[ Parole du Prophète alayhi assalat wa salam , citée dans le sahih al-Jâmî’ as-saghîr de Suyûtî,
Yusuf An¬tiabhâni et Nasr-ad-dîn Al-Albânî. Librairie Al-Maârif, Riyadh, 1987 ].
Son courage et sa bravoure étaient légendaires. On le surnommait le lion de Dieu.
Sa conversion à l’islam eut l’effet d’un véritable séisme parmi les gens de la Mecque.
Son cœur – réputé dur et inflexible – ne résista pourtant pas à l’appel de la Révélation. Il faut dire que Hamza Ibn ‘Abd AI-Muttalib , en dépit de ses penchants pour la chasse et la boisson, était un homme à l’âme spirituelle, porté sur la méditation. N’a-t-il pas dit après sa conversion :
« J’ai erré des nuits durant dans les immensités du désert et j’ai pu me convaincre que Dieu ne peut être confiné dans un temple (La Ka’ba). » |
Hamza était l’oncle paternel du Prophète et son frère de lait. Ils étaient presque du même âge et, de ce fait, avaient grandi ensemble.
Une fois devenus grands, les deux hommes, prirent des chemins différents.
Alors que Hamza suivit sa passion de la chasse et des choses de la vie mondaine, Muhammad s’éloigna peu à peu des préoccupations de ses compatriotes pour suivre la voie que lui avait choisi la providence divine.
Pourtant, bien que les deux hommes aient suivi des chemins diamétralement opposés, une grande estime resta entre eux. Hamza appréciait chez son neveu sa loyauté, sa sagesse, sa sincérité et son dédain pour les choses de ce bas monde. Ce qui explique sa réaction violente à l’égard d’Abû Jahl lorsque celui-ci insulta Muhammad . Ce fut aussi le moment qu’il choisit pour annoncer sa conversion à l’islam.
C’est en revenant un jour de la chasse, son passe-temps favori, que tout bascula dans la vie de Hamza .
Ce jour-là, il rencontra, sur chemin de la Ka’ba, une domestique de ‘Abdallah Ibn Jad’ân qui venait de voir Abû AI-Hakam Ibn Hishâm, surnommé Abû Jahl, insulter Muhammad et proférer à son égard des propos méprisants.
Elle raconta tout à Hamza .
Sans plus tarder, il prit son arc, le mit sur son épaule et partit à la recherche d’ Abû Jahl.
Il le trouva sur le parvis de la Ka’ba en compagnie d’autres dignitaires qurayshites. Hamza alla tout droit vers Abû Jahl. Il lui cria à la figure : « Insultes-tu Muhammad alors que j’ai embrassé sa religion et cru en ce qu’il professe ? Réponds-moi si tu as du courage. »
Les compagnons d’Abû Jahl se levèrent, prêts à défendre leur chef, mais l’attitude sévère et décidée de Hamza les en dissuada. Les mots de Hamza avaient eu l’effet d’un coup de couteau dans le coeur des infidèles. Hamza, musulman ? Voilà ce que les qurayshites ne pouvaient accepter d’entendre. Ils croyaient au début que cette décision n’était qu’une réaction hâtive prise à la suite d’un coup de colère. Ils ne savaient pas combien ils se trompaient.
Certes, Hamza avait répondu à un sentiment tribal, somme toute normal, dans la société arabe d’alors. Mais au-delà de ce geste, c’est tout le système cosmogonique païen qu’il rejeta spontanément avec tout ce qu’il incarnait comme obscurantisme, injustice et tyrannie.
En effet, juste après avoir annoncé sa conversion à l’islam, Hamza , en homme raisonnable et sage, commença à réfléchir à sa nouvelle situation. Il venait d’abjurer la religion de ses pères, mais connaissait-il quelque chose au message de son neveu ?
Dans la religion de ses ancêtres, il avait au moins l’assurance de la tranquillité due à l’habitude et au milieu dans lequel il vivait. Mais dans cette nouvelle religion, que pouvait-il trouver ?
Le doute s’empara alors de son esprit… Il se trouva ballotté entre la nostalgie de son ancienne religion et son attirance pour le message de son neveu qu’il savait sincère et loyal.
C’est lui-même qui nous raconte son supplice moral :
« Après avoir quitté la religion de mes ancêtres et de mon peuple, des doutes commencèrent à m’assaillir et je commençais à regretter mon acte. Je ne dormais plus la nuit tellement j’avais l’esprit préoccupé. J’allais souvent à la Ka’ba, invoquer Dieu et le supplier de m’éclairer sur la vraie religion et de dissiper mes doutes. Et c’est alors que le Seigneur exauça mes prières et me montra le chemin de la Vérité. Le lendemain, je me rendis chez l’Envoyé de Dieu et lui racontai ce qui m’arrivait. Il en fut réjoui et invoqua Dieu afin qu’il affermisse mon coeur dans la foi en l’islam. »
C’est ainsi que Hamza fut conforté dans sa foi en Dieu et en Son Prophète .
