Dans son entourage professionnel, on ne lui dit que du bien. Aucun témoignage recueilli de fait ressortir le côté sobre du Colonel Daouda Diop, ancien Gouverneur militaire du palais, promu Commandant de la Gendarmerie mobile le 14 juillet dernier.
Tombeur de la bande à Ino et Alex
Ils n’étaient pas du même camp. L’un était dans celui des «tordus», l’autre du côté des «justes». Rien ne pouvait donc les rapprocher. A part l’arrestation qui a eu lieu le 04 juin 1999, à 13 heures, dans la capitale du Nord. Ce jour-là, à Ross Béthio, Daouda Diop, alors présenté comme un «redouté enquêteur», met la main sur l’un des hommes les plus recherchés du pays : Alassane Sy alias Alex de la bande à «Ino et Alex». Terré dans ce coin reculé de la région de Saint-Louis, le quidam revenait des champs de riz lorsqu’il est alpagué dans la maison où il créchait.
Tombé pour le crime de «vol en réunion plus braquage», il n’oppose aucune résistance face à Daouda Diop. Vingt-deux ans après, il s’en souvient. Sans une once de rancune, il parle de ce gendarme qui l’a traqué, trouvé, arrêté et mis en prison. «Partout où je passais, on me disait que quelqu’un me recherchait. C’est lorsqu’il m’a arrêté que j’ai su que c’était lui. Cette arrestation m’a, certes, coûté 21 années de ma vie, mais Daouda reste un homme pour qui j’ai beaucoup de respect et de considération», confie Alex. Le premier contact avec le gendarme l’a marqué. «Il est d’une droiture extraordinaire. Il est incorruptible. Quand il m’a arrêté, j’ai voulu le corrompre en lui remettant de l’argent, mais il a dit niet. Ça ne l’intéressait pas, m’a-t-il dit. Seul son travail lui importait. Ce qui m’a impressionné car, lorsque la police m’avait antérieurement arrêté, j’ai remis 750 mille Francs Cfa à quelqu’un et on nous a laissé partir, alors que j’avais de la drogue et beaucoup d’autres choses par devers moi», raconte-il.
L’autre fait qui a marqué Alex est comment le pandore l’a traité à l’arrestation. La torture, la violence et la brimade, toujours dénoncées par les prisonniers à chaque fois qu’ils sont à la barre, il n’en a pas connu avec lui. «C’est tout sauf Daouda Diop. Certains agents torturent et manquent de respect aux mis en cause, mais lui a été d’une courtoisie exquise. Il a adopté le même comportement à l’endroit de ma famille en lui donnant toutes les informations me concernant. Jamais, il n’a bafoué mes droits. Il m’achetait même à manger» se rappelle, encore ému, Alex. Derrière le combiné, sa voix rauque laisse entrevoir la grande affection qu’il a pour le Général Daouda Diop, nouveau Commandant de la gendarmerie mobile promu le 14 juillet 2021. «Je le considère comme mon père, mon grand-frère», confie l’ancien caïd, gracié en 2020.
Qui, un jour, lui disait : «Si tu le veux, tu peux être le Président de ce pays. C’est pourquoi : «lorsque que j’ai appris qu’il a été nommé Général, ça ne m’a pas surpris. Il mérite tous les honneurs. Et il les aura.» Dans cette vie, personne ne pouvait imaginer qu’Alex pouvait compter sur le soutien de Daouda Diop à sa sortie de prison. Seulement, ce que les gens ignorent est que son tombeur qui l’a croisé lorsqu’il a été directeur de l’administration pénitentiaire, lui a redonné des forces. Et lorsque l’ancien braqueur est sorti de prison, Daouda lui a conseillé de refaire sa vie en se remettant sur le droit chemin. Et : «Depuis que je suis libre, à chaque fois que je suis dans des difficultés, je vais le voir et il m’épaule. Quand on m’annonce à son bureau, il leur dit de me laisser venir.» Pourtant, Daouda pouvait le fuir comme la peste, souligne Alex. Mais, il ne l’a pas fait.
