sérieux problème auquel l’État doit faire face, de même que l’assainissement de certains quartiers.
Dossier réalisé par Le Soleil »
À Diamniadio, les vendeuses de fruits ont un nouveau voisin. Derrière les étals colorés et alléchants, un bâtiment flambant neuf de couleur grise attire les regards. Au-dessus flotte le drapeau du Sénégal. C’est le nouveau siège de la sous-préfecture de Diamniadio. Cette représentation de l’État est la nouveauté dans la contrée depuis que le gouvernement a décidé d’ériger Diamniadio en arrondissement. Cure-dent à la bouche, l’air jovial et détendu, Marième Faye, présidente des vendeuses de fruits de Diamniadio, est aux anges. « Maintenant, il faut juste traverser la route pour se rendre à la sous-préfecture. C’est une excellente chose pour nous qui avions beaucoup de peine à aller jusqu’à Rufisque ou Bambilor pour obtenir des documents administratifs », renseigne la commerçante.
En effet, le nouvel édifice se trouve en plein cœur de la ville, face à la mairie et à deux pas de la gare routière et du centre de santé. Il est donc accessible à tous les citoyens. « Cette sous-préfecture va régler beaucoup de choses ici à Diamniadio. Pendant longtemps, les populations des communes de Yène, de Sébikotane et de Diamniadio ont bravé chaleur, froid et pluie pour se rendre à Bambilor où se trouvait la sous-préfecture », explique Amadou Bayel Sow, directeur de la radio locale Tempo Fm. Des émissions sont même organisées pour sensibiliser les populations sur la présence de sous-préfecture dans la zone et son utilité, ajoute-t-il.
Actuellement, tous les symboles de l’État figurent au siège de la sous-préfecture, notamment avec la présence du nouveau Sous-préfet Oumar Dia, entouré des secrétaires, des agents administratifs et des éléments des Asp qui assurent la sécurité des lieux. L’État est plus que jamais présent à Diamniadio. Cette nouvelle donne fait la satisfaction des élus de la localité. Le Maire de Sébikotane, une des trois communes qui composent cet arrondissement, Abdoulaye Lô, se réjouit d’avoir maintenant « un interlocuteur » au niveau étatique. « Avant c’était Rufisque qui gérait tout, maintenant nous avons un interlocuteur. Les dossiers peuvent être gérés plus rapidement, sans compter les facilités de visite et d’entretien que nous pouvons avoir avec le sous-préfet », renseigne l’édile de Sébikotane, qui accueille positivement la réforme ayant créé ce nouvel arrondissement.
« Nous étions obligés de traverser cinq communes… »
S’exprimant sur la réforme, le Maire de Diamniadio, Mamadou Moulaye Guèye, estime que « cette décision est opportune, il faut reconnaître son importance ». Son homologue de Yène, Gorgui Ciss, assure que la présence d’une sous-préfecture va permettre à l’administration et aux collectivités territoriales d’être « plus performantes ». « Nous étions dans l’arrondissement de Bambilor, une commune très excentrée par rapport aux cinq autres communes que polarisait cet arrondissement. Pour répondre aux réunions de notre sous-préfet, nous étions obligés de traverser au moins cinq communes pour arriver à Bambilor et cela décourageait énormément les administrés », se souvient M. Ciss.
Au-delà du satisfecit exprimé ici et là, la création de ce nouvel arrondissement ressemble à un retour aux sources. « L’arrondissement existait à Diamniadio », renseigne Amadou Bayel Sow de la radio Tempo Fm. Gorgui Ciss livre les détails de ce passé perdu et retrouvé. « L’arrondissement existait de 1998 à 2002 alors qu’il n’y avait que deux communautés rurales, puisque les arrondissements étaient installés pour polariser un certain nombre de communauté rurales (Yène et Sangalkam à cette période), le siège était à Diamniadio. C’est en 2002, avec la création de la commune de Diamniadio où se trouvait le siège que l’autorité a décidé de délocaliser en créant l’arrondissement de Sangalkam », fait savoir le maire de Yène.
