SICAP.SA, SN-HLM, les coopératives d’habitat, Sociétés civiles immobilières (SCI) et programmes «Une Famille – Un Toi», «Zéro bidonville», «100.000 logements» et pôles urbains, en plus des lois et règlements (décrets) etc., les différents régimes qui se sont succédé à la tête du Sénégal indépendant n’ont pas manqué d’imagination et de projets pour promouvoir l’accès à l’habitat. Seulement, au fur du temps, toutes ces politiques ont fini par montrer leurs limites à atteindre les objectifs édictés, face à la croissance démographique, la boulimie et l’accaparement fonciers et aux promoteurs immobiliers dont l’écrasante majorité n’est mue que par le profit. Du coup, l’inaccessibilité du coût d’un logement décent, «excluant» les populations en majorité vulnérables, à revenus faibles ou irréguliers de la propriété à laquelle elles ont pourtant droit, un nombre restreint de privilégiés y trouvent leur compte. C’est pour corriger cette maldonne, le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a donné de nouvelles directives à son gouvernement, en Conseil des ministres qu’il a présidé le jeudi 18 juillet 2024 au Palais présidentiel.
En réunion hebdomadaire du Conseil des ministres qu’il a présidé au Palais de la République, le jeudi 18 juillet 2024, le Chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a donné des instructions au gouvernement pour faciliter l’accès au logement et à la propriété foncière et immobilière au Sénégalais, intégrant des mesures fiscales, foncières et financières incitatives et durables, conformément la nouvelle politique de promotion de l’accès au logement. Non sans rappeler que la gestion de la problématique des loyers et la construction de logements sociaux demeurent des «urgences sociales».
Déjà, moins d’une semaine plutôt, le président de la République, face à la presse le samedi 13 juillet 2024, après plus de trois (3) mois de gouvernance, est revenu sur la gestion et les problèmes fonciers, notamment la situation sur le littoral (Domaine public maritime), les sites de la nouvelle ville de Thiès (Thiès Ville Neuve) et de Mbour 4 dont il venait de recevoir le rapport dans la matinée. «Nous allons reprendre le lotissement et réaffecter équitablement les parcelles aux populations. Ce n’est pas parce que vous êtes proche de l’autorité qu’on doit vous demander votre carte nationale d’identité pour vous octroyer un hectare (ou plus)… Dans la tête, dans le cœur de chaque travailleur, il n’y a qu’une préoccupation : avoir une maison. La maison, c’est la sécurité», a déclaré le président Faye qui a précisé qu’un hectare égale 34 à 35 parcelles voire plus.
En attendant, le casse-tête de l’accès à la propriété bâtie, notamment au logement et à la propriété foncière et immobilière, demeure toujours une angoisse pour les populations au Sénégal. Pourtant plusieurs politiques d’accès à l’habitat ont été mises en place, depuis l’indépendance. Et l’une des dernières en date et toujours en cours, est celle des 100.000 logements. Initié sous le régime de l’ancien président Macky Sall, pour éradiquer les bidonvilles à l’horizon 2035, le programme de construction de 100.000 logements sociaux, prévu au départ sur 5 ans, est une composante du Programme «Zéro Bidonville».
Ce projet intersectoriel et pluri-institutionnel a pour but «l’amélioration du cadre et des conditions de vie de plus de 4.000.000 de personnes ; soit plus de 500.000 ménages habitant dans les bidonvilles avant 2035». Il est motivé par le déficit en logements évalué à 150.000 à Dakar et 350.000 dans tout le pays, avec le constat d’une dynamique démographique et urbaine et de développement de bidonvilles, combinée à l’offre de logements inadaptée aux besoins des ménages à revenus faibles ou irréguliers et les financements peu adaptés (crédit hypothécaire). Il a pour finalité d’accélérer et diversifier l’offre de logements décents et accessibles pour les ménages à revenus faibles et/ou irréguliers. Histoire de rendre accessible les logements à toutes les catégories sociales. Il concerne l’ensemble du territoire, avec 60% des logements à construire sur le triangle Dakar-Mbour-Thiès et les 40% restants sur le reste du pays, explique un document du ministère chargé de l’Urbanisme et du Logement.
A QUAND LA RECEPTION OFFICIELLE DES PREMIERES VILLAS ET LA REMISE DES CLEFS AUX BENEFICIAIRES ?
