Les images sont impressionnantes et le symbole fort. À Los Angeles, après plusieurs jours d’affrontements entre police fédérale de l’immigration et manifestants, opposés aux expulsions massives de migrants sans papiers, Donald Trump a décidé de déployer la garde nationale sur le territoire californien. Il emploie la méthode forte, passant outre l’avis du gouverneur. Une première en soixante ans.
Il est très rare qu’un président américain décide de « fédéraliser » la garde nationale, contre l’avis du gouverneur local. Cette force militaire de réserve est habituellement sous contrôle des états fédérés. L’Etat fédéral peut décider de faire intervenir ces mêmes troupes pour son compte, mais la pratique veut que cela se fasse en bonne intelligence avec les autorités locales.
La dernière fois qu’un président décidait de mobiliser cette force pour son compte, contre l’avis du gouverneur, c’était en 1965. Le président Johnson voulait alors forcer l’Etat d’Alabama à appliquer les lois de déségrégation.
La manœuvre de Donald Trump est donc loin d’être anodine. Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de l’Etat de Californie s’est empressé de qualifier l’action du président américain « d’immorale, illégale et inconstitutionnelle« . Elle a en tout cas tout d’un coup de force et d’un bras de fer entre un président républicain et un état fédéré, démocrate.

Qui est Gavin Newsom ?
Démocrate, réputé progressiste, Gavin Newsom, le gouverneur de Californie est une étoile montante du parti démocrate. Il pourrait bien se présenter aux prochaines primaires et est perçu comme un candidat sérieux pour faire face au futur opposant républicain lors de la prochaine élection présidentielle, en 2028.
D’abord maire de San Francisco, le quinquagénaire, cheveux grisonnants et gominés, devient gouverneur de la Californie en 2018. Il obtient 60% des voix face à son rival républicain et prend alors la tête de l’Etat le plus peuplé et le plus puissant économiquement des Etats-Unis, perçu comme très progressiste par le reste du pays.
État sanctuaire
Gavin Newson défend une régulation stricte des armes à feu, l’abolition de la peine de mort ou encore le droit à l’avortement. Mais il est parfois critiqué par son propre camp, qui le juge trop proche de personnalités de droite et trop timoré dans la défense des personnes transgenres (il s’est notamment dit opposé à la participation des femmes transgenres dans les compétitions sportives pour jeunes). Ses détracteurs de gauche lui reprochent aussi sa politique répressive au sujet des campements de sans-abri.
En 2017, la Californie s’est érigée en « État sanctuaire », où les autorités locales ont pris des mesures pour communiquer le moins possible avec les autorités fédérales, au sujet du statut des migrants qui se trouvent sur son sol.

En somme, Gavin Newson est l’antithèse politique de Donald Trump, qui a fait de l’immigration illégale une de ses priorités. Entre les deux hommes, la querelle ne date pas d’hier et l’escalade semble à présent inéluctable.
Alors que dans la rue les esprits s’échauffent, dans les deux camps, le ton est rapidement monté. Tom Homan, le conseiller immigration de Donald Trump est allé jusqu’à menacer de faire arrêter le gouverneur de Californie s’il s’interposait dans la mise en œuvre de la politique fédérale. Une idée applaudie par le Président américain, qui a trouvé l’idée « super » et n’a pas manqué de souligner que selon lui Gavin Newson faisait « un boulot horrible« .
Et l’intéressé de répliquer sur les réseaux sociaux : « Le président des États-Unis vient d’appeler à l’arrestation d’un gouverneur en exercice. […] C’est une ligne que nous ne pouvons pas franchir en tant que nation – c’est un pas incontestable vers l’autoritarisme« . Selon lui, le déploiement de centaines de militaires des Marines assouvit ainsi « le fantasme fou d’un président dictatorial« .
« Nous faisons partie d’une expérience » a de son côté estimé Karen Bass, la maire de Los Angeles. « J’ai l’impression que notre ville est en fait un cas d’école. Un exemple pour voir ce qui se passe lorsque le gouvernement fédéral intervient et retire l’autorité à l’État ou au gouvernement local.«
Suite à ces échanges houleux, le gouverneur a annoncé avoir lancé des poursuites judiciaires contre l’administration de Donald Trump. Il s’agit de la 24e fois que l’État de Californie entame des poursuites contre l’administration Trump, d’après le procureur général de Californie.
Une opportunité pour la présidentielle 2028 ?
Le gouverneur de Californie marque-t-il des points en s’érigeant ainsi en rempart à la politique de Donald Trump ? « Chaque crise politique est une opportunité politique » a estimé Jeff Le, un ancien responsable démocrate auprès du gouverneur Jerry Brown en Californie, interrogé par l’AFP. Selon lui, la situation actuelle à Los Angeles est « un cadeau potentiel pour souligner les différences flagrantes » qui l’opposent à Donald Trump.
« Il est clair que Gavin Newsom tente d’utiliser ce moment pour élever sa position à l’échelle nationale, en se projetant lui-même comme le visage de la résistance démocrate à Donald Trump« , estime de son côté Charlie Kolean, consultant en stratégie politique qui a travaillé pour des candidats républicains, dans une interview donnée à l’AFP.
Une stratégie à double tranchant, puisqu’elle pourrait aussi lui porter préjudice si les électeurs venaient à le considérer comme du côté des fauteurs de troubles. « De manière écrasante, les électeurs souhaitent l’ordre – c’est l’un des thèmes clés sur lesquels Trump a fait campagne et sur lesquels il a largement gagné« , assure Charlie Kolean.