Une croissance fulgurante
Diamniadio, devenu aujourd’hui un arrondissement dans le département de Rufisque, n’était qu’un quartier anonyme il y a plusieurs années de cela. Le vieux Soulèye Sène, un des historiens de la localité, renseigne que l’endroit était surtout propice à l’agriculture et à l’élevage. Avec notamment des habitants de Rufisque, de Bargny et de Dougar qui venaient pour y pratiquer des activités agricoles. Selon lui, des vieux comme Mbissane Dione y avaient un commerce florissant et furent les premiers à habiter Diamniadio. « L’endroit était à la limite un quartier flottant, sans délégué ou responsable local », se souvient M. Sène. Il aura fallu, selon lui, attendre les années 1949-1950, avec les travaux de la route de Mbour, pour voir s’installer d’autres personnes comme Khoudia Guèye, une Kaolackoise qui préparait le repas pour les travailleurs du chantier de cette route, avant de s’établir, elle aussi, à Diamniadio. Pour ce qui est de l’origine du nom, Diamniadio serait une déformation d’un mot sérère « Dokhal Diam » (marcher pour la paix). « Ces Sérères du Sine, en quittant Rufisque et Bargny, faisaient souvent escale à Diamniadio pour se reposer », explique M. Sène. Ce lieu de repos et quartier flottant fait, aujourd’hui, partie des localités qui comptent au Sénégal. Son avenir porté par les autorités étatiques se présente sous de beaux auspices.
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CHEF-LIEU D’ARRONDISSEMENT
Un nouveau statut qui fait l’unanimité
S’il y a réellement une unanimité parfaite à laquelle les élus font part dans cette réforme, c’est le choix de Diamniadio comme chef-lieu d’arrondissement. Tous les trois maires soutiennent que choix ne pouvait être plus judicieux. « Diamniadio, c’est le point de rencontre. Quand on vient à Yène ou à Sébikotane, on passe par Diamniadio. C’est le lieu idéal pour y implanter la sous-préfecture », avance Abdoulaye Lô, Maire de Sébikotane. En effet, la localité est à cheval entre la Rn1 et la Rn2 menant dans les villes comme Thiès et Mbour et à l’intérieur du pays. Diamniadio est donc une ville géographiquement bien placée.
Mamadou Moulaye Guèye estime d’ailleurs que sa ville est « un carrefour national et international ». Ensuite, c’est la localité où se trouve l’essentiel du tissu industriel ainsi que le pôle urbain. « Diamniadio doit donc porter les autres communes », fait-il savoir. Un argumentaire que partage aussi Gorgui Ciss, Maire de Yène et géographe de profession. « Pour l’efficacité et la performance de l’administration, il faut trouver un point central. Et en matière d’aménagement et d’occupation de l’espace, la centralité est importante. Diamniadio est, à tout point de vue, le point le plus central », explique l’édile de Yène. Pour lui, il ne s’agit de faire aucune fixation sur l’emplacement de la sous-préfecture.
DÉLIMITATION DES COMMUNES, FORÊT CLASSÉE, NDOUKHOURA….
Ces questions brûlantes sur la table du sous-préfet
L’une des questions auxquelles le nouveau préfet devra faire face, c’est l’équation des limites des trois communes que sont Diamniadio, Sébikotane et de Yène. Ces dernières ont en commun la forêt classée de Sébikotane qui pourrait être une zone d’extension pour ces collectivités territoriales, actuellement en proie à une forte pression foncière. Mais Gorgui Ciss, tout comme ses deux collègues, pensent que le déclassement doit se faire pour des perspectives meilleures. « Il y a un déclassement qui doit se faire parce que cette forêt ne l’est que de nom. Les gens y habitent et cultivent dans l’illégalité la plus totale. Personne ne peut obtenir un document pour justifier cela », renseigne le maire de Yène. Même si dans la nouvelle réforme une partie du quartier de Ndoukhoura est rattachée à Yène, des voix s’élèvent pour contester cette décision. Pour Gorgui Ciss, l’État a déjà tranché la question. « Le décret liste les villages et les quartiers qui dépendent de chaque commune. Pour nous, c’est un débat est dépassé. Parce que l’autorité a tranché avec un décret qui crée la commune de Yène et un autre décret qui crée la commune de Diamniadio. Dans chaque commune, le décret liste les villages et les limites sont indiquées avec les cartes, des coordonnées bien précises. Quand les coordonnées existent, il n’y a plus de débat », soutient le maire de Yène.
Une explication qui ne semble pas convaincre Mamadou Moulaye Guèye de Diamniadio. Selon lui, la réforme n’est pas encore terminée. « Nous sommes dans un processus qui n’a pas encore connu son épilogue », dit-il sans entrer dans les détails. Abdoulaye Lô semble même contester les limites qui seraient déjà tracées. « Les limites ne sont pas des lignes droites. Quand on dit que Kip-Kip est dans Sébikotane, la limite de ce quartier n’est pas une ligne droite. Il faut qu’on soit intelligent dans l’application du décret qui est sorti en tenant compte des quartiers et des lignes droites. Ceci est valable pour tout le monde », explique M. Lô. Selon lui, le nouveau sous-préfet a véritablement du pain sur la planche sur cette question.