(Agence Ecofin) – Si les compagnies engagées dans l’exploitation des énergies fossiles sont en première ligne en termes de responsabilité dans le réchauffement climatique, les banques elles, constituent la partie immergée de l’iceberg. Malgré l’urgence de la situation et l’impératif global de trouver des solutions en recourant aux énergies plus propres, elles continuent d’injecter des flux financiers énormes dans la production de pétrole, de gaz et de charbon. Dans leur rapport « Miser sur le chaos climatique », plusieurs ONG de défense de la nature décortiquent l’apport des institutions financières à la poursuite des opérations fossiles, afin de mieux quantifier leurs responsabilités.
« Hypocrisie »
Publié le mois dernier, le rapport « Miser sur le chaos climatique » passe à la loupe l’appui des 60 plus grandes banques commerciales et d’investissement du monde, aux combustibles fossiles. Ceci en agrégeant leurs principaux rôles dans les prêts et la souscription d’émissions de dettes et d’actions. Ainsi, entre 2016 et 2020, elles ont injecté 3800 milliards de dollars dans le secteur, et 2300 entreprises engagées dans la chaine de valeurs fossiles ont bénéficié de leurs financements.
Malgré une baisse massive de la demande et de la production de combustibles fossiles à l’échelle mondiale en 2020, les financements des banques dans le secteur sont restés supérieurs aux niveaux de 2016 et 2017. Bien que le financement global ait diminué de 9% en 2020 à 750 milliards de dollars, les injections de janvier à juin 2020 ont été les plus élevées de tous les semestres depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015.
C’est-à-dire que, même cinq ans après l’accord de Paris sur le climat et les engagements qu’elles ont pris, les banques continuent de financer abondamment les énergies fossiles.
C’est-à-dire que, même cinq ans après l’accord de Paris sur le climat et les engagements qu’elles ont pris, les banques continuent de financer abondamment les énergies fossiles.
Globalement, ce financement (prêts et souscriptions) assuré par les 60 plus grandes banques commerciales et d’investissement du monde était plus élevé en 2020 qu’en 2016.
Si pour la majorité, elles ont reconnu leur responsabilité dans le réchauffement climatique, 17 de ces 60 banques se sont engagées à atteindre des émissions financées nettes zéro à moyen terme. Le constat est néanmoins que leur caution pour les énergies fossiles n’a globalement pas faibli depuis 2015. Ainsi, la tendance générale du financement des combustibles fossiles au cours des 5 dernières années va dans la mauvaise direction et montre l’hypocrisie du secteur bancaire qui d’ailleurs, tire une bonne partie de ses bénéfices de l’industrie des énergies fossiles. Cela renforce la nécessité pour les banques d’établir des politiques claires et chiffrées qui fixent les baisses de financement au cours des prochaines années, jusqu’à la date psychologique de 2050.
« Notre analyse montre que pour bon nombre des pires bailleurs de fonds des combustibles fossiles, les plans pour réduire l’appui aux industries fossiles sont jusqu’à présent dangereusement faibles, incomplets ou vagues (…) Dans ce sens, les engagements d’émissions financées nettes zéro doivent être accueillis avec beaucoup de scepticisme. », regrette le rapport.
JPMorgan Chase en chef de peloton
Dans le rapport « Miser sur le chaos climatique », les ONG ont établi une liste des plus grands appuis à l’industrie des énergies fossiles. C’est la banque commerciale américaine JPMorgan Chase qui arrive en tête avec 316,735 milliards de dollars investis entre 2016 et 2020. Ceci bien que son financement ait considérablement diminué l’année dernière. Il était en effet de 51,3 milliards de dollars contre 64,039 milliards de dollars en 2020.
Citi suit en tant que deuxième pire ennemi de l’environnement avec 237,48 milliards de dollars investis sur la période. Wells Fargo est le troisième plus grand bailleur du secteur avec 223,35 milliards de dollars, tandis que Bank of America, RBC et MUFG émargent avec respectivement 198,45, 16,13 et 147,74 milliards de dollars. Ces 5 premières banques concentrent à elles seules 25% du total du montant investi par les 60 acteurs du secteur.
Barclays, avec 144,90 milliards de dollars, est considérée par les auteurs du rapport comme la pire en Europe et Bank of China la pire en Chine avec 101, 2 milliards de dollars.
Il faut savoir que toutes ces entités ont, d’une façon ou d’une autre, annoncé qu’elles s’engageraient pour une énergie plus propre afin de préserver l’environnement.
Il faut savoir que toutes ces entités ont, d’une façon ou d’une autre, annoncé qu’elles s’engageraient pour une énergie plus propre afin de préserver l’environnement.
En France, BNP Paribas, qui arrive 10ème dans le classement des plus gros financiers du secteur avec 120,83 milliards de dollars, est vivement critiquée depuis plusieurs semaines.
Elle est l’une des premières à montrer au créneau pour s’expliquer. D’après des propos rapportés par Les Echos, Laurence Pessez, directrice de la RSE, indique que les financements accordés aux combustibles fossiles entre 2016 et 2020 représentent une « aide conjoncturelle liée aux difficultés qu’ont rencontrées les majors diversifiés face à la crise (…) Nous avons joué notre rôle dans le maintien de la stabilité du système économique, tout en nous montrant plus sélectifs dans nos financements. »
Il faut souligner que BNP a investi 40,8 milliards de dollars dans les entreprises du secteur en 2020, notamment pour le compte des majors. C’est 41 % de plus que l’année précédente et plus de 141 % par rapport à 2016. Un appui de la banque française aux majors qui arrive dans un contexte de pénurie de financements provenant des banques nord-américaines.
Grâce à son appui conséquent aux majors du secteur au cours de la période susmentionnée, BNP Paribas est devenu le leader du financement des opérations d’exploitation de pétrole et de gaz naturel en mer. Il faut néanmoins reconnaitre que la banque française a défini des politiques fortes en matière de pétrole et de gaz non conventionnels. Un domaine dont le financement est principalement assuré par les banques américaines comme Wells Fargo et JPMorgan Chase.
Il faut néanmoins reconnaitre que la banque française a défini des politiques fortes en matière de pétrole et de gaz non conventionnels. Un domaine dont le financement est principalement assuré par les banques américaines comme Wells Fargo et JPMorgan Chase.
Au cours des cinq dernières années, Morgan Stanley, Citi et JPMorgan Chase ont ouvert des lignes de crédits illimités aux entreprises engagées dans l’exploitation du GNL, tandis que les banques chinoises Industrial Bank, China Construction Bank et Bank of China arrivent en tête dans le financement du charbon. Elles n’ont d’ailleurs aucune politique de limitation des financements dans ce domaine. Par contre, BNP Paribas, BPCE/Natixis, Crédit Mutuel et UniCredit ont les meilleures politiques de restriction pour les investissements dans les mines de charbon.
Olivier de Souza