En pleine pandémie, le Sénégal lutte en tant que peuple et nation pour ne pas plier sous les effets multiples du CIVID-19. Des familles, démunies comme nanties, vivent dans leur chair les angoisses psychologiques et le tribut financier de leur chers frappés par la maladie. Dans les CTEs, des patients attendent que soient libérés des lits de réanimation pour récupérer leur capacité pulmonaire entamée à 50% ou plus ; des échos nous parviennent de patients déshydratés qui n’ont pas les moyens de s’acheter des bouteilles d’eau, ou des médicaments que la sévérité de leur état requiert.
Le personnel médical, dans toutes les structures sanitaires du pays, luttent inlassablement contre la foudroyance de la maladie, la plupart du temps dans des conditions de travail que seul le poids de leur serment les oblige à endurer. La mort, quant à elle, frappe les familles sans distinction, alimentée par une transmission communautaire incontrôlable.
Au milieu de cette détresse nationale, survient une sordide affaire de mœurs entre un homme dont on dit qu’il n’est pas n’importe qui et une jeune femme que l’on prend pour n’importe qui. De facto, on donne raison à l’un et on charge l’autre. Les médias, assoiffées de sensations et de sensationnel, se ruent sur cette aubaine, et se télescopent pour inviter, dans une interminable série d’Editions Spéciales, tous les politiciens, analystes et autres sachants pour interpréter les évènements et éclairer la lanterne des pauvres Sénégalais que nous sommes. Dehors, dans la rue, le chaos explose et s’amplifie devant le regard avide des téléspectateurs, en même temps choqués et fascinés par l’étendue du désastre qui, enfin, casse la monotonie d’une vie en confinement forcé. Le Sénégal voit, en Panavision, l’extraordinaire force destructrice d’une population oubliée qui trouve, dans l’exploitation odieuse d’un fait divers, une occasion inespérée mais prévisible, de semer la pagaille à grande échelle.
Au sortir de ce cirque funeste, on nous sert un vulgaire « contrôle judiciaire » pour une des parties et le silence total sur le sort de l’autre partie. Clap de fin jusqu’au prochain aggiornamento !
Et moi qui pensais que les Sénégalais étaient préoccupés par les problèmes d’éducation des enfants et de santé pour tous ; par l’agriculture et la détresse permanente du monde rural; par les défis à relever avec l’évènement de la ZLECAf; par le retard à rattraper dans les technologies de pointe (l’intelligence artificielle, l’Internet des objets, le big data, la blockchain, la 5G, l’impression 3D, la robotique, les drones, l’édition génétique, les nanotechnologies et le photovoltaïque) ; par la bonification du capital humain; par l’emploi et l’employabilité des jeunes …
Le monde bout et bouillonne autour de nous, et nous restons embourbés dans le spectacle verbal, dans la rhétorique de scène, soumis au carcan d’une langue dont nous assumons l’aspect le plus baroque pour ensevelir, dans des torrents de mots, les véritables maux de notre pays. Le Sénégalais se contente de parler et accepte qu’on lui parle, encore et encore ; les autres, tous les autres, agissent et balisent patiemment leur chemin de sortie de la pauvreté et de l’exclusion.
Depuis presque une semaine, sous le prétexte de la détention d‘un individu qui n’a encore offert que vacuité à ce jour, tout un pays oublie l’agenda qui devait être le sien, pour se divertir des péripéties d’un navet qui met en scène une Administration aux abois et les mystères d’une relation de salon.
Falilou Diouf
Auditeur-Conseil