Le Président de Pastef, Ousmane Sonko, s’est permis de comparer à tort les coûts et tarifs des péages des autoroutes du Maroc et celles du Sénégal. L’expression « comparaison n’est pas raison » prend tout son sens sur ce cas de figure, où tout diffère concernant les deux projets évoqués dans les deux pays respectifs.
Les deux péages ne sont pas logés dans la même enseigne
L’exemple du péage marocain à titre comparatif est très mauvais et témoigne de la légèreté de cette analyse du politique Ousmane Sonko, pour quelqu’un qui aspire diriger un jour le pays.
Le tarif exact du péage marocain sur l’axe (le plus utilisé du Royaume chérifien) Rabat-Casablanca est de 22 dirhams et non 21 dirhams, comme il a eu à le dire, soit environs 1110 FCFA contre 1400 FCFA au Sénégal. Certes légèrement plus bas, mais cette différence s’explique par d’autres plus values générées sur l’axe maraocain évoqué contrairement au péage du Sénégal sur l’axe Dakar-Diamniadio.
Le péage du Maroc date de 1989. Le coût s’explique par le mécanisme de financement initial et les amortissements qui s’en sont suivis. Plusieurs ajustements ont été opérés sur demande des usagers au fil des ans sur cet axe, qui est le plus fréquenté, car reliant la capitale économique à la capitale administrative du Maroc.
Puis, le Maroc gère lui-même ses infrastructures autoroutières à travers la société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) et le contrôle des états se faisant avec le concours du LPEE (Laboratoire public d’essais et d’études ), auprès duquel j’ai été pendant deux ans consultant attitré en communication institutionnelle.
En plus d’un processus qui a abouti à la révision des tarifs, une gestion nationale et le montage spécifique initial qu’il faut prendre en considération, il faut y ajouter les valeurs ajoutées que constituent l’exploitation des aires de repos. Sur l’axe Rabat- Casablanca, nous avons à hauteur de Bouznika deux aires de repos respectivement dans les deux sens qui sont de véritables espaces de détentes et de restauration, avec en prime la présence de la franchise américaine « Mcdonald » d’un côté et la franchise locale « Oasis » appartenant à l’actuel Ministre de l’agriculture Aziz Akhannouch d’un autre. Ces deux aires de repos qui font face abrite aussi des stations services « Shell » d’un côté et « Afriquia » qui appartient également à l’actuel Ministre de l’agriculture Aziz Akhannouch d’un autre. Des opérateurs qui versent des dividendes plus importantes que celles générées par l’unique station qui existe sur l’axe Patte d’Oie – Diamniadio (Station service « Total »n adossée à son enseigne de supérette « Bonjour » sise à Dalifort)
Le coût d’une infrastructure varie forcément d’un pays à un autre, sur la base de plusieurs facteurs et données.
Un inspecteur des impôts doit pouvoir savoir également que le coût d’une infrastructure varie forcément d’un pays à un autre sur la base de plusieurs facteurs et données : crédibilité des acteurs, modèle de partenariat (PPP), rentabilité du projet, mécanismes et moyens d’exécution…
Le problème du coût du péage n’est pas lié au concessionnaire, mais à l’étape où nous sommes du programme de densification des infrastructures autoroutières pour un pays qui n’a pas l’expertise dans le domaine et encore moins ne produit tous les matériaux nécessaires ) l’édification des ambitions. L’étape où nous sommes aujourd’hui en matière d’infrastructures routières et autoroutières, le Maroc y était à la fin des années 90. Il est peu intelligent de comparer les actions de deux pays dans un domaine sur lequel ils n’ont pas les mêmes années d’expériences et encore moins les mêmes réalités.
Ne mobilise pas de fonds d’investissement qui veut. La crédibilité est déterminante.
Ousmane Sonko a avancé, en substance que n’importe qui aurait pu mobiliser un tel consortium et en conséquence une telle manne financière d’investissement. Je précise que la mobilisation du capital pour un tel projet dépend de la crédibilité du régime et de ses partenaires d’exécution. Les bailleurs (ou les consortiums) se basent sur des données tangibles et non sur des données politiciennes et ne mettent point leur argent n’importe où. Donc ne mobilise pas de fonds d’investissement qui veut, contrairement à ce que Ousmane Sonko veut faire croire aux Sénégalais.
—–(*) Expert en intelligence économique formé par la Banque Mondiale sur les PPP, Cheikh Mbacké Sène connaît bien le Maroc et de surcroît le projet des autoroutes du Maroc qu’il a vu grandir. Il l’a accompagné d’une certaine manière en tant que consultant en communication stratégique auprès des acteurs et gestionnaires de premier à savoir le LPEE, ou encore toutes les associations AMGS ou CMMSG composés des experts du secteurs et avec qui il organisait des séminaires mensuels sectoriels sous tutelle des Autoroutes du Maroc. Cheikh Mbacké Sène a été au service de la communication des trois dernières structures entre 2012 et 2014 et échangeait en permanence avec les Autoroutes du Maroc (ADM).