La passion du travail
La même passion qui anime les mots d’Alex, rythme ceux de Diadji Ndiaye, ancien directeur de prison. Si pour un gradé de la gendarmerie-qui a cheminé avec Daouda Diop- parler de l’homme serait, bafouer les règles de l’Armée, pour Diadji, c’est un plaisir de témoigner sur ce «frère». Certes, dans l’Armée, l’appréciation ne se fait pas, car «on n’apprécie ni n’applaudit» qu’après la mort et la retraite, le sieur Ndiaye qui coule des jours heureux après la retraite, ne peut se taire quand il faut parler de Daouda Diop. A ce général, frère du lutteur Yahya Diop «Yékini», qui a eu sa maîtrise en droit privé-option judiciaire entre 1988 et 1992 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), il ne donne que de bonnes notes. «C’est un plus que frère.» Fier de voir cet «ami» promu à ce titre, il n’en attendait pas moins de son ancien directeur, «pensionnaire de l’Ecole nationale des officiers d’active (Enoa), puis de l’Ecole d’application d’infanterie, qu’il a quittée en 1995 pour l’université Paris Sud, avant d’intégrer l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale entre 1995 et 1996». Gendarme qui a marqué son temps, l’officier supérieur a été commandant de brigade, chef de la Division de la communication de la gendarmerie, avant de devenir directeur de l’administration pénitentiaire de décembre 2015 à novembre 2017. Lorsqu’il est arrivé à la Dap, Diadji était directeur du Camp pénal.
Les deux hommes ont sympathisé et beaucoup travaillé ensemble. «C’est un vrai bosseur. Un bourreau du travail. A la tête de la Dap, il a fait des merveilles. Dès qu’il a été nommé à la tête de l’administration pénitentiaire, en 72 heures, il a fait le tour du Sénégal pour visiter les prisons. Il faut être rigoureux, être un travailleur, pour faire un tel acte. C’est lui qui a changé l’esprit de l’administration pénitentiaire et y a instauré la discipline militaire.» Il est aussi peint comme un chef qui a «le sens de l’écoute», un monsieur très humain. «Il respecte les droits des détenus. A son arrivée, il a interdit que l’on serve du pain sec aux prisonniers. Il surveillait les conditions d’incarcération des détenus. D’ailleurs, il a même amélioré les textes de l’administration pénitentiaire.»
Un passage remarquable à l’administration pénitentiaire
Diadji Ndiaye n’est pas le seul à penser ainsi. Gradé de l’administration pénitentiaire qui a travaillé avec lui, cet agent en service dans un des services de la capitale, se plaît à faire les éloges de Diop. «Il est rigoureux, ponctuel et sait reconnaître le mérite des gens. Il n’aimait pas l’injustice. Les fainéants, non plus. D’ailleurs, pour vérifier le travail des agents, il faisait des visites nocturnes dans les prisons pour voir si les gardes faisaient correctement leur travail. Il a changé beaucoup de choses dans l’administration. D’ailleurs, si les gardes partent couramment en mission onusienne, c’est grâce à lui.» Le port correct des tenues, l’administration pénitentiaire le doit aussi à Daouda Diop. «Chaque année, chaque agent a une dotation de tenues.
Mieux, il avait remis à chaque prison une voiture. C’est lui qui a unifié les couleurs des véhicules en les peignant toutes en vert militaire». Un témoignage qui conforte la suite de celui de Diadji Ndiaye. Pour lui, «l’administration pénitentiaire doit beaucoup à Daouda Diop. Il a initié le défilé motorisé. Une première pour le Sénégal. C’est aussi grâce à lui qu’il y a une école de l’administration pénitentiaire à Sébikotane. Avant, on se formait à l’école de police. Aujourd’hui, on en est à la 5ie promotion. Daouda a ciblé l’école d’éducation surveillée qui rééduque les mineurs qui doivent être recadrés, pour en faire une école de l’administration pénitentiaire. On l’a démarché en 2016, le ministre a appuyé et c’est en 2017 que ça a démarré.» Et, ajoute Diadji, «il a accéléré les travaux de la division médico-sociale de l’administration pénitentiaire.
Les travaux avaient commencé, mais il les a terminés. Aujourd’hui, on a des dentistes et d’autres spécialistes. Les détenus et les gardes se font consulter là-bas. Il a aussi installé un centre de conférence dans la division.» Si le Sénégal participe au concours international de parcours de combattant, qui réunit les Epi du monde, c’est grâce à lui. Parole de l’ancien directeur de prison. D’ailleurs, «le Sénégal a été classé premier durant la première édition.» L’autre fait qui m’a marqué durant sa présence à la Dap, c’est comment il s’est organisé avec l’arrivée des détenus terroristes. Il fallait un quartier de haute sécurité et il l’a réalisé. Il l’a modernisé.
