« AUTEUR DE L’ARTICLE : Ibrahima NGOM/ Damel »
Cheikh Moussa Kâ est une des figures de proue du Mouridisme. Il a vu le jour aux confins du Baol vers 1890-1891, à Ndilki. Il descend d’une lignée distinguée. Il est le fils de Serigne Ousmane Kâ, grand soufi et Sokhna Absatou Seck. Son ascendance noble tissée avec Mame Maharam Mbacké, établit un lien sacré avec Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, son guide vénéré.
Son éducation
Depuis son jeune âge, Cheikh Moussa Ka fut imprégné d’une éducation qui dépassait les limites terrestres. Formé par son père qui fut un enseignant respecté, il reçut les enseignements qui forgèrent en lui une sagesse profonde. À la mort de son père, il se rapprocha de son maître, Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul qui était alors en résidence à Thiéyène (1905-1912). Ce fut le commencement d’un voyage spirituel et intellectuel extraordinaire.
Au niveau de cette localité du Ndiambour traditionnel, Cheikh Moussa Ka laissa éclore son talent poétique, composant des éloges en arabe pour son Maître. Lors de la première présentation de ses poèmes, il offrit un manteau à un grand disciple pour que ce dernier transmette ses vers à son Maître. Lorsque Cheikh Ahmadou Bamba en fut informé, il l’appela, lui conseillant plutôt de perfectionner son cheminement spirituel. Dans un acte de dévotion obstinée, Cheikh Moussa Ka chanta un poème devant le Cheikh, lui déclarant : « Tant que tu continueras à chanter pour le Sceau des Prophètes, je ne cesserai de chanter pour Son Serviteur que tu es. » Cheikh Ahmadou Bamba, touché par cette fervente dévotion, l’enlaça, lui insufflant le secret de la poésie divine. Il lui ordonna de chanter dans la langue de son peuple, pour que ses écrits soient compris et profitables. Il lui recommanda de ne débuter ses poèmes d’éloges qu’après son propre départ de ce monde, car « la gloire se raconte à titre posthume ».
Le rappel à Dieu du Cheikh et son fameux poème « Xarnu-Bi »( le siècle)
Après la disparition de Serigne Touba en 1927, le monde subit une crise économique sévère dans les années 1930, affectant durement le peuple sénégalais. Cheikh Ndame Abdourahmane Lô implora Cheikh Moussa d’invoquer le Seigneur en sollicitant la clémence à travers la grâce de Cheikhoul Khadim Cheikh Ahmadou Bamba. Cheikh Moussa Ka composa ainsi son premier chef-d’œuvre, « Xarnu-Bi » (le siècle), priant pour un retour à la prospérité par la bénédiction du Fondateur du Mouridisme. Ses vœux furent exaucés. Écrivain éminent, Cheikh Moussa Ka marqua son époque par la profondeur de ses écrits, souvent dédiés à Borom Touba. Avec une humilité remarquable, il se nommait le « Serviteur du Serviteur du Prophète » (Khadimoul Khadim), illustrant son rôle modeste mais précieux dans l’immense vénération qu’il portait à Cheikh Ahmadou Bamba. Sa plume, empreinte de sagesse, se révéla être un phare dans l’hagiographie islamique et mouride, ainsi que dans l’histoire du Sénégal. Ses contemporains le décrivent comme un homme de piété profonde, renonçant aux biens matériels de ce bas-monde pour se dévouer entièrement à son cheminement spirituel.
Un patrimoine littéraire riche de plus de 13 644 vers
Le patrimoine littéraire de Cheikh Moussa Ka est un trésor inestimable, explorant divers aspects de l’Islam et du Mouridisme avec une finesse rare. Ses écrits, couvrant des récits de la vie du Prophète (Paix et Salut sur Lui), aux éloges de Sokhna Mariama Bousso dite Mame Diarra, la Sainte mère de Serigne Touba, traitent des épreuves des Prophètes, des qualités du Cheikh, des exhortations aux femmes musulmanes et aux aspirants mourides. Son œuvre, riche de plus de 13 644 vers, constitue un héritage littéraire et spirituel de premier ordre, témoignant non seulement de sa maîtrise des lettres mais aussi de son engagement envers les valeurs mourides et l’enseignement du Cheikh. Ses écrits, toujours admirés, continuent d’inspirer chercheurs et étudiants, perpétuant la lumière de son savoir et de sa dévotion dans les générations futures.
Un infatigable fondateur de « Daaras »
Cheikh Moussa Ka fonda de nombreux villages-daaras, de centres d’enseignement du Coran, d’éducation et de culture de la terre. Parmi eux, on peut citer Mbeunde et Loumbel Sayel ainsi qu’un « Daara » à Back Samba Dior, près de Kaolack. Les produits des champs de ces daaras finançaient les grands projets du mouridisme, tels que la construction de la Grande Mosquée de Touba. Cheikh Moussa Ka fut également l’ami des grands disciples contemporains.
Il demeure une figure incontournable du patrimoine religieux et culturel sénégalais. Sa vie et son œuvre continuent d’éclairer ceux qui cherchent à comprendre et à suivre la voie illuminée par Khadimou Rassoul.
Sa disparition en 1966
Cheikh Moussa Kâ, après une contribution très significative dans la littérature mouride, quitta ce bas-monde en 1966. Il a bien rempli sa mission. Aujourd’hui, Cheikh Modou Loumbel Kâ est son Khalife honoré.
Ibrahima NGOM