Il incarnait cette grandeur tranquille que seules les âmes pleinement en paix savent porter. Seydina Mamadou Makhtar Laye, sixième khalife général de la communauté layène, s’est éteint le 9 avril 2025, dans la continuité discrète qui avait façonné toute sa vie. Sa disparition laisse un vide immense, silencieux mais chargé de sens. Celui d’un guide dont la force ne tenait pas à la voix haute, mais à la constance humble, au service de sa foi, de sa communauté, et de l’humanité.
Né vers 1950, fruit de l’union de Seydina Mandione Laye, deuxième khalife du Mahdi, et de Ya Faty Niang, il appartenait à la lignée sacrée du fondateur de la confrérie layène, Seydina Limamou Laye. Mais c’est dans la retenue, non dans la revendication, qu’il portait cet héritage. Formé intellectuellement entre Dakar, le Maroc et la France, il s’ouvrit au monde sans jamais se détourner de la voie tracée par ses aïeux. De 1977 à 1987, il vécut en France, perfectionnant sa maîtrise de l’informatique et des télécommunications, qu’il mit au service de l’Office national des postes et télécommunications, devenu Sonatel.
Mais il fit un choix peu commun : celui du retrait. Là où d’autres auraient cherché à briller, lui préféra s’effacer. Pendant plus de trente ans, il vécut dans la discrétion absolue, reclus dans sa demeure de Cambérène 2, n’en sortant que rarement. Cette solitude n’était ni isolement ni renoncement. Elle était offrande, purification, élévation. Une ascèse spirituelle vécue avec dignité, loin des regards, proche de Dieu.
C’est en août 2021, à la suite du rappel à Dieu de Chérif Abdoulahi Thiaw Laye, que Seydina Mamadou Makhtar Laye accepta la charge de khalife général. Son accession à ce rang ne fut pas une prise de pouvoir, mais une prise de relais. Il assuma cette mission comme un prolongement naturel de sa vie d’engagement intérieur. Il n’y eut ni faste ni éclat, mais une détermination paisible, tournée vers le bien commun.
Dès les premiers jours, il afficha sa vision : développement des villages layènes, renforcement de la cohésion spirituelle, et surtout, maintien de la paix et de la stabilité dans le pays.
Discret mais profondément actif, effacé mais entièrement présent, le khalife portait à la fois les turbans symboliques de la confrérie – noir et blanc – et les signes lumineux de la sagesse. Son humilité, sa loyauté envers ses frères, son ouverture d’esprit forgée à l’étranger mais enracinée dans la foi, ont fait de lui un guide écouté, respecté, aimé sans tapage.
Aujourd’hui, la communauté layène est en deuil. Mais son cœur battra longtemps encore au rythme du souffle discret de ce khalife érudit, humble, et profondément humain. Car certains êtres, même disparus, continuent de parler. Non pas par leurs mots, mais par ce qu’ils ont incarné.