L’élaboration de la loi de finances 2025 à partir des évolutions favorables de celle de 2024 alors qu’ils ont produit un déficit abyssal fait grincer des dents dans les régies financières. Ce procédé rompt, aux yeux de certains agents de l’administration, avec les bonnes pratiques qui devraient objectivement exposer entre autres la méthode d’estimation des recettes potentielles pour 2025 et la méthode de calcul des recettes effectivement perçues en 2024. En conséquence, selon eux, le budget 2025 donne l’image d’une comédie dramatique et pathétique.
Faut-il préférer l’immobilisme en 2025 ? C’est l’interrogation que se posent des agents de l’administration et des régies financières. Dans un long texte, ces agents de l’Etat, tenus par le devoir de réserve, ont fait état de leur désenchantement quant à la rupture tant chantée par le tandem au pouvoir.
Dans le texte intitulé “La mobilisation des ressources budgétaires 2025 face au désenchantement dans les régies financières ou le budget 2025, au-delà des chiffres, la désillusion”, ils remarquent d’emblée que le temps brumeux de cette fin d’année traduit parfaitement le moral dans les chaussettes des ménages et des investisseurs toujours frileux, et goorgoorlu à fond de cale. Sous ce rapport, ils ont salué la déclaration de politique générale du Premier ministre qui, à les en croire, a mis en lumière les grandes lignes du PROJET mettant fin ainsi à une longue “période politique” pour se consacrer exclusivement à la République
Toutefois, ils digèrent mal l’absence de débat parlementaire sur les belles perspectives de 2024 qui ont produit un déficit abyssal. Ce débat aurait permis aux nouveaux élus surtout ceux de la majorité de s’interroger sur les origines de ces contreperformances. La question se pose à la lecture de l’exposé des motifs de la loi de finances de 2025 votée par procédure spéciale ce 28 décembre 2024, ont ils insisté.
“Ceux qui ont préparé le budget 2024, les mêmes pour celui de 2025, ignoraient-ils le caractère fantaisiste des prévisions ? Ne maîtrisaient-ils pas la réalité économique du pays ou bien ont-ils juste exécuté une commande politique en se “départissant” de leur objectivité pour lisser les chiffres du budget d’une année électorale ? Aussi, expliquer aux sénégalais comment les emprunts de tous ordres négociés en bons termes ont pu voir leurs charges d’intérêts augmentées de façon significative ? Quelles sont les causes réelles des contreperformances des services du MFB ? Quelles sont les réformes prévues en 2024 et qui n’ont pas été mises en œuvre ? Qui en sont les acteurs et qui sont les responsables identifiés (services et personnes) de leur réalisation ? s’interrogent ces agents de l’Administration.
Poursuivant, ils ajoutent :“Pour que les prévisions de 2025 soient prises au sérieux, il aurait fallu, comme le recommandent les bonnes pratiques, exposer objectivement la méthode d’estimation des recettes potentielles pour 2025 ; la méthode de calcul des recettes effectivement perçues en 2024 et les méthodes de présentation des écarts constatés. Il ne fait pas de doute que l’année 2025 débutera dans la continuité de 2024, c’est-à-dire la morosité économique”. Selon ces agents de l’Administration, le défaut de justification convaincante de ces manquements donne au budget de 2025 les faisceaux d’un manque de transparence. “L’absence de débat lors du vote du budget 2025 en est la preuve. Ces manquements ont fait bondir les charges financières de la dette en 2025”, ont-ils fait remarquer.
“Un budget 2025 à l’image d’une comédie dramatique et pathétique”
Au vu de la gravité des faits, en France, pour moins que ça, l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et numérique Bruno Le Maire et son premier ministre Gabriel Attal ont été attraits devant la Commission d’enquête parlementaire sur les finances publiques pour s’expliquer relativement aux profonds gaps constatés entre les prévisions de recettes et les réalisations effectives qui ont eu pour conséquences de creuser le déficit public historique avec un endettement jamais atteint, font-ils noter.
