La cardiopathie ischémique est une atteinte cardiaque sérieuse qui peut entraîner des conséquences graves : infarctus, mort subite… Elle nécessite ainsi une prise en charge médicale urgente. Comment se manifeste t-elle ? Quels sont les traitements ? Le point avec le Dr.Florian Zores, cardiologue.SOMMAIRE
- Définition
- • Cardiopathie ischémique chronique
- • Cardiopathie ischémique stentée
- • Cardiopathie ischémique pontée
- • Cardiopathie ischémique tritronculaire
- Causes
- Symptômes
- Diagnostic
- Seuil transfusionnel
- Prévention
- Traitements
- Complications
Définition
Une cardiopathie est une atteinte du cœur responsable d’une altération de son fonctionnement. L’ischémie est un défaut d’oxygénation des cellules, en général secondaire à un rétrécissement ou une occlusion d’une ou plusieurs artères. « La cardiopathie ischémique est donc une altération du fonctionnement cardiaque secondaire à un défaut d’oxygénation des cellules musculaires cardiaques (cardiomyocytes). La baisse de l’apport en oxygène aux cellules cardiaques entraîne une perte complète ou partielle de la capacité de contraction et de relaxation du muscle cardiaque (myocarde) » explique le Dr.Florian Zores, cardiologue. Le rétrécissement des artères coronaires, responsable de la diminution de l’écoulement sanguin et donc de l’oxygénation cardiaque, est en général secondaire à l’athérosclérose coronaire ; le rétrécissement (sténose) est plus ou moins diffus, plus ou moins brutal et plus ou moins complet. L’interruption complète de la circulation coronaire par un thrombus (caillot), entraînant une ischémie prolongée, mène à la nécrose du muscle cardiaque : c’est l’infarctus du myocarde. « Parmi toute les cardiopathies, la cardiopathie ischémique est la plus fréquente. On considère qu’elle est responsable de la moitié des insuffisances cardiaques« signale le cardiologue.
• Cardiopathie ischémique chronique
La cardiopathie ischémique chronique est l’atteinte du fonctionnement cardiaque secondaire à une atteinte diffuse et chronique du réseau artériel coronaire et/ou à la conséquence d’un ou plusieurs infarctus du myocarde. Elle peut se manifester par des douleurs thoraciques à l’effort (angine de poitrine) et/ou par une altération de la contraction du muscle cardiaque (insuffisance cardiaque)
• Cardiopathie ischémique stentée
Le stent est une endoprothèse artérielle, un dispositif métallique tubulaire placé dans une artère afin de la garder ouverte, classiquement comparé à un « ressort ». Afin d’ouvrir une artère occluse ou rétrécie, on réalise une angioplastie (dilatation de l’artère) à l’aide d’un ballon. Le risque de cette technique est celui de la resténose (récidive de sténose) plus ou moins précoce. La mise en place d’un stent dans une artère qui vient d’être angioplastiée permet de sensiblement diminuer le risque de resténose. Comme il s’agit d’un matériel étranger, les stents exposent à un risque accru de formation de thrombus (caillot). Un traitement diminuant le risque de formation de caillot est donc indispensable dans les mois qui suivent la pose d’un stent. Le stent est habituellement posé suite à un infarctus du myocarde. Plus rarement, un ou plusieurs stents peuvent être implantés en cas de maladie coronaire chronique.
• Cardiopathie ischémique pontée
Le pontage aortocoronaire est un acte de chirurgie cardiaque qui consiste à contourner une artère coronaire occluse ou sévèrement rétrécie grâce à un autre vaisseau, permettant ainsi au muscle cardiaque d’être correctement irrigué. Le pontage peut être réalisé avec des segments d’artères (on utilise des artères du thorax) ou des segments de veine (prélevés au niveau des jambes). Le geste est réalisé après ouverture du thorax au niveau du sternum, soit sur coeur battant, soit sur coeur arrêté avec circulation extracorporelle. Le nombre de pontages réalisés au cours de l’intervention (monopontage, double pontage, triple pontage, etc…) dépend du nombre d’artères atteintes et du nombre de sténoses. La durée de la chirurgie est en moyenne d’une heure par pontage. Les pontages sont en général réalisés quand l’atteinte des artères coronaires est sévère. « Le choix entre pontage ou stent résulte d’une discussion entre cardiologues et chirurgiens et prend en compte de nombreux paramètres dont le nombre, la localisation et la sévérité de l’atteinte coronaire, la fonction cardiaque et les autres maladies dont souffre le ou la patient.e. » précise le Dr. Zores.
• Cardiopathie ischémique tritronculaire
« Le muscle cardiaque est irrigué par trois artères : une artère coronaire droite, et deux artères coronaires « gauches » (l’artère interventriculaire antérieure et l’artère circonflexe) qui naissent d’une artère unique (le tronc commun) » explique le Dr. Zores. Ainsi, une atteinte coronaire tritronculaire est une atteinte significative des trois artères coronaires simultanément.
