Même si la date exacte des prochaines élections locales n’est pas encore connue, à cause de nombreux reports, les appels à l’unité de l’opposition se font entendre, pour faire face à une majorité présidentielle qui s’agrandit de jour en jour en termes de ralliements de leaders. Toute chose qui ne sera pas de tout repos et qui risque d’être un véritable défi pour les adversaires du régime en place, selon l’Enseignant chercheur en Science politique à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint Louis, Moussa Diaw.
Ils deviennent de plus en plus nombreux, les appels à l’unité de l’opposition, après les émeutes tragiques qui se sont passées dans le pays du 3 au 8 mars dernier. Pas plus tard que le 17 mars dernier, lors d’une visite du leader de Pastef-Les Patriotes aux leaders qui l’ont soutenu, l’ancien député-maire de la ville de Dakar avait appelé à une union de l’opposition. «Il faut que nous continuions le combat, que nous restions vigilants.
L’opposition sénégalaise a compris sa part, elle est en train de construire ses actions. Cela a pris du temps, elle y parviendra. Quand il y a une majorité qui se conforte, qui se consolide et qui s’élargit, il faut une opposition qui s’unit et qui se renforce, qui est puissante et forte», avait déclaré Khalifa Sall à son hôte laissant présager d’une éventuelle alliance entre le mouvement politique Taxaawu Senegaal et le parti Pastef. D’ailleurs, un projet de mise sur pied d’un «front unique de l’opposition» serait en gestation, depuis le mois de novembre. L’ancien député-maire de la ville de Dakar avait indiqué que l’objectif de cette plateforme était de regrouper toute les forces vives de la Nation pour faire face à une majorité qui ne cesse de s’agrandir. Le projet en question ne laisse pas de marbre Ousmane Sonko, requinqué après sa libération au terme d’un rapport de force avec le pouvoir favorable à lui, et qui multiplie les appels à l’unité.
En visite chez le leader du parti Grand parti (GP), Sonko avait aussi émis ce même appel à la fédération des forces de l’opposition. «Nous devons être à la hauteur de ce peuple en oubliant nos égos et nos projets personnels et de se retrouver sur l’essentiel qui est de mettre en place un cadre fort qui puisse capitaliser les acquis issus de ce bras de fer pour imposer un calendrier au régime de Macky Sall (…)», avait-il estimé. Le président de Pastef-Les Patriotes ne pense pas si bien dire, si l’on se rappelle de la mauvaise expérience de 2017, à la veille de l’élection législative. L’opposition regroupée autour de Manko wattu Senegaal avait volé en éclat à cause d’une querelle de tête de liste entre les partisans de Khalifa Sall et ceux de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade. D’où la complexité d’une telle union, au vu des divergences de stratégies et de leadership.
«DIFFICILE D’UNIR L’OPPOSITION…», SELON MOUSSA DIAW, ENSEIGNANTCHERCHEUR A L’UGB
Ce que semble confirmer l’Enseignant-chercheur en Science politique à l’UGB de Saint Louis. Interrogé par nos soins, Moussa Diaw trouve que «c’est difficile d’unir l’opposition car elle est plurielle avec différents leaders aux ambitions divergentes. De plus, les convictions de certains sont fragiles, souvent soumises à des positions versatiles. Alors, l’enjeu est de fédérer tout ce monde à travers un projet commun dans la perspective des élections à venir».
De plus, la promesse du chef de l’Etat, Macky Sall, de «réduire l’opposition à sa plus simple expression», notamment en procédant à du débauchage à tout va, ne milite pas en faveur d’une unité de l’opposition. Un paramètre pris en compte par le Professeur Diaw, pour qui «il faut considérer aussi que la majorité jouera le trouble-fête en cherchant à diviser l’opposition. Elle procède par des propositions de ressources ou de positions de pouvoir».
Est-ce alors possible de rééditer le coup de 2009, avec la large coalition Benno Siggil Sénégal (BSS) lors de l’élection municipale du 22 mars ? Celle-là avait pu ramasser le fruit mûr du mécontentement populaire, avec un personnel politique rajeuni. Un contexte qui parait être identique à celui d’alors, surtout avec les tumultes connus ces derniers temps. Est-ce que l’opposition peut passer de la simple contestation à la proposition d’un projet alternatif crédible ? Elle semble être dans l’obligation de s’y atteler, si elle veut vraiment se faire une place au soleil politique.
Pour le Professeur Diaw, il est clair que «les leaders de l’opposition doivent se mettre d’accord sur un projet pour espérer mobiliser les acteurs afin de s’imposer dans l’espace politique en faisant bloc et parler un langage partagé et audible pour les citoyens». Le moins que l’on puisse dire cependant, après les nombreuses plateformes de l’opposition qui ont été mises en place pour fondre après comme du beurre au soleil, de 2012 à aujourd’hui, c’est que ce projet d’unité des adversaires au régime du président Sall ne sera pas une mince affaire.