Notre pays traverse actuellement une période de turbulences politiques. Le groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (BBY) a exprimé, lors d’une déclaration de presse, sa profonde inquiétude et son indignation face à ce qu’il qualifie de violation flagrante des principes républicains par le groupe Yewi Askan Wi (YAW).
Ces tensions surviennent suite aux récentes attaques d’Ousmane Sonko, leader du PASTEF, mettant fin à une tradition de respect républicain observée lors des transitions politiques de 2000 et 2012.
Traditionnellement, notre pays a connu des transitions politiques marquées par une période de grâce, permettant aux nouveaux gouvernements de se concentrer sur leurs premiers 100 jours sans obstruction majeure. En 2000, le Parti Socialiste (PS) et, en 2012, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) avaient respecté cette pratique. Cependant, aujourd’hui, cette courtoisie semble rompue, avec la majorité parlementaire menaçant de retirer au Président de la République son pouvoir de dissolution pour repousser les législatives à 2027.
Importance de l’article 55
Dans une déclaration tenue par BBY, les membres du groupe parlementaire ont dénoncé les actions de YAW, accusant ces derniers de s’arroger indûment des pouvoirs exécutifs. Ils soulignent l’importance de la Déclaration de Politique Générale (DPG), prévue par l’article 55 de la Constitution, comme un acte fondamental pour le dialogue démocratique entre l’exécutif et le législatif.
« Nos collègues du groupe parlementaire Yewi Askan Wi ont cru devoir se substituer au Premier ministre en violant honteusement le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs… Hélas, c’est dramatique de constater que des députés supposés représenter le peuple essayent, par des subterfuges grotesques, d’exonérer le chef du gouvernement d’un tel exercice… » a déclaré à la presse le Président Abdou Mbow.
Yaw accusée de manœuvrer pour éviter une motion de censure
BBY accuse YAW de manœuvres destinées à éviter une motion de censure contre le Premier ministre Ousmane Sonko, dénonçant un manque de courage politique et une stratégie de fuite en avant. Les députés BBY exigent que le Premier ministre Ousmane Sonko respecte son obligation constitutionnelle et se présente devant l’Assemblée nationale pour sa déclaration de politique générale.
En réponse à l’interpellation du député Guy Marius Sagna, le Premier ministre et leader du PASTEF, Ousmane Sonko, a publié un post sur Facebook, précisant que sa DPG est prête et qu’il est impatient de présenter les grands axes des politiques publiques. Il a cependant souligné les contradictions juridiques actuelles : l’article 55 de la Constitution impose la DPG sans préciser les délais, et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, modifié suite à la suppression puis à la restauration du poste de Premier ministre, n’est pas à jour. Sonko a donc annoncé qu’il ne tiendra sa DPG que lorsque les dispositions pertinentes seront réintégrées dans le règlement intérieur, faute de quoi, il s’adressera directement au peuple le 15 juillet 2024.
« En conséquence, dans un souci constant de respect de la séparation des pouvoirs et du principe de légalité, je ne tiendrai ma DPG devant cette Assemblée qu’une fois que la majorité parlementaire se sera amendée en réinscrivant dans le règlement intérieur l’ensemble des dispositions relatives au Premier ministre, » a déclaré Sonko. « En cas de carence de l’Assemblée, d’ici le 15 juillet 2024, je tiendrai ma Déclaration de Politique Générale devant une assemblée constituée du peuple sénégalais souverain, de partenaires du Sénégal et d’un jury composé d’universitaires, d’intellectuels et d’acteurs citoyens apolitiques. »
La réplique de Thierno Bocoum
L’ex-parlementaire Thierno Bocoum a répliqué en soulignant que la légitimité de l’Assemblée nationale ne dépend pas de celle du Président de la République et qu’elle s’exerce durant tout le mandat des députés. Thierno Bocoum a également critiqué l’ex-Premier ministre Aminata Touré, qui a encouragé Sonko à ne pas se présenter devant l’Assemblée, et a préconisé la dissolution de cette dernière dès le 31 juillet, affirmant que cette législature ne reflète pas la volonté populaire.
De son côté, Mandiambal Diagne, Administrateur du journal Le Quotidien a commenté la sortie d’Ousmane Sonko en soutenant que ce dernier « annonce son coup d’État pour le 15 juillet 2024 ». Il a également jugé que la réplique des députés de Benno Bokk Yakaar annonce « le chambardement ».
Face à cette escalade de tensions, le pays se dirige vers un face-à-face entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, posant les bases d’une cohabitation imposée par une majorité parlementaire détenue par l’opposition. La volonté de cette dernière d’amender la Constitution pour retirer au Président de la République le pouvoir de dissolution annonce un bras de fer entre deux pouvoirs consacrés. Le législatif disposant du pouvoir réglementaire et l’exécutif du pouvoir de promulgation. Entre les deux, le Conseil constitutionnel reste le dernier rempart, bien que le Premier ministre n’ait pas manqué de critiquer son Président lors de sa dernière sortie.