Avec un parloir moderne. Daouda Diop a aussi informatisé les greffes de l’administration pénitentiaire. Et s’est beaucoup battu pour ça.» Un travail qui a été reconnu même en dehors des frontières sénégalaises. Récompensé pour son travail dans l’administration pénitentiaire, surtout sur le respect des droits des détenus dans les prisons, Diop a été élevé au grade de l’Ordre du mérite français, par le président de la République française, Emmanuel Macron. Une distinction qui lui avait été remise en 2019, par l’ambassadeur de la France au Sénégal, Philippe Lalliot.
Courtois, rompu à la tâche, commerce facile
Officier supérieur de la gendarmerie, Daouda Diop a la réputation d’être polyvalent. Il est à l’aise aussi bien sur le plan opérationnel, du commandement, de la communication que de la gestion des troupes. «Son parcours en atteste. Il a été commandant de brigade, chef de la Division de la communication de la gendarmerie, Directeur de l’administration pénitentiaire, Commandant de la Légion Nord de la gendarmerie, gouverneur militaire du palais et aujourd’hui, commandant de la gendarmerie mobile. On se rappelle son implication dans l’arrestation du chef de bande, Alioune Abattalib Samb, alias Ino, à Lompoul», témoigne Daouda Mine, journaliste, directeur du site Igfm.
Qui se souvient, avec nostalgie, du passage du pandore à la Division de la communication et des relations publiques de la gendarmerie. «Il était alors commandant. La presse a retenu de lui un officier disponible, qui répondait au téléphone, à toute heure, et qui se montrait honnête dans ses réponses. Il n’était pas adepte de la rétention d’information. Il collaborait avec la presse dans la limite, bien sûr, de son obligation de réserve et du secret professionnel.
L’on a retenu de lui, un officier courtois, rompu à la tâche, qui avait le commerce facile et qui traitait les professionnels des médias avec beaucoup de respect.» Appuyant la famille des gardes, Daouda Mine dira : «Son passage à l’administration pénitentiaire était également très remarqué.
Déjà, au moment de sa nomination, en remplacement du magistrat Cheikh Tidiane Diallo, une grogne avait fusé au sein des matons qui ne comprenaient pas qu’on leur ramène un gendarme qui les commande, alors qu’ils avaient maintenant des inspecteurs qui font partie de la hiérarchie A et qui pouvaient valablement gérer leur corps.
Daouda Diop, alors lieutenant-colonel, a su fédérer tout le monde, en un laps de temps. Avec ses capacités managériales, il a promu les jeunes inspecteurs fraîchement sortis d’école, qui avaient des choses à prouver, et leur a fait comprendre que l’administration pénitentiaire sera ce qu’ils voudront bien en faire.» Et les résultats positifs lui donneront raison. «La sécurité a été renforcée dans les 37 prisons que compte le pays, plusieurs chantiers laissés par son prédécesseur (renforcement du statut des agents de l’administration pénitentiaire, prison de Sébikotane, école de l’administration pénitentiaire de Sébikotane…) ont été achevés ou renforcés sous son magistère. Il a ramené le calme et la confiance au sein du personnel pénitentiaire, amélioré l’alimentation et la prise en charge sanitaire des détenus, tout en participant à leur insertion sociale», déroule le journaliste, connu pour son franc-parler. Ce «très bon officier supérieur», à la taille imposante, au savoir-faire bétonné de professionnel sous une couche d’humanisme légendaire, a aujourd’hui un grand défi à relever avec la gendarmerie mobile.
Les éléments ont de la chance d’avoir un tel homme à leur tête, disent ses anciens collaborateurs. Pour Diadji Ndiaye, «le pays a besoin d’hommes comme lui. Partout où il passe, il prouve et laisse ses marques. D’ici à deux mois, vous verrez qu’il fera des résultats.» Un témoignage de plus dans l’exercice de polissage d’une image présentée comme presque impeccable. Un homme parfait ? Sans fard ?
PMS