Causes
« La maladie coronaire, responsable de la cardiopathie ischémique, est dans la quasi totalité des cas secondaire à l’athérosclérose, c’est à dire l’envahissement de la parois des artères par du cholestérol, des sucres, des plaquettes, des macrophages, du calcaire, du fibrinogène, etc… » résume le Dr. Zores.
Les facteurs de risque de l’athérosclérose sont bien connus. Certains ne sont pas modifiables :
- Une prédisposition génétique : avoir un parent qui a fait un infarctus avant 55-60 ans augmente son propre risque de faire un infarctus
- Le sexe masculin : les hommes sont davantage touchés
- L’âge : le risque de maladie coronaire augmente avec l’âge
- D’autres facteurs peuvent être pris en charge et doivent être maîtrisés :
- L’hypercholestérolémie (excès de cholestérol dans le sang)
- Le diabète
- L’obésité
- L’hypertension artérielle
- Le tabagisme
- La sédentarité
- Le stress
« Un certains nombre de ces facteurs de risque sont, en plus ou moins grande partie selon les individus, la conséquence d’une alimentation déséquilibrée, trop riche en graisse, en sucre et en protéines » explique le Dr. Zores.
Symptômes
La cardiopathie ischémique peut s’exprimer de différentes manières :
- La forme la plus aiguë est l’occlusion d’une artère coronaire, responsable de l’arrêt de l’oxygénation cardiaque et donc de la nécrose du muscle cardiaque. C’est l’infarctus du myocarde. Les symptômes sont classiquement une douleur au centre de la poitrine, à type d’étau, de serrement ou de pression intense, angoissante, pouvant irradier vers le bras gauche et/ou la mâchoire, parfois associée à un essoufflement, des palpitations ou un malaise, survenant brutalement et ne cessant pas. Une telle douleur durant plus d’une vingtaine de minute doit faire appeler le 15.
- Si les artères ne sont pas occluses mais rétrécies, la diminution de l’apport sanguin n’est symptomatique qu’en cas d’effort. La douleur thoracique ressemble à celle de l’infarctus, mais n’apparaît que lors des efforts (activité physique, digestion, froid) et disparaît à l’arrêt de l’effort. C’est l’angine de poitrine ou angor d’effort. La consultation rapide chez un médecin est impérative.
- La diminution de l’oxygénation des cellules cardiaques entraîne une altération des capacités de contraction myocardique. La capacité de pompe du cœur est altérée, et le sang circule moins bien dans le corps. C’est l’insuffisance cardiaque. Les symptômes habituels sont rassemblés sous l’acronyme EPOF : Essoufflement pour des efforts peu importants, Prise de poids rapide, œdème au niveau des mollets puis des jambes voire des cuisses, fatigue inhabituelle.
- Enfin, en raison du manque d’oxygène, les cellules cardiaques sont plus facilement sujettes à des troubles du rythme. La manifestation de la cardiopathie ischémique peut ainsi être un trouble du rythme cardiaque grave, responsable d’une mort subite…
Diagnostic
« Les diagnostics d’angor d’effort et d’infarctus peuvent être suspectés dès l’interrogatoire du patient si le tableau est typique » explique le Dr. Zores. « Néanmoins des examens complémentaires sont en général nécessaires pour confirmer le diagnostic et guider la prise en charge » ajoute-t-il.
- L‘électrocardiogramme (ECG) permet à lui seul de confirmer le diagnostic d’infarctus. Il n’est pas toujours normal en cas de cardiopathie ischémique chronique, mais il est rarement suffisant pour confirmer l’existence d’une ischémie en dehors du contexte de l’infarctus.
- L’échographie cardiaque permet d’analyser la contraction cardiaque pour mettre en évidence une baisse de la capacité de contraction du coeur évoquant une insuffisance cardiaque, et/ou des parois cardiaques dont la contraction est diminuée du fait de l’ischémie. L’examen peut néanmoins être normal si l’ischémie n’existe que lors des efforts.
- Le test d’effort (épreuve d’effort) est un ECG enregistré en continu pendant que le patient réalise un effort physique. Le but est de déclencher, lors de l’effort physique, une ischémie, qui se traduira par des douleurs et par des modifications du tracé de l’ECG.
- La scintigraphie myocardique de stress ou d’effort consiste à l’injection d’un produit faiblement radioactif qui va se fixer sur les parties du coeur qui sont oxygénées. Si le traceur ne se fixe pas, cela sous-entend que le réseau artériel est malade. L’examen est d’abord réalisé après un test d’effort, puis une deuxième acquisition est réalisée quelques heures plus tard, au repos. La comparaison des images à l’effort et au repos permet de confirmer l’existence d’une ischémie ou d’une nécrose, et d’en préciser le siège et l’étendue, ce que ne peut pas faire le test d’effort simple.