Pour sa mise en œuvre, une première phase dénommée phase pilote a résulté sur la mise en place du cadre institutionnel et juridique du projet, avec principalement la création de la Société d’Aménagement Foncier et de Rénovation Urbaine (SAFRU.SA). La mission de la SAFRU.SA, c’est «une réforme hautement attendue avec pour objectif d’agir sur le coût du logement mais aussi de prévenir les problèmes d’assainissement que le pays a connu régulièrement et le Fonds pour l’Habitat Social (FHS) pour faciliter l’accès aux financements surtout pour les revenus non documentés».
La SAFRU a démarré des travaux d’aménagement notamment au niveau du Pôle urbain de Daga-Kholpa et sur les sites des promoteurs engagés dans le projet et des travaux de construction de logements par les promoteurs publics et privés que sont la SN HLM, la SICAP SA, la S21, EFT, Les Résidentielles du Sénégal, etc. à Bambilor, Kébémer, Kaolack, Fatick, Diourbel, Notto Diobass Potou, Daga-Kholpa et Diamniadio, Niacoulrab et Ndiakhirate (Dakar). Sur les sites concernés par le programme, les logements sociaux ou économiques, de moyen standing, sont de types F3, F4, F5 et F6, avec titre foncier de 100 m2, 150, 200, 250, 300 et 500 m2 ; c’est selon. Cependant, le coût de ces habitats dits «sociaux», qui peuvent être acquis au comptant ou par crédit bancaire, est toujours jugé exorbitants par beaucoup de Sénégalais, notamment les fonctionnaires/salariés mais également la classe moyenne des travailleurs sénégalais et à la diaspora, sans oublier «goorgoorlu», qui peinent encore à joindre les deux bouts, en ce contexte de vie chère.
En atteste, pour se procurer un logement de moyen standing de type F3, il faut débourser à partir de 14.500.000 FCFA et celui de type F4, une somme de 17.500.000 FCFA ; des villas économiques F3 sont accessibles à partir de 15.000.000 FCFA, et des villas économiques améliorées F4 à partir de 18.000.000 FCFA à Diamniadio et alentour, compte non tenu des frais notariaux et de constitution de dossiers. Ainsi, des années après le lancement de ce programme, en grande pompe, les Sénégalais entendent toujours la mise à disposition des premières maisons. Les assurances des autorités du régime précédent, réitérées chaque fois que de besoin et à l’issue des interminables visites de chantiers à Bamblor, Diamniadio, Kaolack etc. n’y feront rien. Alors que, à la suite du démarrage officiel, le vendredi 20 décembre 2019, de la campagne d’inscription au projet des 100.000 logements sociaux, le ministère de l’Urbanisme a lancé le Guichet Unique de l’Acquéreur, aussi appelé Procédure Simplifiée et Intégrée d’Acquisition de Logement Social, le jeudi 9 juin 2022,au siège du Fonds pour l’Habitat Social (FHS). Et, parallèlement à ces 100.000 logement, le régime sortant a déroulé, à Dakar, celui de la «Cité de l’Emergence» ; un projet immobilier d’envergure s’étalant sur une superficie dépassant les 2 hectares, avec 700 unités en R+11.
SICAP.SA, SN-HLM, COOPERATIVES D’HABITAT, DES SUCCES DANS LE TEMPS, MALHEUREUSEMENT NON CAPITALISES
Depuis 1960, avait souligné le gouvernement, justifiant le contexte du lancement du programme 100.000 logements, «les populations les plus vulnérables, ayant des revenus faibles ou irréguliers, sont victimes de la spéculation foncière qui les exclut du droit à la propriété. L’offre de logements décents et accessibles en termes de prix n’est réservée qu’à un nombre restreint de privilégiés, alors qu’obtenir un logement décent et vivre avec sa famille dans un cadre sain constitue une question de dignité humaine pouvant même être élevée au rang de droit humain».
D’ailleurs, avant même les indépendances, la Société Immobilière du Cap-Vert (SICAP, créée en 1950, et devenue une Société Anonyme à Participation Publique Majoritaire, SICAP SA), contribue déjà à la «réussite» des politiques étatiques d’accès aux logements et à moindre coût. Maintenue par le premier président, Léopold Sédar Senghor, la SICAP va poursuivre ses efforts et sera secondée par la Société Nationale des Habitations à Loyer Modéré (SN HLM), créée des décennies plus tard, par la loi n°1987/46 du 23 décembre 1987, votée sous le règne de son successeur, l’ancien président Abdou Diouf.
