Les insulaires de Kouba, dans les îles Karones, crient au désenclavement de leurs localités. La pirogue reste l’unique moyen pour accéder à ces contrées reculées de la Basse-Casamance pourtant dotées de beaucoup de potentiel sous-exploité. Aujourd’hui, la construction d’un pont est vivement souhaitée par les Karoninqués.
Les îles Karones sont réputées, entre autres, pour leur enclavement. L’île magnifique, propre et vivante de Kouba, perdue dans l’embouchure du fleuve Casamance, ne fait pas exception. Ce coin reculé du Sénégal en Basse-Casamance n’est accessible qu’avec une pirogue. Si l’on vient de Kafountine-commune dont dépend Kouba, il faut passer par le village de Kassel, prendre une pirogue, traverser une végétation verdoyante de mangrove à travers des bolongs débouchant sur le fleuve Casamance et atteindre l’île de Hillol. De là, les motos tricycles ou les motos Jakarta, seuls moyens de locomotion, vous conduiront à Kouba en traversant bien entendu le village de Hillol.
La piste qui mène à Kouba, longue de plus de 10 km, est chaotique, étroite, sablonneuse par endroits ou boueuse, selon la saison. S’y ajoute le phénomène naturel des marées qui dictent leur loi. La malchance, c’est quand on arrive pendant la marée basse où l’eau de mer se retire des bolongs pour se jeter dans le fleuve. «Quand la marée est basse, les passagers sont obligés de descendre de la pirogue qui ne peut pas avancer jusqu’à l’embarcadère. Et donc on retrousse son pagne ou son pantalon et on marche dans l’eau jusqu’à la sortie ou jusqu’à atteindre la pirogue. On n’a pas d’autre choix pendant la marée basse», confient les habitués de ce trajet.
La pêche, le maraîchage, la récolte du vin et la fameuse activité de conduite de Jakarta ou de tricycle sont les principales activités qui s’offrent à la jeunesse de Kouba privée de perspectives plus joyeuses.
«Notre souci principal dans les îles, c’est l’enclavement. On a vraiment besoin que la localité soit désenclavée pour nous rapprocher de la terre continentale, mais également pour faciliter l’accessibilité. Vous avez vu les conditions dans lesquelles vous avez voyagé, l’accès est difficile alors qu’il y a beaucoup de potentiels dans nos terroirs. Il est vrai que nous sommes des insulaires, mais nous avons une superficie de 9 km2. Nous avons des ressources forestières, mais aussi halieutiques. Le problème d’enclavement fait qu’on ne peut pas exploiter convenablement toutes ces ressources», a développé Tous-saint Sambou, président de la jeunesse de Kouba et de l’association «Kouba Kambeng» qui réunit la population locale et de la diaspora. Les infrastructures sociales de base ne manquent pas à Kouba. Son école a été rénovée et l’île est dotée d’un poste de santé avec une maternité équipée. Case de santé à l’origine, le poste de santé qui polarise les populations de toutes les îles Karones est dépassé par la demande au fil du temps. «Les locaux sont devenus exigus. Nous voulons une extension pour que cela réponde aux normes d’un poste de santé», a plaidé M. Sambou. Aussi la maternité, «très bien équipée», n’a pas de sage-femme.
«On peine à trouver une sage-femme. Il y a l’échographie ici, mais les femmes sont toujours référées à Kafountine ou ailleurs pour les consultations prénatales ou les accouchements», se désole Toussaint Sambou. L’autre manquement pour les insulaires, c’est de s’approvisionner en produits de grande consommation. «Nous avons une boutique villageoise.
Malheureusement, elle ne fonctionne pas. Nous demandons à ce que la boutique soit réactivée pour qu’elle puisse constituer un poumon économique et éviter aux gens les déplacements jusqu’à Kafoun-tine ou ailleurs pour s’approvisionner», sollicite le président de la jeunesse de Kouba.
Les insulaires réclament un pont
La mobilité au niveau de la traversée Hillol-Kassel ne pose pas problème. Deux passeurs se relaient quotidiennement. Leur descente dépend de la disponibilité des clients. Ils servent du petit matin jusqu’à 19 heures, et même au de-là en cas de commande ou d’urgence. «Même si une seule personne se présente, on peut l’amener, la disponibilité ne pose pas problème.
Par contre, il y avait une digue au niveau du petit bolong, un peu avant d’atteindre le fleuve. Malheureuse-ment, elle s’est détériorée. On n’a pas pu la réfectionner. Du coup, quand la marée est basse, on est obligés de patauger, et ceux qui ont des motos calculent la marée. Ils ne peuvent traverser qu’en marée haute. Ce qui constitue une difficulté majeure», a témoigné Toussaint Sambou. Il poursuit : «A défaut de la digue, et nous l’avons toujours sollicitée d’ailleurs, nous réclamons la construction d’un pont. C’est ce qui peut désenclaver la zone véritablement. Même si ce n’est pas un pont où peuvent passer des véhicules, mais un pont comme dans les îles du Saloum, à Joal par exemple. Il y a des endroits beaucoup plus proches où on peut construire ce pont sans difficulté. L’espace de la mangrove-là, la traversée n’est pas profonde. Donc ils peuvent construire une route jusqu’à l’étendue du fleuve et puis construire un pont pour la traversée.» Celle-ci coûte 200 francs Cfa par personne. Le prix de la moto est de 1000 francs Cfa.
Besoin d’une unité de transformation de produits locaux
Les femmes du village ont bénéficié d’une formation en transformation des produits locaux. Cependant, elles sont confrontées à des problèmes de production et même d’unité de production. «Nous avons la formation, mais nous n’avons pas d’unité de transformation pour faire la pratique de ce qu’on nous a appris. Nous venons de commencer, mais nous manquons de matériels de transformation. Nous n’avons pas de gaz, pas de fourneaux. Nous sommes obligées d’emprunter le gaz et nous remboursons aux propriétaires, quel que soit le temps que nous l’avons utilisé», a expliqué Marceline Sambou.
Le financement aussi fait défaut pour passer sérieusement à la pratique. «Nous sommes bloquées dans notre élan par le manque de matériels, d’unité et de financement», a insisté la présidente des femmes du village de Kouba. Avant de bénéficier de cette formation, les femmes œuvraient dans la culture maraîchère. Mais là aussi, les problèmes ne manquent pas. Le surplus de production qui devait être vendu pourrit le plus souvent à cause de l’enclavement de l’île. «Nous consommons une partie, mais nous perdons beaucoup de produits qui pourrissent. Nous ne pouvons pas consommer tout ce que nous produisons et nous n’avons pas encore de moyens pour acheminer les produits ailleurs pour les vendre. La zone est enclavée. Notre principal marché d’écoulement des produits, c’est à Kafountine, c’est là-bas qu’il y a un grand marché. Vous avez vous-même constaté l’état de la route. Et c’est encore pire pendant l’hivernage, tu ne sais même pas comment faire pour sortir d’ici. A partir des mois de juin, juillet et août, nous prenons juste le risque d’aller satisfaire nos besoins et revenir. La route est un problème majeur pour nous. Sinon, il y a tout ici. Notre problème, c’est le déplacement», persiste Mme Sambou.