La non tenue des audiences au niveau du Tribunal de Grande Instance de Diourbel, incendié récemment, a eu comme conséquence directe, une augmentation de la population carcérale. L’administration pénitentiaire a été obligée de transférer une partie des pensionnaires au niveau des maisons d’arrêt et de correction de Mbacké et de Bambey.
Vingt et un jours après l’incendie qui l’a ravagée, la salle d’audience du Tribunal de Grande Instance de Diourbel n’est toujours pas fonctionnelle. Ce qui n’est pas sans conséquence pour des pensionnaires de la maison d’arrêt et de correction de la capitale du Baol. Des personnes ont été placées sous mandat de dépôt et sont toujours en attente d’être jugées. D’après une source proche du milieu judiciaire, « depuis cet incendie, qui a eu lieu dans la nuit du 05 au 06 mars dernier, le parquet a instruit 62 dossiers qui impliquent 67 personnes. C’est ainsi que 43 personnes ont été placées sous mandat de dépôt. Les 24 restant ont bénéficié d’une liberté provisoire ».
Ce nombre de 67 personnes est venu s’ajouter aux 537 personnes qui étaient détenues dans ce lieu de privation de liberté. Un lieu qui date de l’époque coloniale et qui naguère était une écurie. Le lieu est inadapté à sa fonction actuelle, avec des locaux exigus et un système d’assainissement inadéquat. Cette maison d’arrêt et de correction de Diourbel devrait, normalement, si l’on se fie aux standards internationaux établis par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), n’accueillir que 135 détenus, car selon ces standards un détenu doit occuper 3,5 m2.
Lors de la revue annuelle conjointe de 2019, l’ancien chef du service régional de la planification de Diourbel, Ibrahima Ndong, plaidait pour la délocalisation de la maison d’arrêt et de correction (MAC) de cette ville. Il disait ‘’La maison d’arrêt et de correction de Diourbel est dépassée, elle ne répond plus aux normes internationales. On fait le plaidoyer pour que la MAC soit délocalisée. La MAC, est mal placée au centre-ville ; située qu’elle est, entre l’église, la mosquée, le marché, la préfecture, la gouvernance et une école. On doit construire une nouvelle prison derrière l’abattoir. Au-delà de sa position géographique, la prison de Diourbel ne répond plus aux normes internationales, en termes de capacité d’accueil, car recevant également des détenus venant de Touba, Bambey et même Dakar’’.
Il ajoutait : ‘’On ne parle même pas de la réhabilitation qui est une nécessité, mais, il faut la délocaliser systématiquement pour que les gens soient dans l’intimité normale. On doit faire des compartiments, les mineurs ne doivent pas être mélangés avec les adultes, les femmes aussi doivent avoir leur espace. Il n’y a eu aucune construction, de 2014 à 2019. Ces gens ont des problèmes avec la justice, mais ils ont des droits. On doit veiller au respect des droits humains inaliénables. C’est pour cela que nous avons inscrit comme projet dans le cadre du PAP 2 la délocalisation et la construction d’une nouvelle MAC’’.
Ainsi, depuis hier, des transferts de détenus ont été opérés en direction des maisons d’arrêt et de correction de Bambey et de Mbacké. Il s’agit de 35 personnes. A ce jour, confie une source proche du milieu judiciaire, l’établissement compte 537 détenus, alors que son plafond est de 300. En nous envoyant ces personnes en conflit avec la loi, confie une source proche du milieu pénitencier, « l’Etat nous oblige à nous débrouiller, alors qu’il n’y a pas suffisamment de lits et les chambres sont surpeuplées. Ce surplus va jouer sur la quantité et la qualité des mets distribués, la prise en charge médicale et la literie’’.
Humaniser les prisons
D’ailleurs, cette dernière rubrique n’est pas prise en charge par le budget. Ce qui oblige les patrons de prison à faire une gymnastique pour pouvoir prendre en charge les pensionnaires. Pour le cas de Diourbel comme pour les autres prisons du Sénégal, informe un agent de l’Administration pénitentiaire sous couvert d’anonymat, «il n’est pas prévu de loi des finances rectificatives et l’Etat malheureusement ne suit pas les fluctuations des détenus. Si un établissement pénitencier comme Rebeuss, accueille 2 000 détenus, l’Etat ne prend en charge que 1 600. Et, il revient au directeur de faire des acrobaties pour le reste. Ce qui entraîne souvent les grèves’’.
Afin d’humaniser les prisons, certains défenseurs des droits humains pensent que ‘’les pouvoirs publics devraient songer à relever les plafonds budgétaires, le nombre de personnes à prendre en charge, construire de nouvelles prisons, parce que, toutes les prisons du Sénégal datent de l’époque coloniale. Et pour couronner le tout, les magistrats devraient jouer leur partition, en prononçant des mesures d’accompagnement des peines. Ils doivent aussi procéder à des semi-libertés, des placements à l’extérieur, des libertés conditionnelles, des travaux d’intérêt général. Ils doivent essayer de se départir de cette image qu’on leur colle, à savoir qu’ils sont des distributeurs de peines».