La sortie musclée de Louis François Mendy, après sa médaille d’or aux Championnats d’Afrique d’athlétisme, a le mérite de (re)poser le débat sur les récompenses de nos athlètes en cas de performance. Décryptage.
Il a encore dégainé ! Louis François Mendy ne rate jamais l’occasion de crier son ras-le-bol, par rapport aux conditions financières liées à sa préparation. Mercredi, après sa médaille d’or aux 110m haies, remportée aux Championnats d’Afrique de Yaoundé, le hurdler sénégalais, qualifié pour «Paris 2024», a encore poussé un coup de gueule.
«Etre champion d’Afrique au Sénégal, ce n’est que de nom. Etre champion d’Afrique pour gagner une prime de 50 000 Cfa de la part du ministère des Sports. Une autre somme de 30 000 Cfa rajoutée à cette dernière par le président de la Fédération. Mieux vaut aller jouer au football car Sadio Mané ou Gana n’auraient jamais accepté cette somme. Je vous remets votre prime. Fier d’être champion d’Afrique. Il est tant que cela cesse», a dénoncé le qualifié aux Jeux Olympiques «Paris 2024» sur son compte Instagram.
Les Lions du foot et du basket reçoivent leurs primes à leur descente d’avion
S’il y a à redire sur la forme de cette sortie musclée, loin d’être «diplomatique», par contre elle a le mérite de poser à nouveau le débat sur la nature des récompenses de nos athlètes en cas de performance, surtout en sport individuel. Même si en sport collectif, le foot et le basket ont réglé leurs problèmes de primes.
Mais avant de parler de la «prime de performance», il y a lieu de nous arrêter sur les «indemnités journalières». En fait, c’est de ça qu’il s’agit, quand Louis François Mendy parle des 50 000 Cfa reçus, plus le bonus de 30 000 Cfa offert par son président. Ces 50 000 Cfa représentent les 5 jours passés à Yaoundé, soit 10 000 par journée, comme le stipule un arrêté ministériel de longue date.
Revaloriser les indemnités journalières et les primes dont l’arrêté date de 20 ans
Justement, c’est à ce niveau que le «Jubanti» (cher au Président Diomaye Faye) doit commencer. En effet, on ne peut pas comprendre qu’on continue d’allouer 10 000 Cfa par jour (à l’extérieur) et 5000 Cfa (au niveau national) à chaque athlète à partir d’un arrêté qui date de 20 ans et dont nous avons copie. C’est en effet le 27 septembre 2004 que le ministre des Sports d’alors, feu Youssoupha Ndiaye, a signé le document.
20 ans après, ces indemnités n’ont jamais bougé. Ce qui est incompréhensible. Et c’est ce qui explique que Louis François Mendy ait reçu 50 000 pour ses 5 jours passés à Yaoundé. D’où la nécessité pour l’Etat de revoir ces indemnités à la hausse.
Ce que dit l’arrêté Youssoupha Ndiaye de 2005 sur les primes !
Quid des primes de performance ? Là aussi, c’est régi par un arrêté. Dans le document dont nous avons copie, et signé toujours par le ministre Youssoupha Ndiaye, en date du 25 février 2005 et portant «Classification des disciplines sportives et récompenses aux sportifs», il est mentionné, entre autres, que pour les médaillés des Jeux Olympiques, ce sont 2 millions Cfa pour l’or, 1, 5 million argent, 1 million bronze et 500 000 pour la 4e place. Pour les Championnats du monde séniors : 1 million or, 600 000 argent, 400 000 bronze et 200 000 pour la 4e place, mentionne le document.
Enfin concernant les autres compétitions internationales, comme les Championnats d’Afrique, les Jeux africains, les Jeux de la Francophonie…, les primes pour les médaillés d’or varient entre 700 000 et 500 000 Cfa, pour des disciplines comme «le football, l’athlétisme, le basket et le karaté», précise l’arrêté Youssoupha Ndiaye.
L’exploit de Matar Ba qui a épongé les primes de 2007
En clair, les trois médaillés d’or en athlétisme de Yaoundé doivent recevoir chacun 700 000 Cfa. Mais contrairement aux Lions du foot et du basket qui touchent leurs primes à leur descente d’avion, les trois recordmen d’Afrique devront attendre, car le paiement n’est pas automatique. Ce qu’ont toujours déploré les bénéficiaires. Certains athlètes restant même des années avant de rentrer dans leurs fonds.
On peut citer les primes impayées depuis 2007, finalement réglées… en 2021. Et cela grâce à l’entregent de Matar Ba. L’ancien ministre des Sports, avec l’insistance du Cnoss, avait réussi à convaincre l’Etat à éponger, 14 ans après, des arriérés de primes qui s’élevaient à près de 600 millions Cfa et qui concernaient environ 1000 athlètes de 25 disciplines.
D’ailleurs, tout en se félicitant du geste de Macky Sall, l’ancien patron du sport sénégalais avait promis : «Nous sommes en train de réfléchir pour ne plus connaitre cette injustice et apporter ainsi une solution conséquente, en demandant aux fédérations qui s’engagent dans les compétitions internationales d’intégrer dans les fiches de prise en charge les primes éventuelles.»
Apparemment depuis, les choses n’ont pas évolué, pour des primes qui devaient en toute logique, être revues à la hausse. D’ailleurs, au judo, nous souffle-t-on, aucune prime n’a été payée depuis 2021.
Et ce n’est pas Louis François Mendy et Cie, soulagés par la Bourse olympique du Cnoss, qui diront le contraire.
La rupture, c’est maintenant !