Il ne déviera jamais de cette voie jusqu’à ce qu’il meure en martyr pour sa foi.
Sa conversion à l’islam, si elle fut une bénédiction pour les musulmans, causa un véritable désastre parmi les infidèles qui connaissaient son courage et son épée redoutable. Il allait confirmer de façon éclatante sa réputation à Badr, la première bataille où les musulmans affrontèrent les païens.
C’est à lui que le Messager confia le premier emblème pour mener les musulmans dans cette terrible et décisive bataille qui décida du destin de l’islam. La rencontre des deux armées à Badr donna à Hamza l’occasion de montrer son courage, sa vaillance et son engagement au service de sa foi. Il combattit comme un lion à tel point que le Messager de Dieu le surnomma le « lion de Dieu et de Son Envoyé ».
À la fin de la bataille, les plus grands dignitaires qurayshites étaient vaincus. Parmi eux, il y avait : Abû Jahl, Uthba Ibn Rabî`a, Shayba Ibn Rabî`a, Umayya Ibn Khalaf, et tant d’autres. Ceci sans compter les dizaines de combattants que l’armée qurayshite perdit au cours de cette bataille. C’était la catastrophe à la Mecque. On venait d’essuyer une défaite mémorable.
Hamza était pour beaucoup dans cette défaite. Par son courage et sa bravoure, il avait stimulé l’ardeur et la combativité des musulmans qui étaient peu armés et en nombre inférieur.
C’est pourquoi, on décida à la Mecque d’attenter à sa vie.
Le complot fut tissé par les dignitaires qurayshites qui virent en Muhammad et en Hamza les premiers responsables de leurs malheurs. Ils chargèrent Wahshi, un esclave abyssin, de tuer Hamza en échange de sa liberté. Wahshi était un habile lanceur de javelot qui manquait rarement sa cible.
Les dignitaires païens lui assignèrent la mission de suivre pas à pas Hamza et de l’abattre, quelle que soit l’issue de la bataille.
Hind, la femme d’Abû Sufyân, était la plus acharnée d’entre les infidèles à concrétiser le complot visant l’assassinat de Hamza. Ayant perdu son père, son frère, son oncle et son fils dans la bataille, elle en voulait à Hamza qui, lui avait-on dit, était responsable de leur mort. Elle lui en voulait à mort. La présence de cet habile lanceur de javelot était une aubaine pour elle. Venger ses proches était devenu une véritable obsession pour elle. C’est pourquoi, elle ne cessa d’encourager Wahshi, lui promettant, en plus de sa liberté, des bijoux de valeur lui appartenant.
Le pauvre esclave, ébloui par la possibilité d’un rachat et les alléchantes offres de Hind, accepta la sale besogne que lui proposèrent les qurayshites.
Le jour tant attendu par les ennemis de l’islam arriva. La bataille d’Uhud faisait rage. Les compagnons du Prophète stimulés par leur victoire à Badr, de l’an dernier, et aguerris depuis, donnèrent du fil à retordre à l’armée qurayshite qui avait rameuté toutes les tribus arabes des environs de la Mecque.
Menés par un Hamza impérial, ils firent mordre la poussière aux qurayshites. En bon stratège, il avait préparé la victoire des musulmans et, n’était-ce la fameuse et malheureuse désobéissance des archers qui quittèrent leur position en dépit des recommandations du Messager de Dieu , la victoire aurait été acquise.
Hamza , que cette défaillance dans le système de stratégie des musulmans avait secoué, reprit l’initiative sur le terrain en redonnant courage aux compagnons démoralisés. C’est alors que Wahshi qui suivait jusque-là Hamza en le surveillant attentivement. trouva l’occasion propice pour intervenir.
C’est lui-même qui raconta plus tard comment il avait procédé :
« Quand les deux armées commencèrent la bataille, dira-t-il, j’ai commencé à me faufiler entre les combattants à la recherche de Hamza. J’ai fini par le trouver au milieu de la mêlée tel un chameau gris. Il fauchait ses adversaires de son épée et rien ne semblait l’arrêter. Je me suis caché derrière un arbre pour le surprendre. Profitant d’un moment d’inattention de Hamza, je pris ma lance, puis visai attentivement et la lançai. Atteint, il se tourna vers moi, essaya de se relever, puis perdit ses forces et rendit l’âme. Je m’approchai prudemment de lui, pris ma lance et retournai sur mes pas, ayant accompli ce qu’on m’avait demandé.