Ces deux structures (qui s’activent dans l’immobilier jusqu’à nos jours d’ailleurs), grâce à la promotion de la location-vente, à côté de l’achat au comptant, avaient permis à beaucoup de Sénégalais, notamment des salariés, de devenir propriétaires de maisons à Dakar et dans plusieurs grandes villes de toutes les régions du pays, dans des quartiers et cités portant aujourd’hui leurs noms (SICAP, HLM, Parcelles Assainies…). En outre, les coopératives d’habitat montées par des travailleurs de plusieurs sociétés et entreprises des secteurs publics et privés, avec l’appui de l’Etat mettant à disposition le foncier presque gratuitement, a permis à beaucoup d’autres salariés de disposer d’un toit.
Ainsi, tout comme SICAP SA et SN HLM, l’avènement de ces coopératives qui viabilisent et morcellent en parcelles d’habitation le foncier acquis auprès du ministère de l’Urbanise et du Logement, pour les distribuer à leurs membres, a aussi été salutaire. Certes ! Mais, le problème semble rester entier, vu la poussée démographique et la problématique de l’accès au foncier, avec l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur notamment des promoteurs privées et Sociétés civiles immobilières (CSI).
CONÇUS POUR DES SINISTRES DES INONDATIONS, «JAXAAY» ET «TAWFEKH» LOGENT UNE CLIENTELE POLITIQUE ET AUTRES NANTIS
Quid des programmes nés des inondations à Dakar ? Après les inondations du mois d’août 2005, ayant affecté et rendu inhabitables certaines zones de la banlieue défavorisée de Dakar, envoyant plus de 20.000 personnes soudainement dans la rue, le gouvernement de l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, avait lancé un Plan d’urgence de construction de 4000 logements sociaux modernes et accessibles, d’un montant de 52 milliards de FCFA (104 millions de dollars américains, à l’époque). Les logements de ce «plan spécial» qu’il a proposé d’appeler «le Plan Jaxaay» étaient cédés à partir de 4 millions de FCFA aux bénéficiaires. Toutefois, si nombre de familles démunies victimes des inondations ont pu être relogées grâce à ce projet décliné en deux phases (Jaxaay 1 et Jaxaay 2), beaucoup d’autres ont été laissées en rade, l’objectif du projet étant détourné et ayant servi à loger une clientèle politique et même des nantis.
Son successeur au pouvoir, Macky Sall, ayant été également confronté au problème des inondations, mettra en place un programme similaire dénommé la cité «Tawfekh», dans la commune de Tivaouane-Peulh – Niague. Tawfekh connaîtra le même sort, ou presque, puisque des pontes du régime sortant ont été bien servi, au détriment des populations expulsées définitivement de leurs maisons par les eaux de pluies. Tout comme des logements et terrains de la cité APIX, située dans la même commune, initialement réservés aux impactés directs des projets d’infrastructures de l’Etat, comme l’autoroute à péage.
«UNE FAMILLE – UN TOIT», TOUJOURS UN REVE
La promotion des logements sociaux, c’est aussi le projet «Une Famille – Un Toit» de l’ancien président Abdoulaye Wade, lancé vers la fin de son premier mandat. Le président Macky Sall ressuscitera ce programme, constituant un des principaux leviers du volet habitat du Plan Sénégal émergent (PSE) ; un projet d’accès à l’habitat dont il a décliné, en mai 2015, les contours : «faciliter l’accès à un logement décent aux Sénégalais à faibles moyens et revenus. Un programme de 2850 logements est prévu, pour un investissement global de 37 milliards». Une première livraison de 222 logements avait fait l’objet de réception officielle, avec une remise de clefs en présence de sa majesté le Roi Mohamed VI du Maroc, aux 8 premiers acquéreurs. Depuis lors, aucune information sur la suite du projet.
Auparavant, dans le cadre de la diversification de l’offre de logements, des SCI et des promoteurs immobiliers privés ont investi le secteur. Bénéficiant d’assiettes foncières mises à disposition par l’Etat, souvent à des conditions favorables, ces privés ont bien joué leur partition dans la politique d’accès à l’habitat et au logement des Sénégalais. Seulement, force est de reconnaître, pour le regretter, qu’elles sont également largement à l’origine de la spéculation et du renchérissement actuel du prix des logements. En plus des coûts des matériaux de constructions et autres intrants décriés souvent.