Dans certains quartiers de Dakar, les salles de jeux sont toujours bondées de monde, malgré le mois béni de ramadan. Les adeptes de ces jeux de hasard interdits par la religion musulmane s’attachent de plus en plus à leur gagne-pain, justifiant cela par les difficultés de la vie. Conscients de l’interdiction, les parieurs jugent « hypocrite » de faire une pause, pour un mois, mais espèrent que « Dieu va (leur) pardonner ».
Le Ramadan n’a pas douché l’ardeur des parieurs. Bien qu’étant un mois de privation et d’abstinence, certaines parieurs n’ont pas observé de pause, alors que la pratique est interdite par l’islam. Conscients de l’interdiction, les parieurs jugent « hypocrite » de faire une pause, pour un mois, mais espèrent que « Dieu va (leur) pardonner ».
Et c’est le cas d’Ibrahima Diémé, professeur en Lettres d’ Histoire géographie dans la région de Kolda. Croisé à l’entrée de la succursale de Pari mutuel urbain sénégalais (PMU) du Rond-point jet d’eau, habillé en chemise bleu assortie d’un jean, la trentaine avoue avec une mine radieuse être totalement un habitué du jeu de hasard. Précisant par cette même occasion qu’il a jeûné comme tout « bon » musulman. « Ah Dieu va nous pardonner »« Cela fait presque 7 ans que je fréquente régulièrement ces lieux. Je viens d’un voyage à Kolda, je suis venu pour déposer un passeport au commissariat de Dieuppeul. C’est par là que je me suis dit que je vais passer ici pour tenter ma chance », déclare-t-il, le regard dirigé vers l’écran de l’intérieur qui transmet en direct la course PLR (pendant la réunion) de 12 heures.
Comme un « bon » musulman, monsieur Diémé a conscience que le jeûne ne rime pas avec le pari. Mais son salut est que « Dieu est miséricorde ». D’ailleurs craint-il, « c’est sa relation avec son prochain qui l’intrigue et non avec Dieu ». Car selon lui, « ce qui est interdit avant le ramadan l’est également durant le ramadan. Donc arrêter mon jeu parce que j’ai jeûné c’est de l’hypocrisie ».
Même son de cloche pour Samba Ba, vendeur de fruit à Niarry Taly. A qui pour consulter la tableau il s’enrôle de sa capuche, dévoilant à peine son profil. La voix à peine audible évoque les difficultés de la vie pour justifier son acte. « Nous savons pertinemment que ces jeux de hasard sont proscrits par la religion. Honnêtement, je peux pas dire que je vais abandonner le jeu pour un mois. Le dire serait de l’hypocrisie pure envers Dieu. Le PMU, je le fais malgré moi. Car, des personnes comptent sur moi. Je suis divorcé depuis 5 ans et père de famille », soutient-il la mine triste.
Pourtant, ce vieux âgé de 67 ans ne tarde pas les heures de prières. « Ah Dieu va nous pardonner » relativiste t-il avec une pincée de rires. « Nous avons un Oustaz parmi nous» souligne -t-il comme pour se donner bonne conscience, « à l’heure de la prière on se retire pour prier » . Les difficultés de la vie aux bancs des accusés
A les apercevoir de l’intérieur on aurait dit que le jeu de hasard est une drogue circulant dans leur sang. Dans la salle d’accueil où sont disposées des banquettes, pas plus de quinze personnes suivent les courses de chevaux en direct en cette matinée de lundi 19 avril 2021, timidement ensoleillé. Certains scotchés aux images diffusées par un poste téléviseur se concentrent comme si leur vie en dépendait. D’autres griffonnent, stylo en main font des calculs dont eux seuls en détiennent la logique. L’air crispé, ce frigoriste qui a préféré taire son nom sort de la salle pour se rapprocher du guichet. Marié et père de trois d’enfants, il confie voir les même têtes depuis le début du Ramadan : « Malgré le jeûne, rien a changé. Je fréquente ce milieu depuis presque dix ans. Il est devenu un passe-temps pour moi. J’ai mon métier certes, mais les difficultés de la vie m’obligent à miser de temps à autre pour subvenir à certains besoins », dit-il, la casquette en baisse laissant apercevoir un air d’une once de honte.
A l’en croire, le Ramadan ne saurait en constituer un frein pour lui. Les jeux de hasard, tels que le « PMU » pari mutuel urbain sénégalais, ou le « pari foot », continuent de recevoir sa fidèle clientèle. Puisque les va-et-vient se poursuivent.
Mais pas comme les autres jours, c’est le constat du responsable de l’agence qui a préféré gardé l’anonymat. « Il est presque l’heure de la course événementielle comme vous le voyez l’endroit se remplie à moitié. Et c’est normal. A chaque début de Ramadan ça se passe comme ça », explique-t-il.
Son compère de bureau d’ajouter dans la même logique qu’au « bout de quinze jours, qu’on ne va pas y revenir. Parque cela va correspondre à l’approche de la fête du Korité. Là, la salle sera trop petite pour contenir notre clientèle. Je vous donne rendez-vous », lance-t-il.
« PressAfrik »