“Par contre, au Sénégal, on a fait comme si rien ne s’est passé malgré toutes les diatribes contre le régime de Macky Sall concernant la gestion des finances publiques ces douze dernières années, table rase et silence des nouveaux élus du peuple”, s’indignent ces Agents de l’Administration et des régies financières non sans réjouir: “ Devant l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre Ousmane Sonko reconnaît que “la fiscalité est le maillon le plus important de la politique budgétaire. Cependant, le Sénégal peine à mobiliser de manière optimale les recettes fiscales, principal instrument de financement souverain.”
Cependant, ils regrettent des solutions d’amélioration qui ne proposent qu’à taxer davantage sans s’intéresser aux structures opérationnelles chargées de mobiliser les ressources budgétaires. “Et c’est un aspect béant de l’insuffisance de cette fiscalisation à outrance. Ce qui donne au budget 2025 l’image d’une comédie dramatique et pathétique”, ont-ils relevé. Malheureusement, toutes ces prévisions fantaisistes ont été corrigées, par la loi de finances votée, le 24 décembre 2024, sur le plan comptable “avec des éloges dithyrambiques aux auteurs de toute cette gangrène de la dette avec les intérêts onéreux pour les contribuables et les générations futures des travailleurs-consommateurs”. Pire, ajouteront-ils, les arguments servis dans le projet de budget 2025 n’expliquent pas exclusivement le déficit budgétaire abyssal et les contreperformances des services du MFB dans la mobilisation des recettes entraînant par ricochet l’augmentation du niveau préoccupant de la dette publique du Sénégal et des charges du personnel de l’Administration en forte hausse, alors que les services rendus aux populations sont les plus exécrables.
Mais, pour deux raisons au moins, relève-t-on dans la note, la réalité rattrapera très vite le pouvoir en place. Il s’agit de la persistance de la morosité économique durant tout le premier trimestre de 2025 avec un impact élevé sur la productivité des entreprises, l’emploi salarié en stagnation, la consommation des ménages au plus bas avec une inflation toujours en hausse et la confiance des investisseurs. La conséquence immédiate, dira-t-il, est un repli des recettes fiscales. L’autre raison invoquée, c’est l’impact négatif des défaillances dans le management global des services qui ont fini de démoraliser et démobiliser les agents. Ces grands défauts, pointent-ils, sont les conséquences d’une gestion toxique et catastrophique des ressources humaines, et la persistance des mauvaises pratiques administratives.
« Le rêve de voir la politisation a outrance de postes techniques et administratifs s’estomper s’est revele etre un vrai mirage »
Mais, au-delà des chiffres, la gestion des services chargés de la mobilisation des recettes et de l’exécution des dépenses budgétaires souffre, selon eux, de réelles insuffisances managériales. “La gestion des services souffre du management malveillant avec la gangrène du népotisme à travers une gestion affective et relationnelle du personnel jusqu’au foyer familial, du copinage, de l’ostracisme, de la « placardisation» des «talents refusant de se salir les mains » avec le positionnement des proches aux postes stratégiques et la promotion des nouveaux convertis à la « confrérie Pastef », anciens détracteurs acerbes, vindicatifs et dénonciateurs devenus laudateurs, flatteurs et thuriféraires. Ces pratiques inhibant la motivation des agents sont masquées par la mise en œuvre de stratégies de maintien avec l’appui des responsables influents de « Pastef” qui sont les nouveaux «faiseurs de roi ou protecteurs», dénoncent les agents.
En définitive, les agents notent que le rêve de voir la politisation à outrance des postes techniques et administratifs s’estomper s’est révélé être un vrai mirage. Pire, l’année 2025 s’annonce, d’après eux, sous le signe du maintien des hommes et des mauvaises pratiques administratives avec un ministre décrit comme distant et méprisant, maculé par l’ancien système et ayant du mal à se réinventer et à donner une nouvelle impulsion, à réformer en profondeur ses services et les procédures administratives désuètes. À les en croire, une telle absence de perspectives donne le tocsin aux nombreuses promesses, face à l’ampleur inédite du déficit budgétaire et des nombreuses attentes des citoyens. “Les nouvelles autorités ne peuvent pas se permettre de rester placides. La stratégie de non-décisions aura nécessairement un coût social et économique préjudiciable. Après le discours de vœux du Président Diomaye ce 31 décembre 2024, l’espoir d’un changement réel n’est pas encore perdu, seulement il faut prier qu’il ne soit définitivement englouti par les interminables commissions annoncées”, ont-ils conclu.