- Sur le même principe, l’échocardiographie de stress ou d’effort est une échocardiographie réalisée concomitamment à un effort ou à l’injection d’un produit qui stimule le cœur pour mimer un effort. L’analyse du mouvement des parois et de l’intensité des contractions permet alors de suspecter l’existence d’une ischémie, d’en préciser la localisation et l’étendue.
- La coronarographie est l’examen de référence pour analyser l’anatomie des artères coronaires. Il permet de visualiser l’importance et l’étendu des rétrécissements et des occlusions. Le traitement éventuel de ces occlusions peut être envisagé lors du même examen.
- L’IRM cardiaque permet d’analyser finement la contraction cardiaque et de visualiser les séquelles d’infarctus. La recherche d’ischémie est également possible.
- Le scanner coronaire permet d’étudier l’anatomie coronaire, au même titre que la coronarographie, mais de manière moins invasive ; mais évidemment aucun traitement de revascularisation ne peut être réalisé pendant le scanner.
Seuil transfusionnel
Les globules rouges transportent l’oxygène. L’anémie est un manque de globules rouges qui se diagnostique par la mesure du taux d’hémoglobine dans le sang. Plus l’anémie est sévère et d’installation rapide, plus le manque d’oxygène au niveau cellulaire est important. La transfusion sanguine permet d’apporter de nouveaux globules rouges afin d’assurer le transport en oxygène.
Les niveaux d’hémoglobine à partir desquels une transfusion est recommandée chez le patients souffrant d’une cardiopathie ischémique sont très variables et dépendent de la vitesse d’installation de l’anémie (aiguë ou chronique), de la nature de la cardiopathie ischémique (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, etc.) et de l’épisode de soin (chirurgie, réanimation, etc.).
Prévention
« La prévention de la cardiopathie ischémique est en fait la prévention de la maladie coronaire. Cette prévention repose sur le contrôle et la limitation des facteurs de risque » explique le Dr. Zores :
- Ne pas fumer. En matière de maladie coronaire, il n’y a pas de « petite cigarette ». Une cigarette par jour entraîne un risque d’infarctus presque similaire à celui d’un demi-paquet…
- Avoir une activité physique régulière : au moins 30 minutes d’activité physique modérée (un niveau d’intensité qui permet de parler mais pas de siffler ou chanter) 5 jours dans la semaine
- Avoir une alimentation équilibrée en évitant les excès en graisses saturées, sucre et sel
- Éviter le surpoids et l’obésité
- Prendre en charge, par des médicaments si nécessaire, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie ou le diabète éventuellement présents.
Traitements
« Le traitement de l’infarctus du myocarde est une urgence absolue, insiste le Dr. Zores. Il consiste en une ouverture de l’artère lors d’une coronarographie grâce à un ballonnet (angioplastie)et pose d’un stent. Plus la revascularisation est tardive, plus les séquelles sur la contraction cardiaque risque d’être importantes. Au delà de six heures d’ischémie, on considère que les chances de récupération du muscle cardiaque sont infimes. En dehors de l’infarctus du myocarde, la revascularisation coronaire est discutée. Les dernières études soulignent que le traitement pharmacologique est prépondérant et que la revascularisation, n’apportant que peu dans la majorité des cas, devrait être réservée aux patients les plus sévères (angor sévère, insuffisance cardiaque, atteinte du tronc commun). Cette revascularisation repose soit sur une ou plusieurs angioplasties, soit sur un ou plusieurs pontages. Il s’agit là de discussion de spécialistes. »
Le traitement chronique de la cardiopathie ischémique est pharmacologique :
- l’aspirine à faible dose permet de fluidifier le sang et diminue le risque de formation de thrombus qui occluraient les artères
- les statines ralentissent la formation des plaques d’athérome et permettent donc une meilleure circulation sanguine
- les traitements anti-ischémiques permettent de maîtriser l’intensité de l’angor voire de le faire disparaitre. Ce sont les bétabloquants, les inhibiteurs calciques ou les dérivés nitrés
- les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) permettent de ralentir la baisse de fonction cardiaque secondaire à l’ischémie
« Les éventuels diabète ou hypertension artérielle seront évidemment également traités » ajoute le Dr. Zores. Et de poursuivre : « La prise en charge non pharmacologique est primordiale pour diminuer le risque de récidive d’infarctus du myocarde ou ralentir la progression de la maladie coronaire. » :
- le sevrage tabagique est indispensable
- la pratique d’une activité physique régulière adaptée est indispensable
- l’équilibre alimentaire avec réduction des apports en sucre et en graisse est primordial
Complications
Les complications de la cardiopathie ischémique ont été abordées plus haut. Ce sont :
- l’infarctus du myocarde
- la mort subite
- l’insuffisance cardiaque
Merci au Dr. Florian Zores, cardiologue.