Le rappel à Dieu de la magistrate Mame Bousso Fall Diaw, membre du Conseil constitutionnel est l’occasion pour lesoelil.sn de revenir sur l’histoire des trois seules femmes qui ont, jusque-là, siégé au sein de cette prestigieuse et haute juridiction sénégalaise.
La juge Bousso Fall Diaw est décédée, dans la nuit du dimanche à lundi, à l’âge de 68 ans à l’hôpital Fann de Dakar des suites d’une maladie. Anciennement Procureur à la Cour d’appel de Saint-Louis, elle était la seule femme membre du Conseil Constitutionnel depuis 2017. 6e Sage, elle avait prêté serment, le 29 juin 2017, auprès de Seydou Nourou Tall, suite à la réforme constitutionnelle proposée par le chef de l’Etat, Macky Sall, à la faveur du référendum du 20 mars 2016, portant, entre autres points, sur l’augmentation du nombre de membres, de 5 à 7, du Conseil constitutionnel.
Lors de sa prestation de serment, en juin 2017, le président de la haute juridiction, Pape Oumar Sakho, rempli de « joie », avait également exprimé sa fierté « de voir une femme siéger au sommet de la pyramide judiciaire ».
A rappeler que c’est elle qui avait lu, le 5 mars 2019, la déclaration du Conseil constitutionnel proclamant Macky Sall comme vainqueur définitif de la présidentielle du 24 février de la même année. Il a été relevé un léger changement par rapport aux résultats donnés, auparavant, par la Commission nationale de recensement des votes. En effet, de 2 554 605 voix, soit 58,27% le Président Macky Sall passe à 2 555 426 voix, soit 58,26%. Madame Bousso Fall Diaw repose désormais au cimetière musulman de Yoff où elle a été inhumée, lundi.
Mireille Ndiaye et la prestation de serment de Wade
La magistrate Mireille Ndiaye est la deuxième femme membre du Conseil constitutionnel. Alors Procureur général près la Cour de cassation, elle a été nommée présidente du Conseil par décret n°2002-1163 du 17 décembre 2002 pour terminer le mandat de Youssoupha Ndiaye, nommé ministre des Sports. Elle est reconduite par décret n°2004-1219 du 8 septembre 2004. Un poste qu’elle occupe jusqu’à sa retraite en 2010, remplacée par Cheikh Tidiane Diakhaté. D’ailleurs, crâne rasée et teint clair, sous sa robe de magistrat, sa poignée de main restera l’une des images fortes de l’investiture d’Abdoulaye Wade, en 2007. Elle est connue pour avoir été la seule femme, ancienne présidente du Conseil constitutionnel, à avoir reçu la prestation de serment d’un président de République entrant. L’ex-épouse de Fara Ndiaye, ancien député du Parti démocratique sénégalais (Pds) a tiré sa révérence à Lomé (Togo) en 2015, laissant derrière elle 43 ans de service.
Auparavant la haute magistrate sénégalaise d’origine allemande et togolaise a été juge suppléante au Tribunal de première instance de Dakar, puis avocate générale près la Cour d’Appel de Dakar, avocate générale près la Cour Suprême. Par la suite, la diplômée en Droit de l’université de Paris a cumulé les postes de présidente de la Chambre pénale de la Cour de cassation sénégalaise et d’inspectrice générale des tribunaux.
A rappeler que Mireille Ndiaye est la mère de Sibeth Ndiaye, la conseillère en communication d’Emmanuel Macron pendant la campagne électorale 2016-2017. Elle fut par la suite conseillère presse pour les affaires nationales du président français puis porte-parole du gouvernement avant de se retirer définitivement de la politique en 2020.
Marie-José Crespin, du marteau de juge aux perles rares
La magistrate Marie-José Crespin est la première femme à avoir siégé au sein du prestigieux Conseil constitutionnel. Elle est nommée membre de ladite juridiction par décret présidentiel n°92-919 du 17 juin 1992. Elle est née au Bénin d’un père métis de Saint-Louis et d’une mère française. Descendante de « signares » (bourgeoises métisses durant l’époque coloniale), cette dame à la chevelure de neige compte des ancêtres parmi les premiers Français venus s’installer dans l’ancienne capitale du Sénégal, en 1790. Chez elle, le droit est un héritage familial. Son père, Alain, était avocat à la Cour de Cassation de Paris, son grand-père, Germain, avait été chargé d’installer la justice au Dahomey, son arrière-grand-père Jean-Jacques, fut l’un des premiers conseils commissionnés (avocats) du Sénégal, et le père de ce dernier, Germain, fut assesseur au tribunal de Saint-Louis. Et son frère, Yves Crespin, avocat au barreau de Paris, poursuit la tradition familiale.
Mais c’est à Gorée, où elle habite depuis vingt-trois ans, que Marie-José Crespin a choisi de se consacrer. C’est elle qui fut à l’initiative de « Portes ouvertes sur les cours et ateliers de Gorée » en juin 2003. Une opération destinée à faire connaître le patrimoine intérieur de l’île ainsi que ses artistes plasticiens. L’ex-magistrate s’engage également pour la protection de la nature de Gorée, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Elle aurait aimé être archéologue, elle est devenue créatrice de bijoux. Elle redonne vie aux perles du néolithique, à celles de l’époque médiévale et à d’autres encore, plus contemporaines. Collectionneuse de perles rares, elle réalise avec soin et minutie des créations uniques.
Monument de l’histoire sénégalaise, elle reste secrète et simple.
« Le Soleil »