Face à une crise énergétique qui menace de redéfinir son avenir industriel, l’Europe explore des alternatives pour maintenir sa compétitivité. Et si l’Afrique, avec son potentiel unique et sa dynamique de croissance, détenait la clé d’un renouveau industriel pour les deux continents ?
Depuis 2022, la flambée des prix du gaz et de l’électricité, alimentée par la guerre en Ukraine et les tensions autour des approvisionnements russes, a fragilisé les secteurs stratégiques de l’Europe. Les coûts de l’énergie, bien qu’à présent stabilisés, restent deux à trois fois plus élevés que ceux observés en Chine ou aux États-Unis, menaçant la compétitivité de l’industrie européenne. En 2023, les industriels européens ont payé leur électricité 110 dollars par mégawattheure (MWh), un niveau insoutenable pour les industries énergivores comme la chimie, l’acier ou l’aluminium. Entre 2019 et 2023, 853 000 emplois industriels ont disparu dans l’Union européenne, selon l’Institut syndical européen (ETUI).
Une alternative émergente : l’Afrique
Historiquement, les entreprises européennes se sont tournées vers l’Asie pour réduire leurs coûts de production. Mais un nouveau partenaire commence à s’imposer dans cette équation : l’Afrique. Doté d’abondantes ressources naturelles et énergétiques, le continent présente un potentiel stratégique inégalé. Ses réserves de gaz naturel au Nigeria, en Algérie, en Égypte et au Mozambique, combinées à son potentiel en énergies renouvelables dans des pays comme le Maroc, l’Afrique du Sud ou le Kenya, offrent une opportunité unique de produire une énergie abordable et durable.
Collaborer avec l’Afrique dépasse la logique de simple délocalisation. En finançant des centrales hydroélectriques, des fermes solaires ou des réseaux énergétiques intelligents, les entreprises européennes pourraient non seulement réduire leurs coûts, mais aussi contribuer à l’électrification de régions encore sous-desservies en Afrique. Cette approche favoriserait la création de valeur ajoutée sur place tout en sécurisant des approvisionnements énergétiques durables pour l’Europe.
Un marché en forte croissance
L’Afrique représente également un marché intérieur prometteur. Avec une population jeune et dynamique qui devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, le continent est appelé à devenir une locomotive de la demande mondiale. En transformant sur place les ressources locales, les entreprises européennes pourraient renforcer leurs chaînes d’approvisionnement, réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Asie ou du Moyen-Orient et stimuler l’emploi et la croissance en Afrique.
Les populations africaines pourraient également tirer des bénéfices majeurs de cette collaboration. En attirant des investissements massifs, l’Afrique pourrait accélérer son développement économique, créer des millions d’emplois locaux et bénéficier de transferts de technologies indispensables à l’industrialisation de son économie.
Des exemples concrets illustrent déjà ce potentiel. Renault à Tanger et Peugeot à Oran produisent pour les marchés européens en tirant parti de la proximité géographique et des coûts compétitifs de l’Afrique du Nord. Les secteurs du textile et de l’électroménager suivent une tendance similaire avec des investissements en Tunisie et en Égypte.
Les défis à relever pour une prospérité mutuelle
Pour que l’Afrique joue pleinement ce rôle, il faudra surmonter plusieurs obstacles majeurs. L’instabilité politique, les infrastructures insuffisantes et les barrières réglementaires continuent de freiner les investissements. Si l’Afrique du Nord semble mieux positionnée grâce à ses infrastructures et à sa proximité de l’Europe, les pays d’Afrique subsaharienne doivent surmonter des risques géopolitiques persistants pour attirer davantage d’entreprises.
Pour maximiser cette collaboration, les gouvernements africains doivent offrir des cadres réglementaires attractifs, développer des infrastructures adaptées et favoriser la formation d’une main-d’œuvre qualifiée. De leur côté, les entreprises européennes doivent adopter une stratégie d’engagement à long terme, combinant transferts technologiques, partenariats avec les acteurs africains et projets innovants.
En explorant le potentiel africain, l’Europe pourrait non seulement contrer sa désindustrialisation, mais aussi poser les bases d’une prospérité mutuelle. Investir dans des solutions énergétiques et industrielles en Afrique offre une chance unique de renforcer des liens stratégiques et de construire un modèle de développement durable pour les deux continents. C’est maintenant qu’Europe et Afrique doivent saisir cette opportunité historique pour bâtir un avenir commun