Depuis le putsch qui a placé Ibrahim Traoré au pouvoir en septembre 2022, le régime burkinabé fait l’objet de critiques pour des cas répétés d’enlèvements et d’arrestations visant des journalistes et des activistes, sur fond d’insécurité persistante liée aux attaques jihadistes.
Des mouvements citoyens, des avocats, des ONG et des militants africains ont publié cette semaine une déclaration conjointe pour dénoncer ce qu’elles qualifient de « répression systématique des voix dissidentes » au Burkina Faso. Le texte signé par une vingtaine d’acteurs engagés dans la défense des droits humains fait suite aux arrestations de plusieurs journalistes et militants ces dernières semaines.
La déclaration revient notamment sur les cas de Guézouma Sanogo et Boukari Ouoba, respectivement président et vice-président de l’Association des Journalistes du Burkina (AJB), arrêtés fin mars quelques jours après avoir dénoncé des atteintes à la liberté de la presse par le pouvoir en place. Le lendemain de leur arrestation, les autorités ont annoncé la dissolution de l’AJB, arguant qu’elle n’existait pas légalement depuis 2019.
Quelques jours plus tard, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux a montré les deux journalistes, ainsi qu’un troisième (Luc Pagbelguem de la chaine de télé privée BF1, Ndlr) en treillis militaire dans ce qui semble être une base de l’armée. « Étant à Ouagadougou, ce qu’on peut faire ce sont des commentaires, des opinions qu’on donne […] La vraie information est sur le terrain : il faut venir toucher du doigt la réalité des populations pour pouvoir en rendre compte » affirment-ils dans la vidéo.
Il n’est toutefois pas possible de vérifier dans quelles conditions ces propos ont été recueillis. Les autorités invoquent un décret de mobilisation générale adopté en 2023, qui permet d’enrôler des civils pour l’effort de guerre. En dehors de ces cas, la déclaration cite aussi la disparition de plusieurs activistes de l’organisation Balai Citoyen, ainsi que des journalistes et personnalités médiatiques portés disparus en 2024.
Les signataires – parmi lesquels AfricTivistes, AfrikaJom Center, le réseau WADEMOS, Article 19 Afrique de l’Ouest, ou encore des militants connus comme Alioune Tine ou Ibrahima Kane – appellent à la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées. Ils demandent la fin des restrictions imposées à l’espace civique et politique, et exhortent le médiateur de la CEDEAO pour l’Alliance des États du Sahel, le président ghanéen John Dramani Mahama, à intervenir d’urgence.
Ces diverses dénonciations surviennent dans un environnement délicat où « une quinzaine de médias, étrangers et locaux, ont été suspendus depuis décembre 2022 » au Burkina Faso selon Reporters sans frontières (RSF). Le 27 avril 2024, plusieurs médias dont TV5 Monde, Ouest France, Le Monde, Deutsche Welle, Agence Ecofin, The Guardian, ou encore Apa News ont été suspendus dans le pays. Au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF, le Burkina Faso a chuté de la 58ᵉ à la 86ᵉ place entre 2023 et 2024.