« CONTRIBUTION: Moussa Sow Thiam Communicant enquêteur »
La situation économique actuelle du Sénégal, telle que décrite par le Premier ministre Ousmane Sonko, révèle des inquiétudes croissantes sur la transparence des finances publiques, la viabilité de l’endettement et la confiance des partenaires internationaux.
Cette situation s’inscrit dans un contexte plus large de défis économiques et politiques, souvent observés dans des pays en développement, où la stabilité financière et la crédibilité des institutions sont constamment scrutées par les investisseurs et les bailleurs de fonds. Analysons les implications et les potentielles conséquences de ce contexte.
- Déficit Budgétaire et Endettement : Véracité et Transparence
Ousmane Sonko a pointé du doigt un décalage inquiétant entre les chiffres d’endettement annoncés officiellement et ceux qu’il considère comme réels. Si ces accusations de falsification des écritures publiques s’avèrent fondées, elles pourraient sérieusement compromettre la crédibilité du Sénégal sur la scène internationale, notamment vis-à-vis des institutions telles que le Fonds monétaire international (FMI). Les investisseurs ont besoin de transparence et de confiance avant de s’engager, et des données fausses pourraient non seulement réduire l’accès aux financements internationaux, mais aussi entraîner des sanctions ou un retrait des partenariats.
Le ministre de l’Économie a tenté de rassurer les partenaires en affirmant que “la signature du Sénégal ne devrait pas inquiéter”. Toutefois, pour que cette déclaration soit crédible, il est nécessaire d’adopter des mesures concrètes de transparence, comme des audits financiers indépendants, et de maintenir une communication régulière avec les parties prenantes. Le ministre de la Justice a également indiqué que la justice ferait son travail “dans le respect des principes”, soulignant ainsi la volonté du gouvernement de rétablir la confiance publique et internationale.
- Conséquences d’une Situation d’Endettement Élevé
Avec un endettement estimé à 83,7 % du PIB, le Sénégal s’approche dangereusement de la limite critique fixée par les institutions financières internationales, généralement de 70-75 % du PIB pour des économies en développement. Un tel niveau d’endettement présente plusieurs risques :
• Augmentation des coûts de financement : Plus l’endettement est élevé, plus les taux d’intérêt augmentent, rendant le service de la dette plus coûteux et alourdissant le budget de l’État.
• Diminution des capacités d’investissement public : Un endettement élevé limite les capacités du gouvernement à investir dans des secteurs essentiels tels que les infrastructures, la santé et l’éducation, ce qui peut freiner la croissance économique.
• Impact social et politique : La suppression de subventions, souvent adoptée dans le cadre de mesures d’ajustement budgétaire, peut susciter des mécontentements populaires et des tensions sociales, surtout si ces subventions concernent des biens de première nécessité comme l’énergie et les produits alimentaires.
- Impact sur les Partenaires Internationaux et le Fonds Monétaire International
Dans ce contexte, le recours au FMI pourrait être une option pour aider à stabiliser la situation économique. Cependant, ce type de soutien est généralement assorti de conditions strictes visant à rétablir l’équilibre budgétaire, telles que la réduction des subventions et l’augmentation des recettes fiscales.
Ces réformes, bien qu’essentielles pour restaurer la stabilité macroéconomique, risquent de provoquer des tensions sociales en raison de leur impact direct sur le niveau de vie des populations. Le Sénégal doit donc s’efforcer de préserver sa crédibilité en mettant en œuvre des mesures pour améliorer la transparence financière et en renforçant ses institutions afin de minimiser le besoin de recourir à des ajustements trop brutaux.
- Est-ce une Bonne ou Mauvaise Chose pour le Sénégal ?
La situation actuelle présente à la fois des défis et des opportunités :
• Négative : Les accusations de falsification des comptes publics et le niveau d’endettement élevé sont des signaux inquiétants qui risquent de miner la crédibilité du Sénégal et de limiter sa capacité à accéder aux financements internationaux. Le recours à des conditionnalités du FMI peut également avoir des répercussions négatives sur le plan social, notamment pour les populations les plus vulnérables.
• Positive : Si les problèmes sont abordés de manière transparente et résolus rapidement, ils peuvent renforcer les institutions et encourager la mise en œuvre de pratiques de gouvernance plus rigoureuses. Une telle crise pourrait également être un catalyseur pour engager des réformes structurelles qui renforcent la gestion des finances publiques et améliorent la confiance des citoyens et des investisseurs.
Le fait que le Premier ministre et les ministres aient pris la parole sur ce sujet est un signe de prise de conscience, mais cela doit être suivi d’actions concrètes et mesurables pour redresser la situation et assurer une reprise économique durable.
- Comparaison avec d’Autres Pays
Des situations similaires ont été observées ailleurs dans le monde. Par exemple :
• Grèce (2010) : Une sous-estimation des déficits budgétaires a entraîné une grave crise de la dette souveraine, des mesures d’austérité sévères, et une intervention de l’Union européenne et du FMI, impactant durablement l’économie du pays.
• Mozambique (2016) : Le scandale de la “dette cachée” a révélé des emprunts massifs non déclarés, provoquant une suspension des aides et une crise économique grave.
• Argentine : L’Argentine a régulièrement fait face à des crises d’endettement, souvent liées à un manque de transparence dans la gestion des finances publiques, entraînant des périodes de forte instabilité économique.
Ces exemples montrent que le manque de transparence et une mauvaise gestion de l’endettement ont des conséquences graves et durables. Toutefois, dans certains cas, la mise en place de réformes crédibles et une coopération étroite avec les institutions financières internationales ont permis de restaurer la stabilité.
En definitive nous pouvons retenir que la situation actuelle au Sénégal est préoccupante, mais elle est loin d’être irrémédiable. La clé réside dans la capacité des autorités à répondre de manière proactive et transparente aux préoccupations soulevées. Le Sénégal doit s’engager à améliorer la transparence, rassurer ses partenaires par des audits financiers indépendants, et mener des réformes structurelles visant à réduire la dépendance aux subventions non ciblées. Le gouvernement doit également s’assurer que l’État de droit est respecté, en garantissant que la justice fasse son travail de manière impartiale.
Les conséquences potentielles d’une telle situation peuvent être graves, allant de la perte de crédibilité sur les marchés financiers à des troubles sociaux. Cependant, une réponse adaptée et une gestion proactive de la crise pourraient transformer cette situation en une opportunité de renforcer les institutions sénégalaises et de bâtir une base plus solide pour une croissance durable.