De retour à la Mecque, je gagnai ma liberté et demeurai dans la ville jusqu’à sa prise par le Messager. Je pris alors la fuite vers Taïf. Une fois que les délégations des tribus arabes commencèrent à affluer à la Mecque pour se convertir à l’islam et faire allégeance au Messager de Dieu , celle de Taïf s’apprêta à se déplacer pour annoncer sa conversion. Moi, j’étais dans une situation embarrassante, ne sachant que faire. Je pensais m’enfuir soit en Syrie soit au Yémen, n’importe où, pourvu que j’échappe aux musulmans.
J’étais là, en train de réfléchir à mon sort, lorsque quelqu’un me dit : « Malheur à toi ! L’Envoyé de Dieu n’attente jamais à la vie de celui qui se convertit à l’islam. »
Suivant son conseil, je me rendis à Médine où je fis ma conversion à l’islam. Au cours de la cérémonie d’allégeance, le Messager de Dieu , me reconnaissant, m’a dit :
» Es-tu Wahshi ? » J’ai répondu : » Oui, Messager de Dieu. » Il m’a dit : » Raconte-moi comment tu as tué Hamza. » Je lui racontai comment j’avais procédé pour surprendre Hamza, le tuer et le mutiler. À la fin du récit, il m’a dit : » Malheur à toi, , épargne-moi la vue de ton visage. »
À partir de ce jour, j’évitais toujours de passer par le même chemin que le Messager de Dieu et ce jusqu’à sa mort. Plus tard, lorsque les musulmans partirent combattre Musaylima, l’imposteur du Yamama, je pris ma lance et partis avec eux pour prendre part à la bataille. En apercevant Musaylima, l’épée a la main, au milieu de ses soldats, je me suis dit :
» Si j’ai tué Hamza , meilleur des hommes avec cette lance, j’espère que Dieu me pardonnera en tuant Musaylima le plus mauvais parmi les hommes. » »
Ainsi succomba Hamza victime d’un complot tissé à la Mecque par les plus grands dignitaires qurayshites pour venger leurs morts à Uhud. Ses ennemis ne se contentèrent pas de sa mort. Bien plus, leur haine et leur acharnement dépassèrent toutes les limites.
Sur les ordres de Hind, Wahshi mutila le corps de Hamza, en enleva le foie et le porta à celle-ci en échange de ses bijoux. Dans un excès de colère à la limite de la démence, Hind commença à manger le foie de Hamza avant de le cracher. C’est dire la haine qui l’animait à l’égard de cet homme.
En voyant le corps affreusement mutilé de son oncle, le Messager de Dieu fut saisi d’une profonde affliction.
Regardant avec tristesse le cadavre de Hamza étendu sur le champ de bataille, il lui dit :
« Jamais malheur ne m’a affligé autant que ta mort !
Et Jamais je n’ai connu une situation aussi dramatique que celle-ci. »
Ensuite, il se tourna vers ses compagnons affligés en leur disant : « Si je ne craignais pas de rendre triste sa soeur Safiya et de voir cet acte devenir une tradition après moi, j’aurais abandonné son corps aux fauves et aux oiseaux. Si Dieu me donnait la victoire sur Quraysh n’importe où, je mutilerais trente hommes parmi eux. »
Le côté humain du Prophète venait de se manifester. Affligé profondément par la perte cruelle et le sort réservé à son oncle, il avait réagi comme toute personne touchée par un malheur. Mais la révélation vint d’en haut pour l’empêcher d’imiter le comportement des infidèles et de faire en sorte que la mort de Hamza, aussi cruelle soit-elle, ne soit pas le prélude à des actes de vengeance et à des comportements barbares incompatibles avec la raison et la sagesse humaines.
Hamza ne pouvait mériter que sa mort soit l’occasion de vengeances et de règlements de compte barbares. Bien au contraire, comme pour l’honorer une dernière fois, la Révélation a voulu que sa mort soit une occasion d’élever plus l’âme humaine en lui apprenant à faire preuve de patience dans les épreuves les plus dures et à rendre le mal par le bien. Les versets révélés sont catégoriques à ce sujet :
« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle les gens au sentier de Ton seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est Ton seigneur qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés. Et si vous punissez, infligez à l’agresseur une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez… cela est certes meilleur pour les endurants. Endure, ton endurance ne viendra qu’avec l’aide de Dieu. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas angoissé à cause de leurs complots. Certes, Dieu est avec ceux qui Le craignent et ceux qui sont bienfaisants. »
[ Sourate 16 – Versets 125-128 ]
Depuis ce jour funeste, Hamza repose dans la miséricorde du Seigneur ,
sur la terre de Uhud, à l’endroit même où il fut abattu par traîtrise, victime d’un complot